Comment penser l’Avent et Noël en temps de guerre ?

Il est temps d’agir pour une paix réelle

Patriarche Latin (1987-2008) émérite, S. B. Michel Sabbah

Jérusalem, 2 novembre 2023

Il y a une nouvelle guerre à Gaza. Il y a déjà eu des guerres à Gaza, tous les deux ou trois ans.

Cette fois, la guerre a commencé par une attaque surprise du Hamas, suivie par un grand massacre d’Israéliens. Un crime de guerre. Elle se poursuit par l’extermination ou le transfert, décidé par Israël, de la population de Gaza, 2 300 000 mille personnes. Un autre crime de guerre.

La guerre à Gaza n’est que le symptôme du problème initial : le conflit entre le peuple palestinien et Israël. Une guerre commencée en 1948 et jamais résolue jusqu’aujourd’hui. Les guerres se sont multipliées par la suite, les morts, les victimes, les démolitions, les milliers de prisonniers politiques palestiniens… et les guerres de Gaza depuis 2007, après le siège imposé à tout le territoire.

Ce qu’il faut aujourd’hui, en ce moment, et au plus tôt, c’est arrêter cette guerre. Arrêter les sacrifices humains des deux côtés. Assurer l’échange des prisonniers des deux côtés, et avoir l’humanité et le courage de résoudre le conflit de fond, jamais résolu depuis 1948.

Postulat. Tous, Israéliens et Palestiniens, sont des êtres humains, également créés par Dieu. Ils doivent jouir d’une dignité égale, de droits égaux. Aucun peuple n’est supérieur à l’autre. Deux États, chacun en sécurité dans son État.

Il faut retrouver notre humanité, rechercher la justice afin de garantir la sécurité et la dignité humaine pour tous.

Les Palestiniens s’étaient résolus à la position suivante : “Israël garderait 78 % de notre pays, et nous laisserait créer notre État sur les 22 % occupés en 1967”. Or Israël a répondu qu’il n’y aurait jamais d’État palestinien. Même les Palestiniens radicaux (Hamas et autres…) acceptaient cette solution des 22 %… Mais comme Israël a dit non, ils se sont radicalisés dans leur résistance et ne veulent plus entendre parler d’Israël.

Aujourd’hui à Gaza, dans toute la Palestine et en Israël, il y a des hommes et des femmes qui meurent, qui souffrent… Il faut retrouver notre humanité, rechercher la justice afin de garantir la sécurité et la dignité humaine pour tous.

Il est temps d’agir pour une paix réelle, juste, qui respecte l’être humain dans les deux peuples, quels que soient les plans des “forts”… Voir dans le juif comme dans le palestinien un être humain doit nous guider vers la paix, et l’on ne verra plus de guerres ni à Gaza, ni ailleurs dans toute la Palestine, et Israël trouvera sa sécurité, et ses enfants dormiront en paix.

Prier, être présent et penser l’avenir

Wadie Abunassar, Consultant sur le Moyen-Orient

Haïfa le 1er novembre 2023

En ces temps difficiles, j’essaie de travailler sur quatre pistes en parallèle. La première est celle de la prière personnelle et en famille. J’essaie d’assister à davantage de messes en semaine (en plus de la messe du dimanche), de consacrer mon chapelet quotidien à la paix en Terre Sainte, de rassembler les membres de ma famille (ma femme et mes quatre filles) presque tous les soirs pour des prières et des partages.

Deuxièmement, j’essaie de parler aux personnes qui souffrent et/ou qui ont peur de la réalité et de l’avenir, en particulier à Gaza, mais aussi en Cisjordanie et en Israël, et de réfléchir à la manière de garder la foi en Dieu et dans les personnes de bonne volonté au niveau local, au niveau international, et je pense à la façon de continuer à croire que la paix est la SEULE option entre ennemis et rivaux.

… aider les familles, principalement à Gaza, mais aussi en Israël, à se rétablir en essayant de leur offrir de l’aide au nom de l’Enfant Né de Bethléem, le Prince de la paix.

Troisièmement, j’intensifie mon travail, notamment en publiant des documents et en fournissant des conseils aux hommes politiques locaux et internationaux, ainsi qu’en m’adressant aux médias locaux, sur la nécessité de voir l’image de Dieu en chaque être humain, même ceux qui sont considérés comme nos ennemis et rivaux.

