À Jéricho, le site de Tel Es-Sultan rejoint le patrimoine mondial de l’UNESCO
(C.L) – Pour qui a peu de notions en archéologie, le site de Tel Es-Sultan à Jéricho peut paraître aride. Il faut savoir lire entre les lignes des strates archéologiques pour comprendre l’importance de ce monticule, qui a rejoint le 17 septembre la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO lors d’une réunion du comité en Arabie Saoudite.
On présente souvent Jéricho comme la ville la plus vieille du monde. C’est surtout celle dans laquelle on a retrouvé, lors de la fouille de ses 29 couches stratigraphiques, des traces de peuplement qui remontent aux IXe et VIIIe millénaires avant notre ère. L’installation d’une civilisation dans cette région a été facilitée par la fertilité du sol de l’oasis et un accès facile à l’eau, avec la source voisine d’Aïn es-Sultan.
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La présence d’une tour, datée de 8000 avant J.-C, illustre « la transition vers un mode de vie sédentaire des populations de chasseurs-cueilleurs du Levant au cours du Néolithique, et témoigne de l’essor du début de la culture urbaine levantine au début de l’âge du Bronze », expose le projet de proposition d’inscription à l’UNESCO. Le comité a estimé que ces deux périodes conféraient au site une valeur universelle exceptionnelle.
Discours nationaux
Si Mahmoud Abbas, le président Palestinien, a salué cette décision comme une « preuve de l’authenticité et de l’histoire du peuple palestinien », côté israélien, le ministère des affaires étrangères la considère « comme un nouveau signe de l’utilisation cynique que les Palestiniens font de l’Unesco et de la politisation de l’organisation ». Israël a quitté l’Unesco en 2019, au motif que l’organisation œuvrait en faveur de l’Autorité palestinienne en cherchant à minimiser son lien avec la Terre sainte.
Après l’annonce de la nouvelle dimanche, une délégation de députés du Caucus de la Terre d’Israël à la Knesset s’est réunie en urgence près de Jéricho, sur le site des Palais Hasmonéens : « Appeler cet endroit un site du patrimoine palestinien est une moquerie à l’idée de préserver l’histoire, a déclaré Simcha Rothman, député du Parti sioniste religieux. Il s’agit d’une tentative continue de l’Autorité palestinienne de s’approprier culturellement ce qui s’est passé ici, dans cet endroit, pendant des milliers d’années. Vous pouvez creuser ici autant que vous le souhaitez et vous ne trouverez jamais aucune preuve de l’histoire palestinienne. »
Les députés ont aussi voulu rappeler que le site de Jéricho est « central dans le récit biblique » et devrait donc être « sous les auspices du peuple juif et de l’État d’Israël ».
Quatrième site classé en Territoires palestiniens
Par son ancienneté et son importance pour l’histoire de l’humanité, le site dépasse le conflit israélo-palestinien, et toute appropriation à visée nationale qu’en font chacun des deux camps. « Les efforts visant à contrecarrer la désignation de Tel es-Sultan par la droite israélienne doivent être considérés dans le contexte de la campagne agressive menée ces dernières années visant à délégitimer les revendications des Palestiniens sur la terre et le patrimoine et à promouvoir l’annexion de la Cisjordanie, remet en contexte l’ONG Emek Shaveh dans un communiqué publié dimanche 17 septembre. La droite israélienne ne parvient pas à comprendre que l’affiliation culturelle d’un site et la souveraineté sont deux choses différentes. »
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Les restes archéologiques se rapportent à des périodes de l’histoire (Néolithique, Bronze moyen) antérieures à la chronologie représentée par le récit biblique. La ville de Jéricho et le Tel Es-Sultan étant situés dans ce que les accords d’Oslo ont nommé la « zone A » de la Cisjordanie occupée, leur gestion en revient à l’Autorité Palestinienne.
La Jéricho antique devient ainsi le quatrième site palestinien à rejoindre la liste du patrimoine mondial, après l’église de la Nativité, la Vieille ville d’Hébron et le système d’irrigation en terrasses du village de Battir. Ces deux derniers sites ont été reconnus au moyen d’un protocole d’urgence. C’est une bonne nouvelle pour Jéricho, car cette classification peut être un atout touristique, voire un moyen de s’assurer que les abords de l’oasis ne soient pas plus abîmés par l’urbanisation rapide de la ville.