Ce jour-là, dans le jardin paisible du couvent des bénédictines du Mont des Oliviers, neuf volontaires entourent Ahmad, le jardinier, et les sœurs, prêtes à commencer la récolte d’olives. Les escabeaux sont installés, les bâches étendues sous les arbres : l’équipe, composée de profils variés, se met au travail avec enthousiasme. En arrière-plan, une vue imprenable sur la ville de Jérusalem. Au centre, scintille le dôme du rocher entre les coupoles du Saint-Sépulcre et celle de la synagogue de la Hurva.
Yvonne, une journaliste et chef d’entreprise mexicaine, donne le ton par sa bonne humeur contagieuse. En plaisantant avec Maria, une jeune Italienne, elle se réjouit d’être ici malgré les circonstances difficiles : toutes deux ont été déplacées vers Jérusalem à cause des frappes du Hezbollah au nord d’Israël. « On dirait qu’on est appelées par ces oliviers, » glisse-t-elle avec un sourire, indiquant les arbres centenaires. Valérie, institutrice française en Jordanie, observe la scène avec un sourire, heureuse d’avoir choisi de passer ses vacances ici pour donner un coup de main.
Frouzane, étudiante iranienne convertie au catholicisme, écoute attentivement les récits de ses camarades. Elle est en train d’installer une bâche avec Shani, une Israélienne issue d’une famille juive orthodoxe, passionnée de théologie et proche de la communauté catholique de Jaffa. Bien que Shani ne soit pas convertie, elle a un intérêt sincère pour cette communauté. « Tu te rends compte de la beauté de ce moment ? » lui souffle-t-elle en jetant un coup d’œil vers les sœurs, avec un sourire malicieux.
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Les volontaires israéliens se joignent à l’équipe avec un enthousiasme manifeste, répondant à l’appel de Yisca Harani, une figure connue du dialogue entre juifs et chrétiens. Nadav, un ancien officier de l’IDF, raconte comment la lecture du Sermon sur la Montagne à l’âge de seize ans a profondément transformé sa vie, le menant à se convertir. Alicia, une guide touristique juive argentine, écoute son histoire avec un intérêt sincère. Elle partage à son tour : « En Argentine, ma mère aidait un prêtre à apprendre l’hébreu. J’ai toujours cru que c’était essentiel de tendre la main, surtout ici. » Elle indique vouloir faire le pas que « d’autres ne veulent pas faire où n’osent pas faire ».
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Plus loin, une femme d’origine juive polonaise, également convertie au catholicisme, qui souhaite rester anonyme à cause de son travail pour une agence gouvernementale, échange un sourire avec sa fille, officier de l’IDF – l’armée israélienne – restée juive. « Nous sommes toutes deux ici pour le bien de cette terre, » confie-t-elle à Valérie. « Nos chemins sont différents, mais notre intention est la même ».
À midi, les volontaires s’installent pour une pause sous l’ombre des oliviers. Les chrétiens récitent l’Angélus, tandis que les volontaires juifs, debout en silence, respectent ce moment avec une curiosité discrète. Après la prière, tous se remettent au travail, triant soigneusement les olives avec un sérieux qui en dit long sur leur implication.
« Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas de mon peuple qu’on ne devrait pas les aider. Nous partageons presque le même quartier. On me dit souvent que je suis naïve, mais pour moi, ces divisions sont artificielles. Nous partageons une même terre. »
Dalit, chercheuse et archéologue juive à l’Université Hébraïque, volontaire la veille, témoigne : « J’habite au Mont Scopus, juste à côté. Après le 7 octobre, je suis allée aider des kibboutzim près de Gaza, et ici aussi ils manquent de bras. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas de mon peuple qu’on ne devrait pas les aider. Nous partageons presque le même quartier. On me dit souvent que je suis naïve, mais pour moi, ces divisions sont artificielles. Nous partageons une même terre. » Ce désir d’unité se ressent aussi dans les plaisanteries bon enfant entre Ahmad, le jardinier musulman, et les volontaires juifs.
Avant de partir, les volontaires israéliens se recueillent sur la tombe de sœur Paula, une juive polonaise survivante de la Shoah, devenue bénédictine et arrivée à Jérusalem en 1976. Nadav dépose une gerbe de fleurs, visiblement ému. « Elle a trouvé ici une paix que nous partageons aujourd’hui », murmure-t-il, les yeux brillants. En rejoignant les sœurs, chacun reçoit une citronnade fraîche, un dernier moment d’échange où la sœur Marie confie à Dalit : « Cette guerre est détestable, mais regardez ces petites graines d’unité qui germent entre nous. Sans cela, nous n’aurions peut-être jamais eu ces rencontres. »
Ce jour-là, dans ce jardin du Mont des Oliviers, les bénédictines ont à nouveau tendu un pont précieux entre les peuples de Jérusalem. Alors que la guerre fait rage aux frontières du pays, que les tensions augmentent entre les différentes communautés et que la précarité s’installe : un langage commun est apparu au sein de cette équipe diverse : celui du respect, de la paix et du service.