Le nouveau musée archéologique de la Custodie de Terre Sainte est ouvert depuis 2016 dans le couvent de la Flagellation. Il rassemble le fruit des fouilles réalisées par les chercheurs franciscains en archéologie biblique. Une nouvelle aile sera inaugurée dans les prochains mois. Elle est en cours d’aménagement. Rencontre avec frère Eugenio Alliata directeur de la section archéologique du Terra Sancta Museum.
Depuis les premiers jours de mai, au musée archéologique, construit près du couvent de la Flagellation de Jérusalem, on vit dans le feu de l’action. Dès la première heure, après la mise en place des vitrines d’exposition, démarre l’aménagement des nouvelles salles du musée qui viendront compléter les deux premières sections déjà visitables (celle du multimédia et celle dédiée au Nouveau Testament).
Pour éclairer les étapes de cet ambitieux projet, nous avons rencontré l’archéologue frère Eugenio Alliata, directeur, et la conservatrice Daniela Massara. C’est l’occasion, à la veille de cette nouvelle phase de la vie du musée, de faire le point sur le chemin parcouru jusqu’ici et sur les objectifs qu’il reste encore à atteindre.
“L’idée de remanier le musée archéologique, explique Eugenio, est née lorsque Pierbattista Pizzaballa était custode. Il a lancé et soutenu cette idée, même si elle n’a pas abouti durant son mandat de custode. La première phase fut achevée seulement en 2016, alors que le frère Pierbattista avait déjà quitté la Custodie et était devenu administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem.”
Un musée, des salles
La première section, celle du multimédia, se trouve dans une salle située en face de la chapelle de la Condamnation.
Le frère Alliata explique : “La partie multimédia est séparée du musée archéologique proprement dit ; elle est consacrée au site de la Flagellation, et nous avons voulu la donner en exemple pour que les autres sanctuaires de la ville puissent faire de même. La présentation multimédia raconte en son et lumière l’histoire du lieu où nous nous trouvons et les évènements évangéliques qui s’y sont déroulés. Elle est centrée sur la Via Dolorosa, car sans le sanctuaire de la Flagellation, ni les activités du musée, ni le Studium Biblicum franciscanum n’auraient vu le jour.”
…paradoxalement, le temps suspendu du Covid-19 a permis au Terra Sancta Museum de réaliser ensuite un bond en avant.
Selon le personnel du musée, la section multimédia a connu un véritable succès durant ces trois premières années d’ouverture : 70 000 entrées payantes, mais probablement bien au-delà de 100 000 visiteurs, en comptant les groupes scolaires et les délégations institutionnelles.
“La Via dolorosa actuelle est le lieu propre à Jérusalem où s’incarne la via Crucis (chemin de Croix). La mémoire de la Passion du Christ s’est inscrite sur ces pierres et s’est ensuite diffusée dans le monde entier. À Jérusalem, la via Crucis n’est pas seulement le chemin parcouru par Jésus avec sa croix, mais débute avec son arrestation à Gethsémani. Ainsi, l’expérience multimédia que nous présentons donne à revivre l’itinéraire et les étapes de la Passion, du Jardin de l’Agonie jusqu’au Calvaire.
Jésus dans son histoire
En 2018 a été inaugurée l’aile Corbo, dédiée au célèbre archéologue franciscain frère Virgile, comme partie intégrante du parcours muséal. Le frère Eugenio n’est pas de ceux qui aiment se vanter, mais il ne cache pas sa fierté de cette réalisation. “Y sont exposées les trouvailles archéologiques exhumées durant les fouilles réalisées en Terre Sainte par le Studium Biblicum franciscanum (SBF) de Jérusalem. Des objets relatifs aux institutions politiques de l’époque d’Hérode, à la vie quotidienne au temps du Nouveau Testament, jusqu’à la naissance du monachisme.
Un voyage qui se déroule à travers des espaces restaurés pour l’occasion : une citerne de l’époque byzantine, quelques salles du temps des Croisés et une cour magnifique entourée de structures mameloukes.
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La restauration de ces espaces a été réalisée sous la supervision de l’architecte Giovanni Tortelli de Brescia, qui a cherché à valoriser au maximum le potentiel du lieu. La grande salle qui accueillait antérieurement le musée a été réaménagée en six espaces consacrés au Nouveau Testament, donc à la vie au temps de Jésus.
Les pèlerins ne sont pas les seuls intéressés par la présentation de la personne et des traces de Jésus au sein de la ville de Jérusalem. Il n’existait pas jusqu’ici de musée qui leur soit consacré et même la presse laïque israélienne en a reconnu la nécessité… Notre idée est justement de mettre en valeur la figure historique de Jésus. La mémoire des faits de la Passion du Christ s’appuie sur l’Histoire et même si nous n’avons évidemment aucun témoignage direct sur Jésus d’un point de vue archéologique, nous disposons cependant de nombreux vestiges susceptibles d’illustrer le cadre dans lequel il a vécu. Au cours des décennies, les archéologues franciscains ont fouillé des lieux étroitement liés à Jésus de Nazareth : le palais du roi Hérode, Capharnaüm, Nazareth…”
Les deux années de pandémie ont constitué, à Jérusalem comme ailleurs, un temps d’arrêt dramatique : pèlerinages annulés et confinement strict. Toutefois, paradoxalement, le temps suspendu du Covid-19 a permis au Terra Sancta Museum de réaliser ensuite un bond en avant.
