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Mgr Jallouf : « S’ils continuent sur cette voie, il y a de l’espoir » pour la Syrie

Marinella Bandini
19 décembre 2024
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Capture d'écran interview de Mgr Hanna Jallouf sur France 24, 17 décembre 2024.

Présents en Syrie depuis 800 ans, les Franciscains suivent avec attention les développements politiques en cours. Depuis Alep, Damas, Latakieh, et les villages de l’Oronte sur lequel a gouverné Joulani, ils sont aux premières loges.
L’un d’entre eux, frère Hanna Jallouf, aujourd’hui Vicaire apostolique latin d’Alep, partage son sentiment.


Les chrétiens en Syrie se préparent à célébrer un Noël d’une certaine façon « comme d’habitude » et d’une autre totalement « différemment » depuis que, le 8 décembre dernier, les combattants (comme on les appelle sur place) ont renversé le régime d’Assad.

« Dans toutes les églises du pays, nous nous préparons à célébrer Noël : nous avons installé la crèche et l’arbre de Noël. Nous organiserons un triduum de préparation avec les fidèles, en mettant particulièrement l’accent sur le sacrement de la pénitence », raconte Mgr Hanna Jallouf, franciscain de la Custodie de Terre Sainte et aujourd’hui Vicaire apostolique latin d’Alep.

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« Les nouveaux dirigeants nous ont invités à célébrer nos liturgies comme toujours. En même temps, il faut faire preuve de délicatesse dans les festivités : beaucoup de personnes, parmi nous et autour de nous, sont en deuil, après des années marquées par un bain de sang. »

La messe de la nuit de Noël est avancée à 18h en raison du couvre-feu. Le jour de Noël, Mgr Jallouf célébrera une messe solennelle qui sera retransmise à la télévision par la chaîne “Syria”, autrefois anti-régime et aujourd’hui devenue chaîne gouvernementale.

L’évêque latin d’Alep est confiant pour l’avenir. Une confiance qui lui vient en partie de sa connaissance directe d’Abu Mohammad al-Joulani, aujourd’hui chef de la révolte anti-Assad et « nouveau visage » de la Syrie, ancien leader des jihadistes d’al-Nosra, qui ont gouverné la région d’Idlib pendant la guerre civile et qui, au fil des années, ont changé de nom et de visage.

C’est justement dans la région d’Idlib – dont il est natif – que Mgr Jallouf a vécu durant toutes les années de la guerre civile, affrontant le pire visage du jihad islamique. « Avant 2018, nous étions persécutés, nous étions considérés comme des citoyens de dixième catégorie, sans aucun droit humain. Ils ont pris tous nos biens, nos maisons, nos terres. »

« Nous sommes enracinés sur cette terre, partie intégrante de cette terre et de ce peuple. Je n’accepte pas qu’on parle des chrétiens comme d’une ‘minorité’ : nous faisons partie intégrante de la société et sommes égaux à tous les autres. »

Puis, quelque chose a changé : « Depuis 2018, lorsqu’ils ont commencé à penser à construire un État, ils ont tout changé : ils ont changé d’attitude envers nous, les chrétiens, ils nous ont restitué nos biens et tenu leurs promesses. C’est pourquoi je dis qu’ils sont loyaux. S’ils continuent sur cette voie, il y a de l’espoir. »

Mgr Jallouf ne cache pas les difficultés : parmi les combattants, « il y a plusieurs groupes extrémistes. Les nouveaux dirigeants auront pour tâche, d’une part, de promouvoir la liberté et, d’autre part, de combattre l’intégrisme et l’extrémisme de ces groupes. »

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Les chrétiens aussi sont appelés à contribuer pour que la nouvelle Syrie devienne véritablement un lieu de liberté, d’égalité et de coexistence. Un des points clés est celui de la pleine citoyenneté : « Nous ne sommes pas une minorité ! » affirme avec force Mgr Jallouf. « Nous sommes enracinés sur cette terre, partie intégrante de cette terre et de ce peuple. Je n’accepte pas qu’on parle des chrétiens comme d’une ‘minorité’ : nous faisons partie intégrante de la société et sommes égaux à tous les autres. »

Tous les évêques ne partagent pas la même vision confiante, mais ils ont tous rencontré à deux reprises les nouveaux dirigeants. « À Alep, j’ai voulu le faire dans notre couvent de Saint-François, raconte Mgr Jallouf, pour envoyer le message que l’esprit de saint François vit encore dans ses frères. »

Parmi les chrétiens, comme dans le reste de la population, coexistent peurs et espoirs. « Un tel changement en 48 heures n’est pas facile. Les gens ont été habitués pendant 50 ans à vivre et penser d’une certaine manière, et maintenant ils sont désorientés, ils ont beaucoup de questions, de craintes. »

Mais il y a des signes encourageants : « Dès qu’ils ont annoncé la fin du service militaire obligatoire, de nombreux jeunes réfugiés à l’étranger ont commencé à préparer leurs valises pour revenir en Syrie. C’est une très bonne chose, même pour nous, les chrétiens. »

« Nous avons environ 40 familles, déplacées à l’intérieur de la Syrie, qui sont revenues dans la région d’Idlib et ont récupéré leurs terres et leurs maisons. Si les choses continuent ainsi, il est possible que de nombreuses personnes reviennent aussi de l’étranger. »

Né en 1952, Mgr Jallouf a vécu sa jeunesse dans une Syrie nouvellement indépendante et traversée par de fortes turbulences politiques. Il a connu le régime des Assad, puis 12 ans de guerre civile.

« Aujourd’hui, je rêve d’une Syrie libre, démocratique, en paix, sûre, accueillante, où l’égalité de tous est garantie. Je vois la Syrie comme une mosaïque : il y a toutes les pièces pour créer une mosaïque, mais si l’on enlève certaines couleurs, l’image est gâchée. Mon rêve est une image complète de la Syrie. »

Article publié sur le site de la Custodie de Terre Sainte

Lien vers le reportage de France 24 • Syrie : l’inquiétude des chrétiens à Alep

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