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De fil en aiguille : le musée au service de la restauration

Lucie Mottet
27 décembre 2023
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© Photos MAB/CTS

D’une pierre trois coups. Les sœurs adoratrices du Saint-Sacrement, à la Grotte du Lait à Bethléem, cherchaient à moyen de subsistance qui soit compatible avec leur vie monastique. La Custodie leur a proposé de mettre en place un atelier de restauration de tissus anciens et assure leur formation professionnelle avec une experte en la matière.


Au mois d’avril 2022, le Terra Sancta Museum agrandissait son champ d’expertise grâce à la présence d’Anastasia Ozoline, spécialiste de la restauration textile. Cette dernière a notamment travaillé au musée des Tissus de Lyon et au Louvre. Elle est actuellement restauratrice rattachée au Palais Galliera, le musée de la Mode et du Costume de la ville de Paris.

C’est là-bas qu’elle a fait la connaissance de frère Stéphane, actuel directeur du Bureau des Biens Culturels de la Custodie de Terre Sainte. “Vous êtes la personne qu’il me faut” lui a-t-il lancé et, quelques péripéties de Covid plus tard, Anastasia Ozoline arrivait à Jérusalem et à Bethléem auprès des sœurs adoratrices de la Grotte du Lait. La communauté a déjà restauré plusieurs ornements notamment pour l’exposition “Trésors du Saint Sépulcre” au Château de Versailles en 2013. Objectif de sa première visite : rencontrer les religieuses et les initier à de nouvelles techniques de restauration textile pour qu’elles puissent continuer à prendre soin des collections du musée.

© Photos MAB/CTS

Les premiers liens avec les sœurs se sont tissés autour d’une armoire remplie de bobines de fils soigneusement rangées par couleurs. “Des fils de soie, c’est parfait !” se réjouit la spécialiste. Elle a également apporté avec elle d’autres fils de calibres différents : “Quand on restaure une pièce qui a par exemple une lacune, on pose en dessous une pièce en support et on la fait tenir avec des fils de soie fins comme des cheveux pour que ce soit invisible.”

“Notre travail est la prolongation de notre prière. Nous puisons la force et l’amour de faire toutes nos activités dans la prière d’adoration.”

La mère supérieure ouvre un deuxième placard qui ressemble à une boîte à trésor avec ses fils d’or : il s’agit cette semaine de restaurer la bordure d’une dalmatique aux fils d’or usés. Les moniales apprennent à ordonner avec une pince tous les fils d’or, à les immobiliser avec une épingle d’entomologie pour ensuite les fixer à l’aide d’un point de restauration. Grâce à cette technique, les sœurs pourront travailler en autonomie à la restauration de fils d’or d’autres pièces.

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Lampe “satellite” de précision, tables de travail, machines à coudre pour les tissus de support, tout est en place ou presque, et dorénavant à chacun de ses visites Anastasia Ozoline apporte de quoi compléter l’atelier. Cette semaine les religieuses s’essaient à une activité presque culinaire : teindre des fils et des échantillons de soie à l’aide de poudres de couleur et d’eau déminéralisée grâce à une préparation que l’on doit faire chauffer sur des plaques de cuisine. Cette teinture de précision permet d’imiter la couleur exacte de la pièce à restaurer : “Pour l’instant nous travaillons avec des colorants synthétiques, mais nous voulons nous initier également aux colorants naturels, car leurs couleurs possèdent une belle vibration. De plus, c’est la façon de teindre utilisée à l’époque des textiles de la collection, qui se rapproche donc plus encore de l’état d’origine.”

L’atelier en pleine action

Les moniales apprennent également à former le point de Boulogne, ce point de broderie qui a été choisi pour servir de point de restauration textile. Si elles sont très appliquées, l’ambiance n’en est pas moins particulièrement joyeuse ! “C’est une première pour nous de suivre des cours à ce niveau de technicité, et pourtant Anastasia nous explique tout avec une très grande clarté et simplicité. Et nous rions beaucoup en travaillant ! Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre : nettoyer l’or terni, des techniques de points pour les tissus usés” témoignent les sœurs adoratrices. “Notre travail est la prolongation de notre prière. Nous puisons la force et l’amour de faire toutes nos activités dans la prière d’adoration.”

Ce que confirme la restauratrice venu deux autres fois : “Toute la communauté assiste aux cours, et toutes les sœurs ont un très grand potentiel. Je suis très touchée par leur recherche de la beauté dans tout ce qu’elles font. La restauration textile a quelque chose de très méditatif dans la répétition des points qui s’accorde très bien avec une vie contemplative.”

Dernière mise à jour: 27/05/2024 10:45

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