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Églises : une année sur la brèche

Augustin Bernard-Roudeix
19 septembre 2024
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Les conséquences de la guerre déclenchée le 7 octobre sont dévastatrices pour les communautés chrétiennes de Terre Sainte. Face à une crise d’une durée et d’une ampleur inédite, les Églises mobilisent toutes leurs ressources au service d’une population confrontée à une menace existentielle.


« La crise du Covid avait déjà eu des effets dévastateurs sur les populations chrétiennes de la région avec l’arrêt des pèlerinages et du tourisme. Elles commençaient à peine à s’en relever quand le 7 octobre est arrivé”, explique Joseph Hazboun, directeur régional de la Mission Pontificale pour la Palestine à Jérusalem.

Fondée en 1949, cette structure apporte le soutien du Saint-Siège aux Palestiniens dispersés dans tout le Proche-Orient. Depuis son bureau de la Vieille ville de Jérusalem, il observe avec inquiétude les effets du conflit sur les 180 000 chrétiens de Terre Sainte répartis entre Gaza, Jérusalem, la Cisjordanie et Israël.

Si toutes ces communautés souffrent de cet “énième épisode d’une suite ininterrompue de violences depuis l’occupation de la Palestine”, les menaces existentielles qui pèsent sur la survie des 700 chrétiens de Gaza ont amené les Églises de Terre Sainte à se mobiliser dès le déclenchement de la guerre.

Un soutien d’urgence pour la population gazaouie

Acheminer des vivres et de l’eau potable au sein de l’enclave palestinienne s’est imposé comme une priorité absolue. Une première action a été initiée dès le 9 octobre par la Mission Pontificale en collaboration avec Caritas, le patriarcat latin et la Charité orthodoxe internationale. Ce soutien s’est poursuivi au cours de l’année malgré les immenses difficultés causées par les combats, le bombardement d’entrepôts humanitaires et la fermeture régulière des accès à la bande de Gaza.

Le patriarche Pizzaballa s’est ainsi rendu sur place, en mai 2024, avec des membres de l’Ordre de Malte pour accompagner une livraison d’aide humanitaire. Ces interventions se sont maintenues avec l’arrivée en juillet de 40 tonnes de denrées alimentaires à destination de la population chrétienne, mais aussi des familles musulmanes vivant à proximité de la paroisse de La Sainte-Famille.

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À l’urgence de la lutte contre une menace permanente de famine s’ajoute l’aide médicale à des populations piégées par les combats. En charge des actions de développement de l’Église anglicane de Jérusalem et du Moyen-Orient, Sawsan Batato rappelle que “l’hôpital anglican Al Hali a été le seul établissement fonctionnel à Gaza pendant des mois de conflit après la destruction d’une vingtaine d’hôpitaux par Israël”.

S’appliquant au déploiement de l’aide apportée par des donateurs britanniques, américains et australiens, elle dresse un bilan effroyable de ces mois de guerre : “Plus de 500 professionnels de santé sont morts à Gaza et une soixantaine d’ambulances ont été détruites. Nous manquons tragiquement de soignants pour prendre en charge des milliers de blessés. Mais c’est à la fin de cette guerre qu’un travail d’ampleur devra commencer : il y aura des milliers d’enfants amputés et traumatisés à soigner et d’orphelins et d’handicapés à prendre en charge !”

L’économie asphyxiée de Cisjordanie

La guerre en cours à Gaza a entraîné dans son sillage l’effondrement de l’économie de la Cisjordanie. La fermeture des points de passage vers Israël depuis le 7 octobre et le quadrillage des cantons par l’armée ont privé d’activité les milliers de travailleurs qui se rendaient quotidiennement en Israël ou d’un point à un autre du territoire. Sans parler du tarissement de l’activité touristique.

Cet impact se lit dans les chiffres fournis par Georges Akroush, chargé des projets de développement du patriarcat latin : “On estime que 72 % de la population chrétienne vit directement ou indirectement du tourisme et des pèlerinages. Les fonctionnaires de l’Autorité palestinienne ne perçoivent plus de salaires depuis février en raison de la rétention par Israël des recettes fiscales destinées à l’administration de Cisjordanie. Le chômage des jeunes était estimé à 24 % avant la guerre pour monter aujourd’hui à 48 % !”

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Confronté à une crise d’une durée inédite (la dernière déjà causée par une guerre à Gaza en 2014 avait duré 42 jours), le patriarcat latin a mis en place plusieurs programmes pour soutenir les populations. Le projet Horizon a ainsi permis d’employer au sein de l’Église des travailleurs qui ne peuvent plus se rendre en territoire israélien. Une autre initiative à destination des jeunes a proposé plus d’un millier de stages à des diplômés qui ne trouvaient pas d’offres en adéquation avec leurs études.

