« A la veille de cette fête de Pâques qui, pour vous, connaît une grande Passion et encore peu de Résurrection, j’éprouve le besoin de vous écrire pour vous dire que je vous porte dans mon cœur. » Les premières lignes de la lettre du pape François, datée du 27 mars, font part d’une empathie et d’une solidarité toute paternelle pour les catholiques de Terre Sainte qui s’apprêtent à célébrer le Triduum pascal sous la chape de plomb de la guerre : « Je souhaite que chacun d’entre vous ressente mon affection de père qui connaît vos souffrances et vos peines, en particulier celles de ces derniers mois », poursuit-il un peu plus loin.
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Largement dépendants des revenus du secteur du tourisme, à l’arrêt depuis le 7-Octobre, les chrétiens de Terre Sainte font partie des communautés les plus touchées par les conséquences de la guerre. Près de 3 800 familles ont perdu leurs revenus, dont 800 faute de permis pour aller travailler à Jérusalem, selon les chiffres du Patriarcat Latin de Jérusalem.
« Il est bon que vous puissiez rester »
Les périodes de troubles politiques et économiques poussent toujours les chrétiens à quitter le pays : en 2002, la répression de l’Intifada a provoqué le départ de 580 familles chrétiennes, soit près de 3 000 personnes, toujours selon les donnés du Patriarcat. Aujourd’hui, l’Eglise redoute une nouvelle vague de départ.
« Pâques, au cœur de notre foi, est encore plus significative pour vous qui la célébrez dans les lieux où le Seigneur a vécu, est mort et est ressuscité : non seulement l’histoire, mais aussi la géographie du salut n’existeraient pas sans la Terre que vous habitez depuis des siècles, où vous voulez rester et où il est bon que vous puissiez rester, souligne le Saint-Père. Merci pour votre témoignage de foi, merci pour la charité qui règne parmi vous, merci parce que vous savez espérer contre toute espérance. »
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Très présent auprès de la communauté chrétienne de Gaza, dont il prend régulièrement des nouvelles en appelant le père Gabriel Romanelli, bloqué à Jérusalem depuis le 7 octobre, le pape François dénonce l’engrenage actuel des violences en reprenant les mots prononcés par Paul VI, 50 ans plus tôt : « La persistance de l’état de tension au Moyen-Orient, sans que soient accomplis des pas concluants vers la paix, constitue un danger grave et constant, qui menace non seulement la tranquillité et la sécurité de ces populations – et la paix du monde entier – mais aussi certaines valeurs extrêmement chères, pour diverses raisons, à une grande partie de l’humanité. » Une manière de souligner une forme de dérive morale engendrée par un conflit qui n’a rien de nouveau.
« Vous êtes des flambeaux allumés dans la nuit »
Le Pape garde son ton dénonciateur, tout en glissant vers la solidarité et les encouragements : « En ces temps sombres où les ténèbres du Vendredi saint semblent recouvrir votre Terre et trop de régions du monde défigurées par la folie inutile de la guerre, qui est toujours et pour tous une défaite sanglante, vous êtes des flambeaux allumés dans la nuit ; vous êtes des semences de bien dans une terre déchirée par les conflits. »
« Vous n’êtes pas seuls, écrit le Saint-Père, et nous ne vous laisserons pas seuls, mais nous resterons solidaires par la prière et la charité active, en espérant pouvoir revenir bientôt chez vous en tant que pèlerins, pour vous regarder dans les yeux et vous embrasser, pour rompre le pain de la fraternité et contempler ces jeunes pousses d’espérance qui ont grandi de vos semences, répandues dans la douleur et cultivées avec patience. »
Sans jamais nommer ni Israël, ni la Palestine, ni Gaza, François propose de prier pour : « délivrer le cœur de l’homme de la haine, de la violence et de la vengeance » et pour « que nous ne nous lassions pas d’affirmer la dignité de tout homme, sans distinction de religion, d’ethnie ou de nationalité, à commencer par les plus fragiles : les femmes, les personnes âgées, les petits et les pauvres.”