Quatrièmement, je participe à des activités visant à promouvoir de meilleurs liens entre Arabes et Juifs en Israël, en particulier dans les moments difficiles, ainsi qu’à tenter d’aider les familles dans le besoin, principalement celles qui ont perdu leur emploi à cause de la guerre.

En outre, à l’approche de Noël, plusieurs de mes collègues, arabes et juifs, ont l’intention de lancer des campagnes après la fin de la guerre pour aider les familles, principalement à Gaza, mais aussi en Israël, à se rétablir en essayant de leur offrir de l’aide au nom de l’Enfant Né de Bethléem, le Prince de la paix, en espérant qu’Il accordera à l’humanité entière Sa paix, que les politiques ne parviennent pas à donner aux peuples du monde !

De l’espoir à l’espérance

Bashar Fawadleh, curé de la paroisse latine du Christ Rédempteur – Taybeh, Palestine

Tout autour de nous ce n’est que douleur de l’occupation, meurtre et destruction. La situation de la population de Gaza nous afflige. La tentation du désespoir est là. Pourtant nous, qui sommes palestiniens et chrétiens, nous devons garder l’espoir malgré les difficultés. Nos sociétés ont besoin d’espoir. Mais c’est l’espérance que le temps de l’Avent vient réveiller en nous.

C’est de cette espérance dont nous chrétiens devons être les témoins, pour nous-mêmes et pour notre société, afin d’être de véritables témoins du Christ ressuscité.

La situation de la population de Gaza nous afflige. La tentation du désespoir est là. Pourtant nous, qui sommes palestiniens et chrétiens, nous devons garder l’espoir malgré les difficultés.

Si le désespoir s’installe, il nous plonge dans un état d’impuissance, de léthargie et de mort, même si notre Rédempteur, qui est né, est mort et ressuscité pour nous, nous appelle toujours à la vie (Jn 10, 10), afin que nous puissions la vivre et la donner. Nous sommes donc appelés à vivre l’espérance, à témoigner de cette espérance et à la transmettre à ceux qui nous entourent.

Dans nos préparatifs pour entrer dans le temps de l’Avent, nous ne pouvons pas séparer l’espérance de notre Église de l’espoir que nous nourrissons pour l’univers, pour l’humanité et pour notre patrie, la Palestine. Comme le dit le Christ : “De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.” (Jn 17, 18). Au temps de l’Avent, l’Église travaille et prie pour le Salut du monde dans lequel elle a été implantée : elle accueille les espérances et les aspirations du monde, porte l’humanité dans ses prières et l’élève au trône de Dieu. C’est ici, de la patrie de Jésus – la Palestine – que l’espérance du monde est née, et de là le Salut a atteint les extrémités de la terre, alors vivons l’espérance, vivons par elle et continuons à lutter pour la liberté et la paix.

À notre tour de naître dans la grotte de Bethléem avec le Prince de la paix, le Seigneur Jésus, afin que notre monde naisse de nouveau.

Un enfant nous est né

David Neuhaus, jésuite israélien

Jérusalem, 1er novembre 2023

“Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : “Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-paix”.” Isaïe 9, 5

L’Avent est le temps de l’impatiente attente. Cela peut sembler contradictoire. Attendre semble passif, mais l’attente de l’Avent est active, c’est un temps de préparation pour accueillir l’enfant qui doit venir.

Cette année, l’attente sera plus active que jamais. L’attente est accompagnée par les images, les sons, l’anxiété crucifiante de la guerre qui se déroule à Gaza. Les paroles d’Isaïe évoquent de manière particulière les enfants, ceux qui sont abattus et ceux qui sont enterrés sous les décombres, ceux qui sont terrifiés par les explosions de la guerre et ceux qui sont laissés orphelins, ceux qui sont blessés dans leur corps et ceux qui sont profondément traumatisés dans leur âme.

Et si l’un d’entre eux était l’enfant que nous attendons ? Et si chacun d’entre eux était cet enfant ?
La peur et l’inquiétude sont intensifiées par les dirigeants politiques et militaires qui justifient la mort, la mutilation et la blessure de ces enfants. Ces Hérode des temps modernes massacrent et attaquent les nourrissons les assimilant à l’ennemi. Et si chacun d’entre eux était celui qui est né pour nous, celui qui ouvrira l’horizon de l’espérance si fermement fermé par les idéologies de la victoire qui retentissent.