“La deuxième phase de réalisation du musée a fait surgir de graves problèmes structurels impactant tout l’édifice du couvent de la Flagellation. Le bâtiment avait été construit dans les années 1920 par l’architecte Antonio Barluzzi en ciment armé, une technique alors considérée comme innovante mais qui n’a pas résisté aux outrages du temps. Les experts consultés ont préconisé une intervention de restauration complexe, exigeant des travaux tant dans le couvent qu’au musée. Cela nous a donné l’occasion de récupérer pour le musée d’autres salles, nouvelles et fonctionnelles, qui en juin accueilleront la deuxième section. Les problèmes économiques n’ont pas manqué, mais nous en voyons à présent le bout.”
La nouvelle aile du musée (dédiée au frère Sylvester Saller, premier directeur du musée de la Flagellation), présentera les principales fouilles archéologiques franciscaines réalisées en l’espace d’un siècle, en prêtant une attention particulière au Saint-Sépulcre, à Nazareth, Bethléem, Capharnaüm, Magdala, le mont Thabor et le mont des Oliviers. Le visiteur sera guidé à travers les moments les plus importants de la vie terrestre de Jésus : après sa naissance à Bethléem et sa vie cachée à Nazareth, sa vie publique à Capharnaüm (dans la maison de Pierre) et en Galilée (à Tabgha et Cana où eurent lieu les premiers miracles), jusqu’à sa Passion, sa mort et sa Résurrection à Jérusalem (de Gethsémani au Saint-Sépulcre).
Cette section inclura aussi des collections provenant d’Égypte et de Mésopotamie. En somme, une sorte de “pèlerinage archéologique” à travers les sites bibliques.
Parmi les éléments présentés les plus importants frère Eugenio cite : “les chapiteaux croisés de Nazareth, la maison de Pierre à Capharnaüm et les ossuaires du mont des Oliviers. La section consacrée au Saint-Sépulcre est des plus notables, car elle exposera les colonnes de la basilique constantinienne qui ont été rassemblées ici et qui comptent certainement parmi les trouvailles antiques les plus imposantes.
Mais au-delà de l’intérêt historique et archéologique, notre musée est une belle réalisation, très intéressante pour les groupes de pèlerins de Terre Sainte. Les vestiges, les objets et artefacts présentés offrent l’occasion d’évoquer l’Évangile à partir de son contexte historique et de resituer la figure de Jésus dans une réalité précise, dans l’espace et dans le temps.
LE MUSÉE DU COUVENT DE LA FLAGELLATION
Un musée instrument et occasion de dialogue
Le musée archéologique s’offre comme un outil exceptionnel de rencontre et de dialogue entre les cultures et les religions présentes à Jérusalem.
C’est aussi la conviction de Daniela Massara, conservatrice des collections archéologiques : elle évoque un projet destiné aux écoles qui sont amenées au musée grâce à pro Terra Sancta. “Les écoles de la Custodie et des autres églises chrétiennes de Terre Sainte sont fréquentées par des enfants aussi bien musulmans que chrétiens. En accord avec certains enseignants nous avons démarré des ateliers susceptibles d’engager les élèves dans la découverte de leur passé. Nous avons été aidés par une collaboratrice américaine qui nous a fait profiter de son expérience dans ce domaine. Aujourd’hui, le projet éducatif est animé par une jeune palestinienne de Jérusalem, accompagnée de collaborateurs locaux qui ont complété leur formation grâce à un stage effectué aux musées du Vatican à Rome. Le second objectif est d’impliquer les enseignants, majoritairement des femmes, en les aidant à élargir leurs horizons et à redécouvrir certains aspects de leur identité propre” (voir aussi pages 48 et 49).
Parmi les nombreuses propositions de rencontre avec le monde arabe ont été aussi retenus les ateliers de restauration de mosaïques, en collaboration avec le Centre de Mosaïque de Jéricho, fondé par le frère Michele Piccirillo et aujourd’hui dirigé par l’architecte Osama Hamdan. “Parmi les réalisations les plus récentes, Daniela Massara mentionne certaines mosaïques des galeries latines du Saint-Sépulcre, restaurations effectuées par deux jeunes Palestiniens, l’une musulmane et l’autre chrétien, tous deux fiers d’avoir contribué à la sauvegarde d’objets précieux pour l’histoire de cette terre.”
Dernière mise à jour: 12/07/2024 10:59