Une étude récente conduite par des archéologues israéliens apporte des éléments nouveaux sur le siège de Massada. Pilier du récit national israélien, l’emblématique affrontement de la Grande Révolte juive avec les troupes romaines relèverait davantage d’une intervention éclair que d’une guerre d’attrition. Explications.
De nouvelles recherches archéologiques, rapportées par le journal Haaretz, ont récemment apporté un éclairage inédit sur l’épisode historique connu sous le nom de siège de Masada. Dans une étude publiée en août dernier dans la Revue d’Archéologie Romaine, les chercheurs israéliens Guy Stiebel, Hai Ashkenazi, Boaz Gross et Omer Ze’evi-Berger remettent en question la durée du siège telle que rapportée par Flavius Josèphe.
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Construit au premier siècle avant J.-C. par le roi Hérode le Grand, le complexe palatial de Masada, situé au sommet d’un plateau isolé, au cœur du désert de Judée, a été le théâtre de la dernière bataille de la Grande Révolte juive contre le pouvoir romain. Cette guerre, déclenchée en 66 par une rébellion contre l’occupation romaine, s’est soldée par la destruction de Jérusalem et de son temple en 70. Le siège de Massada en 73 a vu les derniers rebelles opposer une résistance héroïque et désespérée à la Xᵉ légion. Confronté à l’irruption inéluctable des troupes romaines dans la forteresse, le millier d’assiégés choisit le suicide collectif plutôt que la soumission. Cet épisode, aussi tragique qu’épique, constitue aujourd’hui l’un des mythes fondateurs du récit national israélien. Chaque année, les cadets de l’armée israélienne se rendent sur le site pour y prêter serment, affirmant que « Massada ne tombera plus ».
C’est à l’historien juif Flavius Josèphe, contemporain des événements, que l’on doit principalement le récit de l’épisode. Bien qu’absent lors de la bataille, il décrit un long blocus, marqué par la construction de fortifications d’encerclement par les légionnaires et des sorties régulières des rebelles assiégés.
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En se basant sur des études des vestiges des murs romains et des campements légionnaires remarquablement préservés, des imageries réalisées par drone et des reconstitutions en trois dimensions, les archéologues décrivent une opération militaire bien plus rapide et efficace que ce que rapportent notre source antique.
D’après leur démonstration, qui s’appuie sur le volume des plus de 6 km de fortifications romaines et une évaluation de la capacité de travail des légionnaires et troupes auxiliaires (estimées entre 6 000 et 8 000 hommes), les chercheurs concluent qu’une quinzaine de jours a suffi pour encercler la place forte rebelle. Une fois ces travaux achevés, la construction de la spectaculaire rampe d’accès aux murs de Massada aurait nécessité entre quatre et six semaines supplémentaires. Même en intégrant des épisodes de combats, les chercheurs estiment que l’opération a duré environ deux mois, bien loin de la longue guerre d’attrition décrite par Flavius Josèphe. Pour étayer l’idée d’une opération rapide, ils rappellent que le siège de Jérusalem figure sur plusieurs stèles funéraires de légionnaires, tandis que la bataille de Massada n’est pas considérée comme un fait d’armes suffisamment significatif pour bénéficier de la même attention.
Intérêt soutenu
Pour Guy Stiebel, « le fait que le siège a duré moins longtemps qu’on ne le pensait jusqu’alors ne rend pas le site moins intéressant ou moins important ». La question des raisons ayant poussé le pouvoir romain à mobiliser des milliers de soldats pour un siège au milieu du désert, trois ans après la fin officielle de la Grande Révolte et la destruction de Jérusalem, reste ouverte : « Cela demeure un grand effort logistique qui témoigne de l’importance de l’enjeu » selon l’archéologue de l’Université de Tel Aviv.
De nombreux chercheurs évoquent la volonté des Romains d’affirmer leur pouvoir et d’anéantir la moindre poche de résistance en Palestine. Dans des travaux antérieurs, Guy Stiebel avait avancé des raisons économiques : Flavius Josèphe rapporte que les rebelles retranchés à Massada avaient attaqué Ein Gedi, une localité proche, centre de production de baume parfumé, une marchandise précieuse et recherchée dans l’Antiquité. Le siège de Massada pourrait donc avoir été motivé par la nécessité de protéger une ressource commerciale stratégique.
Ces nouvelles réflexions sur un site fouillé depuis le début du XIXe siècle témoignent de la richesse archéologique de la région de la Mer Morte. Une caractéristique due à un climat aride et particulièrement propice à la conservation de ses vestiges.