Ce lundi matin à 10h, ils sont quelque 50 000 à se rassembler au Mur occidental pour la bénédiction des prêtres. Une foule immense envahit les rues de la vieille ville, le quartier juif est plein à craquer. C’est une véritable effervescence qui s’empare de la ville de Jérusalem, deux jours après le début de Souccot. Enfin les Juifs célèbrent dans la joie, après l’austérité des selihot qui ont rythmé les deux semaines de Rosh Hashana et Yom Kippour.
Le rabbin Oded Peles explique que cette fête est « un festival de joie. Être joyeux fait partie des commandements édictés par la Torah durant Souccot. Un autre des commandements est d’accueillir des invités dans sa soucca, qu’ils soient vos voisins, amis ou proches. Souccot est une fête du partage. »
Vivre humblement
Durant la semaine de Souccot, les rues se parent de cabanes en bois, dont le toit est constitué de végétation naturelle, souvent des branches de bambou, sinon de pin ou de palmier. Une visite dans Mea Shearim permet de se faire une idée de l’importance de la fête. Chaque balcon du quartier a sa propre soucca. Si l’espace n’est pas assez grand, alors les orthodoxes construisent dans leur jardin, et si le jardin est trop petit, alors ils les installent directement dans la rue.
Mais pourquoi les Juifs vivent-ils pendant une semaine dans ces huttes de bois ? « C’est pour nous rappeler que nous devons vivre dans l’humilité, explique Oded Peles. Certains dans cette optique vont même jusqu’à dormir dans leur soucca. Mon frère a bâti une soucca aussi grande qu’un appartement ! Généralement on y passe surtout les trois repas de la journée. » À défaut d’avoir un balcon, il a établi la sienne dans le jardin de son immeuble. Tous les jours, il y descend ses repas pour y déjeuner. Telle une hutte de Noël (!), elle est décorée de guirlandes colorées, auxquelles sont suspendus des objets de verre, avec au centre la table où il prend quotidiennement ses repas. En guise de plancher, des tapis en osier recouvrent le sol.
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Quatre espèces : quatre visages de la nature humaine
« Souccot arrive à la fin de la période des moissons, quand les cultures sont terminées. Alors nous prenons quatre de ces espèces et bénissons et remercions Dieu de nous avoir accordé de bonnes récoltes. » Réunis dans un étui à trois embouts, pensé spécialement pour cette occasion, une tige de palmier, trois tiges de myrte, deux tiges saule sont ainsi rassemblées, complétées par un cédrat. Ensemble, ces quatre espèces servent chaque jour de la fête. Le rituel consiste à les agiter aux quatre coins cardinaux et de bas en haut.
La raison de ces espèces se trouve dans la Mishna (lois rabbiniques qui font suite à la Torah). Oded Peles éclaire leur signification : « Le palmier ne se mange pas mais donne un fruit, la myrte ne se mange pas mais sert à parfumer et composer des breuvages, le cédrat se cuisine, quant à la saule elle n’apporte rien de particulier. Ainsi, chacune des espèces a ses particularités, et son importance dans la constitution du bouquet ». Tout comme chacun, par sa personnalité, constitue notre société. Ainsi, en regroupant ces quatre espèces, ce sont les différentes facettes de l’humanité qui sont intrinsèquement réunies.
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Une joie qui n’est pas partagée par tous
De l’autre côté de la ville, comme lors de toutes les fêtes juives, les Palestiniens du quartier musulman font face à un contrôle renforcé, en particulier au niveau de la porte de Damas où les juifs orthodoxes ont pour habitude de passer pour rejoindre le Mur Occidental. Dans l’après-midi du 2 octobre, un groupe de jeunes colons a essayé de se rendre sur l’esplanade où se trouvent aujourd’hui les mosquées. Le lieu cristalise les tensions lors des jours de fête, puisqu’il est saint pour les fidèles des deux religions, juive et musulmane.
Des femmes musulmanes ont tenté de s’interposer sur le chemin des colons, mais elles ont été violemment écartées par des policières qui se trouvaient à proximité. Arrêtées sur le champ, elles ont brandi leur coran comme ultime signe de révolte, avant d’être entraînées par les forces de l’ordre. D’autres arrestations ont eu lieu au cours de la journée.
Les tensions étaient d’autant plus grandes et les musulmans d’autant plus vigileants, que la veille, la police avait arrêté un citoyen israélien désireux de sacrifier un mouton « sur l’esplanade du temple ». Suite à son arrestation, le mouvement auquel il appartient, appelé Chozrim L’Har, avait rappelé son mot d’ordre : « Il n’y a plus de place pour un régime musulman sur le Mont du Temple », attisant ainsi les réactions musulmanes.