Ce Noël sera l’occasion de faire la paix avec les voix qui, en moi, crient le désespoir et refusent de croire en des lendemains meilleurs. Le souvenir de la naissance de Jésus doit me rappeler que, malgré la violence, la soif de vengeance, les appels à la destruction, Dieu est actif ici et maintenant comme il l’était il y a deux mille ans.

Fatigués… nous avons besoin de repos

Sr Camelia El Khoury, Religieuse de Nazareth d’origine maronite au service de l’église en Galilée

Nazareth, 3 novembre 2023

“Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.”
Mt 11, 28. Oui, aujourd’hui nous avons tous besoin d’une telle parole qui nous rappelle que notre véritable appel est de nous remettre entre les mains de Celui qui nous aime et nous attend. Il nous invite chaque instant à entrer dans son repos.

Oui nous sommes tous fatigués… et nous avons besoin de repos.

Fatigués de tristesse et de chagrin dans un pays où l’Ange Gabriel a porté la joie à Marie pleine de grâces. Fatigués de la guerre et de la violence qui déchirent cette Terre qui, un jour, a dansé avec l’hymne de louange chanté par la voix des Anges annonçant la paix aux bergers. Fatigués de voir mourir les enfants et les innocents dans un pays où le Sauveur s’est trouvé enfant emmailloté et couché dans une crèche.

Fatigués de l’injustice dans un pays où le Bien Aimé du Père est venu accomplir la justice. Fatigués de ce vouloir éliminer l’autre dans un pays où le Fils de Dieu a promis qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de son Père. Fatigués d’entendre le grondement des armes dans un pays où les foules et les enfants ont crié “Hosanna au Fils de David”. Fatigués de la hauteur des murs de haine dans un pays où l’Emmanuel est venu lier le Ciel et la Terre par sa Sainte Croix.

Fatigués par l’odeur de la mort qui envahit nos âmes dans un pays où le Saint de Dieu, par sa mort, a vaincu la mort. Fatigués par l’obscurité des idéologies dans un pays où le Seigneur a illuminé le monde par sa glorieuse Résurrection. Fatigués de la discrimination dans un pays où le Christ est venu unir les fils d’Abraham. Fatigués de peur et de l’angoisse pour notre avenir dans un pays où coulait le lait et le miel.

Sommes-nous encore capables de jeter notre manteau pour courir vers Jésus et l’entendre nous dire : Que voulez-vous que je fasse pour vous ? En vérité, nous nous sentons comme l’aveugle de Jéricho assis au bord de la rue et empêchés de hausser la voix. La peur nous fait taire et nous pousse à nous retirer.

Mais nous ne pouvons plus garder le silence. Nous ne devons plus être indifférents devant cette atrocité et cet esprit de vengeance. Nous, nous croyons en un Dieu d’amour. Nous suivons un maître qui dit la Vérité et ne se laisse influencer par personne.

Nous désirons de tout cœur sortir de cette obscurité qui nous aveugle. Nous voulons nous réveiller de ce cauchemar qui nous empêche de dormir. Est-ce possible ? Oui…

Rien n’est impossible à Dieu et à ceux qui croient vraiment en Lui.

Tout est possible : lorsque je ne renonce pas à porter la joie et le sourire à toute personne rencontrée sur mon chemin. Lorsque je tends la main pour saluer et dire une parole d’espérance et de vie.

Lorsque je rejoins mon voisin musulman qui me demande de prier avec lui et de supplier Allah de nous sauver de cette catastrophe. Lorsque j’écoute un technicien juif se révolter contre les décisions hâtives qui mènent à la mort. Lorsque je commence à sentir compassion avec les familles qui ont perdu un être cher sans comprendre pourquoi. Lorsque mon cœur pleure sur les victimes quelle que soit leur appartenance. Lorsque j’invente des ponts pour aller à la rencontre de l’autre et construire avec lui un nouvel avenir. Lorsque je me libère de mes préjugés et accueille l’autre dans sa vérité. Lorsque je hausse la voix et défends la justice…

Lorsqu’au lieu de me cacher derrière le voile de la peur je l’utilise pour essuyer le visage défiguré de l’Humanité. Lorsque je me remets à genoux et que j’offre au Maître toutes les fatigues et lui confie tous les fardeaux… Il doit venir ce jour où nous trouverons notre repos en Lui.

Dernière mise à jour: 12/07/2024 10:48