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Ça déva comme on dit à La Machine – TSM 693

Marie-Armelle Beaulieu
5 septembre 2024
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La question piège à poser à quelqu’un vivant ici c’est : « Comment ça va » mais il y a une bonne réponse dans le patois machinois.


La Machine est une commune de la Nièvre en région Bourgogne-Franche-Comté, connue pour ses cinq siècles d’exploitation charbonnière. À La Machine, il y a un patois qui est le Machinois ! Pour l’essentiel, il est né d’une déformation des mots du fait de l’accent local. Une brouette devient une berouette ; regarder se dit, argarder ; frouter est le verbe onomatopéique (pas facile à poser au scrabble) signifiant manger (à la cuillère) en aspirant bruyamment. « T’en mé ben du temps pour froûter ta soupe ! »

Oula…On n’est pas encore rendu à Jérusalem !

Le lien avec ce qui nous intéresse, c’est la façon machinoise de répondre à la question « Comment ça va ? ». Depuis bientôt un an, à chaque fois que l’on m’interroge de ces trois mots, mon cerveau décroche et se met à patiner. Je me perds dans un abîme d’interrogations intérieures, un défilé d’images violentes, des torrents de sentiments. Je me sens saisie par l’angoisse, j’ai peur de heurter, je me demande quelles souffrances je vais piétiner, quelle bronca je vais déclencher.

Tandis qu’à La Machine, on peut répondre élégamment à la question « Comment ça va ? » par un simple : « Ça déva ». Il n’y a pourtant pas de verbe « dé-aller » en machinois. Mais ce verbe, aller, qui compte parmi les plus grands casse-têtes de la conjugaison française – je vais, j’allais, j’irai – peut bien s’offrir un préfixe d’inversion.

Il faudrait pouvoir ne répondre que cela dans un sourire gracieux et timide – « Ça va ? – Ça déva 😊 » pour faire comprendre à l’interlocuteur qu’on apprécierait qu’il ne cherche pas à ouvrir la boîte de Pandore.

Vous vous souvenez de Pandore ? Une jolie poulette, pourvue de (presque) tous les dons et qui reçut en cadeau une jarre (de l’arabe jarra) scellée avec l’interdiction de l’ouvrir. Poussée par la curiosité, elle l’ouvrit néanmoins et libéra tous les maux et les souffrances dans le monde : la maladie, la douleur, la guerre, etc. C’est ça qu’on veut vous éviter en restant évasif.

Et en même temps… vous souvenez-vous de la chute de l’histoire de Pandore ? Effrayée par ce qu’elle avait fait, elle referma la jarre empêchant que ne s’échappe le dernier sentiment qui y restait : l’espoir. Ça a l’air ballot, mais en même temps c’est bien de le cultiver au chaud, un peu dans le secret, pour qu’il s’affermisse. J’en suis là.


Les linguistes et les curieux liront avec gourmandise les pages sur le patois machinois sur l’ancien site internet de la municipalité : D’où vient le machinois ?