Le sous-sol de la Terre Sainte regorge encore de secrets. Fouillez, et vous êtes sûrs de trouver. Après la découverte de deux mosquées vieilles de 1200 ans en 2022, les archéologues en charge des fouilles préventives à Rahat, dans le nord du désert du Néguev, ont mis au jour une petite église de la période byzantine (IVe- VIe siècle ap. J.-C).
Des graffitis ont été retrouvés sur les pierres des murs. Deux dessins de bateaux notamment, réalisés il y a près de 1500 ans. Le premier semble être une vue aérienne d’un navire dont on discerne bien les rames. Le second représente un navire à deux mâts qui arbore une voile connue sous le nom « d’artémon ».
« Le navire est un symbole chrétien ancien, mais ici, il semble qu’il s’agisse de représentation des navires à bord desquels les pèlerins se rendaient en Terre Sainte », expliquent dans un communiqué les directeurs des fouilles Oren Shmueli, Elena Kogan-Zehavi et Dr Noé David Michael au nom de l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI), ainsi que le professeur Deborah Cvikel de l’Université de Haïfa. « La précision du détail indique la familiarité de l’artiste avec la vie maritime », poursuit le communiqué.
Premier arrêt
Les chercheurs estiment que ces pèlerins auraient débarqué à Gaza, situé à une cinquantaine de kilomètres de Rahat. « Le site est en effet adjacent à une ancienne voie romaine qui menait du port de Gaza à Beer Sheva, la principale ville du Néguev, affirment les archéologues. Comme l’église ne se trouve qu’à une journée de marche du port, il est probable qu’elle ait constitué leur premier arrêt, sur le chemin vers les autres sites sacrés du christianisme que sont Jérusalem, Bethléem, les monastères du Néguev et du Sinaï. »
Ces graffitis de navires ne sont pas les premiers à avoir été laissés dans des églises de Terre Sainte. Le plus connu est celui de la chapelle Saint-Vartan du Saint-Sépulcre, découvert en 1971 : un voilier romain accompagné d’une inscription en latin « Domine ivimus », que l’on peut traduire par « Seigneur, nous sommes venus. » Les spécialistes estiment qu’il serait le plus ancien graffiti laissé par des chrétiens venus à Jérusalem pour s’approcher au plus près du tombeau de Jésus, alors enseveli sous le temple d’Hadrien.
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Considérés comme du vandalisme, les graffiti sont longtemps restés dans l’ombre des recherches académiques. C’est seulement récemment, parallèlement au développement du street art, que les historiens ont compris la richesse qui se cachait derrière ces pratiques scripturales, qui prennent un sens tout particulier dans les lieux de pèlerinages.
Le Néguev byzantin
À Rahat, les inscriptions témoignent de l »‘histoire du peuplement du nord du Néguev à la fin de la période byzantine et au début de la période islamique primitive », détaille le communiqué de l’AAI. Après l’annexion du royaume Nabatéen par l’Empire romain en 106, la région connaît un âge d’or, sous l’impulsion d’agriculteurs chrétiens installés dans les cités nabatéennes qui se transforment en villes, chacune avec son ou ses églises : Haluza, Shivta, Avdat, Nitzana, Mamshit, Rehovot-in-the-Negev, et Khirbet Sa’adon.
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Grâce à d’ingénieuses techniques d’irrigation, ils font « fleurir le désert » et se spécialisent dans la production de vin. Après trois siècles de prospérité, ces villes sont abandonnées, pour des raisons qui restent mystérieuses encore aujourd’hui. Le professeur Guy Bar-Oz, bioarchéologue à l’Université de Haïfa mène ces dernières années des recherches révolutionnaires sur l’histoire de l’industrie viticole dans le désert du Néguev.
En étudiant des pépins de raisins trouvées dans des décharges antiques, il a montré, en 2020, comment cette industrie avait disparu du fait de la peste, des tremblements de terre et de la dépression économique, et non, comme on le pensait auparavant, à cause de l’interdiction de l’alcool par les musulmans.
Les découvertes faites à Rahat seront exposées à la salle culturelle municipale de la ville, plus grande cité bédouine d’Israël, à l’occasion d’une conférence ouverte au public qui se tiendra le 6 juin prochain.