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L’écarlate, cette teinture biblique utilisée il y a 3 800 ans

Rédaction
20 juillet 2024
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La laine de ce tissu vieux de 3 800 ans a été teint avec le vermilio de Kermes ©Dafna Gazit, AIA

Un minuscule morceau de tissu rouge écarlate vieux de quatre siècles a été découvert dans les grottes du désert de Judée en 2016. Les résultats de son analyse récente marquent une avancée dans l'étude des teintures anciennes.


C’était l’une des teintures les plus précieuses et les plus chères de l’Antiquité. Le rouge écarlate était utilisé pour colorer les tissus du Tabernacle et les vêtements sacerdotaux, conformément au commandement biblique.

Un minuscule bout de tissu teint de cette couleur rare a été découvert en 2016 dans la « grotte des crânes » du désert de Judée lors de fouilles menées par l’Autorité israélienne des antiquités et l’Université hébraïque. Il s’agirait de la plus ancienne preuve de coloration au « Kermes vermilio », une cochenille produisant ce fameux pigment écarlate, selon de récentes analyses réalisées dans le cadre d’un vaste projet d’identification des teintures dans les textiles archéologiques.

Leurs résultats ont été publiées cette semaine dans le Journal of Archaeological Science, et résumés dans un communiqué de l’AIA le 18 juillet.

Le fragment de tissu est minuscule, atteignant à peine les 2cm. Sa présence dans une grotte du désert de Judée reste un mystère ©Yoli Schwartz, AIA

Une datation au carbone 14 de ses fibres fait remonter le tissu à l’âge du bronze moyen (1767-1954 avant notre ère). Il aurait donc été teint il y a 3 800 ans. Malgré la richesse des preuves historiques écrites concernant l’utilisation répandue de la teinture avec des cochenilles dans le monde ancien, très peu de textiles écarlate datant d’avant la période romaine ont été trouvés dans le monde entier.

Une couleur mentionnée 25 fois dans la Bible

Grâce à des méthodes analytiques avancées, notamment la chromatographie liquide haute performance (HPLC), les chercheurs ont déterminé que le textile avait été teint avec une espèce de cochenille, le Kermes vermilio, produisant l’acide kermésique responsable de la teinte rouge.

Le Kermes vermilio, l’espèce de cochenille utilisée dans l’Antiquité pour produire du colorant rouge ©Naama Sukenik, AIA

« Pendant l’Anitiquité, la teinture était produite à partir de la femelle cochenille vivant sur le chêne kermès (Quercus coccifera), » explique le Dr Naama Sukenik, archéologue à l’AIA en charge du projet d’analyse, en notant que cette espèce n’était pas présente dans la région à l’époque. La collecte de ces cochenilles, tout petit insecte au camouflage efficace, se faisait sur une courte période estivale, rendant leurs pigments précieux et prestigieux. La couleur « rouge écarlate » est ainsi mentionné 25 fois dans la Bible, souvent aux côtés du bleu royal (Tekhelet) et du pourpre (Argaman) : « …qui t’a vêtu d’écarlate, de parures » (2 Samuel 1:24)

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« Cette découverte importante comble le fossé entre les sources écrites et les découvertes archéologiques, fournissant la preuve que l’industrie de la teinture textile ancienne était déjà à ce stade suffisamment établie pour teindre avec des animaux, » ajoute le Dr Sukenik. « Ce textile, rare, est un témoignage des vastes réseaux commerciaux internationaux fonctionnant déjà à cette époque, et indique la présence d’une société d’élite déjà à cette époque. »

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