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Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ?

Marie-Armelle Beaulieu
4 juillet 2024
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Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ?
© Thomas Dévényi avec aimable autorisation

L'absence des pèlerins se fait lourdement sentir. La question est moins économique qu'il n'y paraît. Recevions-nous des pèlerins ou des touristes qui se détournent de la destination quand elle ne répond plus à leurs critères de vacances ?


Comment faire revenir les pèlerins maintenant ? Nous sommes attablés dans le restaurant de Gaby et en solidarité avec lui. Porte de Jaffa, le Versavé est fermé faute de touristes, mais de temps en temps, Gaby organise une soirée pour faire entrer trois francs six sous.

À cet instant, la conversation tourne autour des pèlerinages avec cette question cruciale : comment faire revenir les pèlerins ? Croyants ou pas, nous voyons les conséquences de cette désertion des lieux saints sur ceux qui sont nos amis, nos voisins, des guides, des agents de voyages, des restaurateurs, des vendeurs du souk, des communautés religieuses, des autocaristes, des hôteliers et tout leur personnel, des cavistes… même la vente des hosties est affectée !

Israël a fait ses comptes, le tourisme qui compte pour 2.3% de son PiB, attendra. La communauté la plus affectée est la communauté chrétienne. Dans des proportions très inquiétantes.

Pour la France, deux groupes de 20 personnes sont venus après 8 mois. Le premier du diocèse de Fréjus Toulon, avec son évêque en signe de solidarité. Le deuxième, des chevaliers et dames du Saint-Sépulcre pour prendre le pouls de la reprise des pèlerinages à l’automne. Ils étaient 160 italiens la même semaine.

J’apostrophe Guillaume de Dieuleveult le correspondant du Figaro : « Il parait que tu leur as fait peur ? Mais qu’as-tu fait malheureux ? ». « Oui mais non, on ne peut pas faire abstraction de la situation. » Il a raison et qui parle de faire abstraction ? On parle de venir en pèlerinage. Evidemment, si on venait faire du tourisme dans un pays en guerre, ça gâcherait les vacances. Mais un pèlerinage ? Mettre ses pas dans les pas du Christ et faire confiance, donner à boire à qui a soif d’espérance, habiller celui à qui la haine enlève la dignité, visiter les prisonniers d’une situation qui enferme les populations, se laisser accueillir par cet autre qui est aussi un frère. Guillaume parle de la foi et du courage qu’avaient les pèlerins du Moyen-âge. Ils partaient sans même l’assurance d’arriver au but. Je mentionne ce que le Custode m’a dit et que j’ai censuré en interview : « Il n’y a rien de plus beau que de mourir en Terre Sainte ».  Nous convenons que pour être chevaleresque ce n’est pas très vendeur. Nous convenons surtout qu’il n’y a, sur le circuit des pèlerinages, pas de risque dès lors qu’on a évité Dan et Naplouse. On rit finalement à force de sortir des arguments grotesques pour convaincre les pèlerins de revenir. On rit surtout parce que c’est un ultime rempart pour ne pas pleurer.

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