Aides d’urgence et actions de long terme

Ces projets d’insertion professionnelle se conjuguent à des aides alimentaires, médicales et sociales que détaille M. Akroush : “Nous avons pu fournir des traitements médicaux à 210 familles touchées par des maladies chroniques. Le patriarcat latin a également mis en place un système de bons alimentaires à destination de familles pauvres pour un montant d’un million d’euros utilisables dans des commerces tenus par des chrétiens. Nous prenons aussi en charge les factures de nombreuses personnes âgées que leurs familles ne peuvent plus soutenir en l’absence de revenus.”

Ces aides d’urgence sont complémentaires d’actions de plus long terme comme l’ouverture en juin à Bethléem et à Beit Jala de deux centres de soutien aux jeunes couples et de prévention des violences conjugales, ou l’ouverture d’un nouveau centre d’accueil à Bethléem consacré aux enjeux de santé mentale. Ces actions ont pu être rapidement mises en œuvre grâce à la mise en place d’une nouvelle instance de coordination catholique chargée de la coopération entre donateurs, organisations et bénéficiaires.

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Les épreuves qui frappent les communautés de Gaza et de Cisjordanie ne doivent pas occulter la situation difficile des chrétiens vivant en territoire israélien et à Jérusalem. Comme le rappelle Sawsan Batato : “Les populations chrétiennes d’Israël et de Jérusalem souffrent aussi. Les juifs ne visitent plus les villes à forte population arabe comme Haïfa et Nazareth. Cela contribue à la dégradation de la situation économique de ces communautés et à une croissance des violences et du banditisme”.

Conscientes de ces fragilités, les Églises ont amplifié leurs actions d’accompagnement éducatif et social avec une attention particulière pour la jeunesse. Dans cette perspective, la Mission Pontificale a renforcé ses programmes de catéchisme à Jérusalem, Lod et Jaffa et réhabilité le centre des scouts arabes catholiques de Jérusalem. Cet investissement est fondamental pour Joseph Hazboun : “Les actions en direction des jeunes sont indispensables pour faire émerger les leaders qui inspireront demain les chrétiens de Terre Sainte. Nous sommes confrontés à une hausse des désirs d’émigration des plus éduqués et nous ne pouvons pas laisser notre avenir faire ses valises !”

Partir après la guerre de trop ?

Les conséquences du 7 octobre posent une nouvelle fois la question du départ des chrétiens de Palestine vers l’étranger. Si une réponse financière est nécessaire, Joseph Hazboun insiste sur la dimension spirituelle des actions mises en œuvre : “Nous faisons face depuis trop longtemps à des lacunes en éducation religieuse, indispensable pour transmettre le caractère ancestral de la présence chrétienne en Terre Sainte. Nous venons de publier le premier volume d’une série de livres pour y remédier et allons lancer une campagne de communication sur les réseaux sociaux.”

Cet enjeu est aussi bien identifié par Georges Akroush, chargé des projets de développement du patriarcat latin. Alors que 68 familles ont déjà pris la route de l’émigration depuis le déclenchement de la guerre, il insiste sur la nécessité d’un renforcement de l’accompagnement spirituel : “Il faut s’emparer du désir de rapprochement des chrétiens de Palestine avec leur foi. Le séminaire de Beit Jala s’est récemment ouvert aux laïcs et ne désemplit pas, sans compter les inscriptions aux formations en ligne ! Nous vivons un moment de reconnexion avec notre religion et notre terre que l’Église ne doit pas négliger.”

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Ce renforcement d’une identité chrétienne au cœur d’une des plus graves crises traversées par la Terre Sainte est un motif d’espoir pour Sawsan Batato : “Toutes les confessions chrétiennes travaillent avec une solidarité plus vive que jamais. Regardez le nombre de communiqués communs publiés par les Églises depuis la guerre ! Les manifestions de soutien organisées à travers le monde sont aussi de puissants encouragements qui nous lient au reste du monde.”

La mobilisation des organisations chrétiennes a permis d’apporter une aide vitale à des communautés fragilisées. Alors que l’Église est le troisième employeur des chrétiens de Palestine après l’ONU et l’Union européenne, le maintien de cette solidarité dans le temps sera indispensable pour assurer leur survie et préparer l’avenir. George Akroush alerte : “Nos actions sont financées jusqu’au mois d’octobre, mais le soutien est plus nécessaire que jamais. »

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