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Père Cariot : “Nous avons la seule relique textile du Christ vivant”

Cécile Lemoine
27 mars 2024
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Le père Cariot dépose le reliquaire de la sainte tunique sur le brancard de procession porté par des Chevaliers du Saint-Sépulcre. Depuis l’ostension de 2016, et dans l’esprit de la vénération de la couronne d’épines, ils participent aux célébrations mensuelles de vénération. © Basilique de Saint-Denys

Alors qu’une nouvelle ostension de la sainte tunique est prévue pour 2025, le recteur de la basilique Saint-Denys d’Argenteuil se confie sur son rapport à la relique, et ses ambitions.


Que raconte la sainte tunique aujourd’hui ?

La tunique raconte une histoire. Avec elle on revit toute la Passion du Christ. Pas seulement le chemin de croix, mais ses dernières heures depuis la Cène. J’aime à penser, par exemple, que les gouttes de sueur de sang dont parle saint Luc à Gethsémani (Lc 22, 44), ont coulé sur la sainte tunique. Ce bout de tissu, c’est l’amour livré jusqu’au bout : “Il les aima jusqu’à la fin”. La dernière chose dont le Christ est dessaisi, c’est sa tunique.

Par son histoire mouvementée à travers les siècles, elle est aussi témoin de notre histoire chrétienne, de la Passion de l’Église. Et puis la sainte tunique est aussi un signe d’unité : elle est “tissée tout d’une pièce de haut en bas”. On dit qu’elle est “inconsutile”, c’est-à-dire sans couture. Saint Cyprien de Carthage dès le IIIe siècle en a fait un signe de l’unité de l’Église, de l’Église indivise. Cela se manifeste très concrètement : on accueille beaucoup d’orthodoxes, notamment les roumains orthodoxes. Les dimanches de carême, ils viennent chanter un office. Il y a l’évêque, de nombreux prêtres. C’est un œcuménisme à la base et une vraie joie.

Nous avons la seule relique textile du Christ vivant. Le suaire est une relique du Christ mort, quant au linceul, on en parle comme de la relique du Christ ressuscité.

Les enquêtes scientifiques se poursuivent-elles autour  de la tunique ?

Peut-être allons-nous lancer quelque chose en 2025. Mais je ne veux pas d’examens qui détruisent le tissu. C’est l’évêque qui décide, mais il partage mon avis : à la fin il ne resterait qu’un centimètre carré de sainte tunique, c’est absurde. La science n’a pas terminé ses évolutions, notamment en ce qui concerne la datation au carbone 14. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent : “Ce qui est important, c’est le symbole.” Certes. Mais si ce tissu n’a pas reçu le sang de Jésus, ce n’est pas pareil. Je n’en fais pour autant pas un objet magique.

Vous semble-t-il important de prouver que c’est la vraie ?

C’est important que la science fasse son travail et nous donne, non pas des preuves, mais des éléments d’authenticité : des pollens de la région de Jérusalem, dont ceux des pistachiers de tamaris, qui fleurissent en mars-avril, le tissage identique à celui pratiqué dans le nord de l’actuelle Palestine… Le puzzle se met en place. Je n’en demande pas plus. Je ne demande pas à la science de m’autoriser à aimer la sainte tunique. On s’appuie aussi sur des éléments d’authenticité historiques. On a une longue histoire de vénération et de miracles. Tout cela doit entrer en ligne de compte.

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La prochaine ostension est prévue pour 2025…

Oui, pour célébrer son jubilé et le 1700e anniversaire du concile de Nicée, qui dit la foi en l’Incarnation, la Trinité. C’est le cœur de la foi chrétienne. Il y aura forcément un événement œcuménique autour de cette ostension. Celle de 2016 a vu défiler plus de 220 000 personnes. Des gens venus de partout, des chrétiens, des pas-cathos, des curieux… Il se sont tous pris un coup sur la tête. Il y a eu des conversions, des guérisons, des libérations intérieures, des choses qui se sont dénouées…

Le recteur de la basilique de Saint-Denys accueille régulièrement des orthodoxes qui viennent eux aussi vénérer
la sainte tunique. Un beau signe d’unité.

En tant que recteur, avez-vous l’ambition de faire de la sainte tunique une relique aussi connue que le saint suaire ou le linceul de Turin ?

Oui. Nous avons la seule relique textile du Christ vivant. Le suaire est une relique du Christ mort, quant au linceul, on en parle comme de la relique du Christ ressuscité. À mon arrivée, j’ai lu tout ce qu’on pouvait trouver sur le sujet.

Et puis quelque chose m’a saisi. Dans saint Jean, au chapitre 19, deux versets, longs et détaillés, font mention de la tunique. Juste avant c’est l’épisode de l’écriteau ‘Roi des Juifs’(19-22). Juste après c’est le moment où Jésus dit à Marie, voici ton fils en parlant du disciple bien-aimé (25-27). Pourquoi diable parler des fringues de Jésus à cet endroit ? Si vous tournez la page, chapitre 20, saint Jean et saint Pierre courent au tombeau, et on a deux versets sur le suaire et le linceul (5-7). On est à l’aube de l’humanité nouvelle, tout recommence. L’histoire de l’Église commence. C’est énorme ! Et on parle de vêtements… Pourquoi ?

J’ai ma petite thèse, étayée sur rien d’autre que mon intuition. Saint Jean aime les détails. Ça montre qu’il était là. En mentionnant ces trois vêtements, je pense qu’il s’adresse à des communautés qui vénèrent déjà ces tissus. L’évangile de saint Jean est le dernier à être écrit. Il dit : je les ai vus.

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