« Aidez Raimaa et sa famille à quitter Gaza. » Une cagnotte parmi tant d’autres sur la plateforme GoFundMe, plus grande société de financement participatif : « 500+ résultats » dit la page qui affiche les cagnottes qui répondent au mot clé « Gaza ».
Le phénomène a explosé ces derniers mois : une “dizaine de milliers” de campagnes en faveur de Gaza seraient actuellement actives, selon les chiffres communiqués par GoFundMe, correspondant à “plus de 100 millions de dollars de transfert. »
Chaque campagne a son histoire déchirante, sa famille a évacuer, ses proches à rejoindre, un avenir meilleur à construire. Ailleurs : quitter Gaza, c’est le rêve de nombreux habitants de l’enclave soumise aux bombardements, à la destruction et à la faim depuis sept mois. “Gaza n’est plus un endroit où l’on peut se sentir chez soi, écrit Raimaa Qishta, jeune gazaouie de 23 ans. C’est une zone de guerre où la mort rôde à chaque coin de rue, où les rêves sont brisés et les avenirs volés. »
Cagnotte fermée
Depuis le mois de février, la jeune fille, francophone, tente de collecter l’argent nécessaire à l’évacuation de sa famille vers l’Egypte. Dans les semaines suivant le 7 octobre, Le Caire avait limité les entrées sur son territoire aux Gazaouis détenteurs d’une double nationalité. Le départ est désormais possible pour tous, mais le ticket de sortie se monnaie.
“Il me faut 30 000 dollars”, souffle la jeune fille qui a perdu son père et sa sœur lors du bombardement de sa maison de Rafah, le 9 octobre dernier, et qui cherche à évacuer le reste de sa famille : “C’est 5 000 dollars par adulte, et 3 500 dollars par enfant”, détaille Raimaa. Des montants fixés par l’agence égyptienne Hala, qui coordonne les passages depuis 2019 avec les autorités israéliennes et égyptiennes. Avant la guerre, il fallait compter environ 300 dollars pour traverser la frontière.
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Ces sommes, faramineuses pour une population qui a dépensé toutes ses économies du fait du quintuplement du coût de la vie à Gaza, sont impossibles à réunir seul. Alors, à la mi-février, Raimaa a créé une cagnotte PayPal en ligne, et fait appel à la solidarité internationale, envoyant des messages à tous ses amis Facebook, aux amis de ses amis, et postant des vidéos sur TikTok. Trois semaines plus tard, PayPal fermait son compte et remboursait les donateurs, pour cause « d’activités non conformes » à leur contrat d’utilisation, selon le message reçu par Raimaa. “J’ai tout perdu du jour au lendemain”, se lamente la jeune femme.
Job à temps plein
Même chose pour Ahmed Al Boji, un étudiant en ingénierie de 24 ans, dont la cagnotte GoFundMe a été fermée en janvier. “La plateforme n’opère que dans quelques pays et les Palestiniens n’ont pas le droit de lever des fonds”, explique Michael Fantasia, l’américain qui gère depuis la nouvelle campagne d’Ahmed depuis Boston : “Il m’a contacté par Instagram car il avait besoin d’un intermédiaire.”
Inquiète quant au “financement du terrorisme”, GoFundMe demande des informations détaillées sur les bénéficiaires, et multiplie les vérifications de sécurité au moment des transferts, gelant temporairement les campagnes : “Ce processus de vérification permet de garantir que les collectes soient conformes aux lois internationales et aux réglementations mondiales”, explique-t-on au service communication.
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Le succès de certaines campagnes, qui sont parvenues à réunir des dizaines de milliers de dollars en quelques jours, a fait tâche d’huile, et il faut désormais se démarquer dans le flot de pages appelant aux dons.“C’est un job à temps plein, reconnaît Michael Fantasia, dont la campagne a connu un succès inattendu : en l’espace de 3 mois, 93 000 dollars ont été réunis sur un objectif de 100 000 dollars.
“Ahmed a passé des heures sur la plateforme, a essayé de comprendre, d’analyser ce qui faisait que les campagnes fonctionnaient bien. Il trouvait les plus gros donateurs et leur envoyait des messages privés. Il avait trois semaines d’avance sur les autres et ça nous a permis d’avancer vite”, se félicite Michael Fantasia avant d’ajouter : “Aujourd’hui ma boîte mail déborde de messages de ce type.”
Ahmed a pu payer les tickets de sortie de sa famille et attend désormais que leurs noms apparaissent sur la liste des personnes autorisées à entrer en Egypte, en se soignant d’une Hépatite A. Le processus peut prendre jusqu’à un mois. Après l’Égypte, Ahmed vise le Qatar où il espère finir ses études et offrir une meilleure vie à sa famille.