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Béatrix Saule : “Les musées doivent être proches des préoccupations des gens”

Propos recueillis par Cécile Lemoine
27 décembre 2023
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À l’origine de l’exposition “Trésor du Saint-Sépulcre“ au Château de Versailles en 2013, Béatrix Saule, sa directrice conservatrice générale honoraire dirige depuis 2017 le comité scientifique chargé de la création de la section historique du Terra Sancta Museum à Jérusalem.

La présidente du comité scientifique du Terra Sancta Museum revient sur l’état d’avancement du musée qui exposera le Trésor du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Entre travaux et ajout d’une nouvelle section, les défis restent nombreux avant l’ouverture.


Pour quand est prévue l’ouverture de la section historique du Terra Sancta Museum ?

Nous tablons sur fin 2025 (NDLR. La nouvelle guerre à Gaza a sonné le coup d’arrêt des travaux, les ouvriers ne pouvant venir de Cisjordanie, et la remise en question de certains financements, retardant de facto la date d’ouverture). La création de ce musée nécessite la réhabilitation d’une grande partie des bâtiments du couvent Saint-Sauveur. On avance au rythme des financements. Les dossiers sont longs, exigeants. Cela prend du temps.

Où en êtes-vous en ce qui concerne l’exposition, le contenu, les collections ?

On est aujourd’hui à un tournant. On vit un rééquilibrage entre la présentation très prestigieuse du trésor latin, et celle de l’art chrétien oriental. À l’origine, le musée a été pensé comme un écrin pour les présents offerts par les cours européennes à la Custodie de Terre Sainte, gardienne des lieux saints chrétiens. Ce sont des pièces dont les nations catholiques d’Occident ont fait don avec l’idée d’offrir le plus beau pour le service divin. On trouve donc à Jérusalem ce qui se faisait de mieux dans l’art occidental de chaque époque, et parfois, les derniers exemplaires conservés de ces œuvres d’art. Depuis 2017, tout avait été pensé pour mettre en valeur ce trésor : trois sections, linéaires, logiques, qui revenaient sur “Jérusalem, berceau du christianisme”, “l’histoire et la mission de la Custodie”, et la présentation du Trésor. Tout cela fonctionnait très bien, mais récemment, l’absolue nécessité d’intégrer une nouvelle section dédiée à l’art chrétien oriental, s’est imposée.

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Une absolue nécessité ? Pourquoi ?

D’abord parce que la valeur des œuvres d’art palestiniennes offertes aux frères franciscains (icônes, parures et bijoux, objets en nacre…) mérite d’être mise en évidence. Ces objets, en plus de démontrer un véritable savoir-faire, témoignent des bonnes relations qu’entretenait la Custodie avec les communautés locales. Cela va d’autre part dans le sens d’une évolution plus globale du monde muséal.

Quand j’ai commencé ma carrière, les musées s’attachaient surtout à montrer des objets. Aujourd’hui, on demande aux musées d’être proches des préoccupations des gens. La question identitaire, le fait que les jeunes d’ici se retrouvent dans le narratif, que les autres communautés viennent voir, cette ouverture, cette invitation au dialogue… Le Terra Sancta Museum se fait point de rencontre : celui de deux arts, l’art chrétien occidental et l’art chrétien oriental. Tout cela est un enrichissement par rapport au projet initial, mais il l’a considérablement modifié. On ne revoit pas tout, heureusement, mais on doit retravailler pour intégrer cette nouvelle dimension.

Il faudra former des gens : des installateurs, des régisseurs, des conservateurs, des agents de surveillance, des guides… On pense à embaucher des gens d’ici. C’est un vrai projet de développement économique.

D’ailleurs on continue à découvrir des objets. Pourra-t-on tout exposer ?

Non, il faut faire des choix. L’exercice reste difficile. Nous avons été attentifs à ne pas lasser. L’art sacré, ce sont majoritairement des vases et des vêtements liturgiques, de l’orfèvrerie et des textiles… Peu importe le pays, un calice reste un calice. Pour créer de la dynamique, il faut des ruptures, des surprises : c’est le rôle des multimédias. L’avantage de ces collections, c’est que leur qualité est telle qu’elles ne nécessitent pas de grande mise en scène. Les œuvres parlent d’elles-mêmes. Pas besoin d’artifice, même s’il faudra porter un soin particulier à l’éclairage.

Quels défis reste-t-il à surmonter avant l’ouverture ?

Les travaux. Les lieux sont très contraints et en tant que bâtiments historiques, ils suscitent en particulier deux inquiétudes qui sont liées : l’humidité et le climat. Il y a aussi la question de la médiation qui devra répondre à une grande diversité de publics. Il faudra former des gens : des installateurs, des régisseurs, des conservateurs, des agents de surveillance, des guides… On pense à embaucher des gens d’ici. C’est un vrai projet de développement économique.

Vous étiez la directrice générale du Château de Versailles, qu’est-ce qui vous anime dans un projet comme celui du Terra Sancta Museum ?

La beauté des œuvres, l’historicité des lieux, le témoignage de la présence chrétienne, l’accueil des franciscains de la Custodie, l’enthousiasme de tous ceux qui y participent. Et puis j’ai énormément appris sur la vie des premiers chrétiens, sur les pèlerinages… j’ai découvert tout un monde. J’ai également eu la chance de rencontrer et de travailler avec des gens tout à fait différents, et c’est une vraie richesse.

Dernière mise à jour: 27/05/2024 10:09

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