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Interfaith Encounter : construire la coexistence par l’échange sur la foi

Vianney Buguet
13 novembre 2024
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À la fin de l’été, l’association Interfaith Encounter organisait une journée annuelle de rencontre interreligieuse. L’occasion de partager « de petits moments de lumière qui ont émergé au sein de nos groupes interreligieux et de nos vies personnelles, en particulier au cours des dix derniers mois » ©Jeries Bassier/Interfaith/USAid

Comme bon nombre d’associations militantes pour la paix, Interfaith Encounter (Rencontres interreligieuses), a reçu le 7 octobre 2023 la gravité de l'onde de choc. Depuis 2001 les activistes de cette association tentent de « construire des ponts entre juifs, musulmans, chrétiens et autres à travers la Terre Sainte ». Yehuda Stolov, directeur exécutif de l’association, répond à nos questions.


Quels sont les principes fondateurs et les objectifs de votre association ?

Le principal objectif est de construire la paix depuis le bas. Nous ne parlons pas de politique dans nos réunions. Nous nous concentrons sur les relations qui peuvent unir nos deux communautés. Nous comptons de nombreux groupes de rencontres qui organisent des évènements mensuels afin de construire des liens. L’activité par défaut est la discussion interreligieuse à travers laquelle nous parlons de notre culture et de nos habitudes.

Certains groupes pratiquent la musique ou organisent des rencontres entre jeunes. Le but est de trouver une activité qui connecte les gens entre eux. Une fois qu’ils se sentent à l’aise, ils peuvent parler de politique de manière inoffensive. En tout, nos activités touchent plusieurs milliers de personnes chaque année. Nous comptons 40 groupes qui sont réellement actifs sur 120 groupes de discussion au total.

Votre site internet indique que vous avez monté des groupes en Cisjordanie. Comment convainquez-vous Palestiniens occupés et juifs colons de se rencontrer ?

Ils n’ont pas besoin d’être convaincus. Nous avons des groupes entre colons et Palestiniens de Cisjordanie et entre Israéliens non-colons et Palestiniens de Cisjordanie. La position officielle de l’Autorité palestinienne est qu’il est important de rencontrer des colons pour entamer un dialogue mais que cela doit se faire en-dehors des colonies. Ceux qui refusent de parler aux colons de peur de normaliser la situation se trompent. L’inaction et le silence normalisent la situation, pas le dialogue.

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Comment le 7 octobre a-t-il affecté l’activité des rencontres interreligieuses ?

Au début toutes les rencontres ont été annulées ; seuls 2 groupes ont intensifié leurs activités. Ils se rencontraient tous les jours. Je pense notamment à un groupe de femmes bédouines et juives qui s’aidaient mutuellement. Au-delà de ça, tout le monde a été choqué. Le Conseil d’administration s’est réuni le matin du 8 octobre pour discuter de notre stratégie quant à la reprise des rencontres.

Les bénéficiaires ont recommencé à se parler par Zoom et par WhatsApp et progressivement, nos activités ont repris. Depuis l’été tous les groupes en Israël et Cisjordanie ont repris leurs activités. Cela a été difficile car les tensions étaient vives au début. Certains Israéliens reprochaient à des Palestiniens de ne pas condamner assez fermement les actes du Hamas.

Le 7 octobre 2023 vous a-t-il personnellement affecté ?

J’ai été choqué comme tout le monde. Cela a néanmoins renforcé ma conviction que la paix était nécessaire et le 8 octobre au matin j’étais au bureau avec les membres du conseil administratif pour réfléchir à des solutions.

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Comment gardez-vous espoir en la paix ?

Je sais que c’est possible. Beaucoup de personnes disent le contraire mais lors des rencontres que nous organisons, les gens répondent à nos invitations. Certes c’est un petit nombre mais quand même. Certaines personnes me contactent d’elles-mêmes pour rejoindre des groupes d’échanges. La coexistence est possible.

Comment envisagez-vous la paix ?

Je ne sais pas quelle forme elle prendra officiellement mais selon moi, elle est nécessaire car la terre que nous revendiquons est petite. Peu importe si cela passe par deux États, une confédération ou une fédération. Et j’ai l’intime conviction que cela ne peut pas être un État binational, pour la simple et bonne raison qu’il existe, deux peuples, deux sociétés, deux langues et deux cultures. Je crois que cette solution politique dont tout le monde parle doit reposer sur une réalité de tolérance et de coexistence avant tout. Nous devons d’abord construire ces liens fraternels et nous verrons ensuite pour la solution politique.

Pensez-vous que le 7 octobre a fait réaliser aux Israéliens que la paix était nécessaire ?

Pour certains oui, pour d’autres cela a été le contraire. Je crois que les Israéliens ont du mal à différencier les Palestiniens des combattants du Hamas. Je pense que le Hamas ne sera jamais un interlocuteur crédible pour la paix, en revanche, les habitants de Cisjordanie, même s’ils soutiennent en majorité le Hamas, peuvent changer d’avis et embrasser un modèle de coexistence.

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