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Incident diplomatique autour de la célébration du baptême du Christ, près du Jourdain

Rédaction
13 janvier 2025
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Procession franciscaine vers le Jourdain ©PGPO/CTS

Alors que des centaines de fidèles affluaient vers le site du baptême, dimanche 12 janvier, l'armée israélienne a refoulé des dizaines de voitures au motif que seules 500 personnes étaient autorisées à entrer, du fait de la guerre. Levées après négociations, ces restrictions marquent un précédent.


C’est un long embouteillage qui a accueilli fidèles et pèlerins locaux qui se rendaient sur le site de Qasr al-Yehud pour y célébrer le baptême du Christ avec la Custodie de Terre Sainte, dimanche 12 janvier. L’armée israélienne est en place à l’entrée du lieu saint, situé à la frontière entre la Cisjordanie occupée et la Jordanie, et contrôle les entrées. Alors que des voitures font demi-tour, des bribes d’informations circulent : seules les voitures enregistrées peuvent s’engager, l’armée ne laisse entrer que 500 personnes.

Bus et voitures bloquées à l’entrée du site Qasr al-Yahed, en Cisjordanie occupée où la tradition chrétienne se souvient du baptême du Christ ©MAB/CTS

Incompréhension et confusion. Personne ne savait qu’il fallait s’enregistrer. Face à l’attente et au refus catégorique de l’armée, assistée de la police, des dizaines de voitures, chargées de religieuses ou de chrétiens palestiniens, renoncent. Même les franciscains de la Custodie de Terre Sainte sont surpris. « On essaye de comprendre ce qui se passe », écrit l’un d’eux. Des pourparlers s’engagent avec les autorités. Au bout d’une heure de négociation, les restrictions sont levées, et tout le monde peut entrer.

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« L’armée a fixé de quota de 500 personnes quelques jours avant la célébration. Les seules voitures qui ont dû s’enregistrer sont celles des VIP : les consuls de France, d’Italie, de Belgique et d’Espagne, et celles de la Custodie, raconte une source au fait de l’organisation et des pourparlers. On a insisté : la messe ne débutera pas tant que tout le monde ne sera pas autorisé à rentrer. »

Politique du fait accompli

L’armée a justifié les limitations de rassemblement par la « situation de guerre » du pays. Le commandement du front intérieur a eu recours à ce genre de pratique dans l’ensemble de pays, quand les dangers liées aux roquettes et aux missiles étaient jugés trop inquiétants. Mais les bords du Jourdain, qui marquent la frontière entre Israël et la Jordanie, font partie des endroits les plus tranquilles depuis 16 mois de guerre.

Situé à la frontière avec la Jordanie, le site du baptême, bien que propriété des différentes églises de Terre Sainte, est administré par Israël ©Cécile Lemoine

Ce n’est pas la première fois que l’armée israélienne décide de fixer des quotas autour des rassemblements chrétiens. Les restrictions autour de la cérémonie du Feu Sacré, au Saint-Sépulcre en sont le meilleur exemple. Plus inédites, celles autour du Mont Thabor en 2023 et 2024, l’occasion de la fête de la Transfiguration. Les limitations à l’accès au Jourdain, qui surviennent dans un contexte de guerre, font craindre qu’elles soient reconduites mêmes les années sans guerre, selon une politique du fait accompli déjà observée par le passé.

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Acquis en 1920 par la Custodie de Terre Sainte, le terrain où se situe l’église de Saint-Jean-Baptiste a été inaccessible pendant plus de 50 ans. Truffé de mines lors de la guerre des Six-Jours, puis fermé, il n’a été réouvert au public qu’en 2020, après avoir été nettoyé par une entreprise de déminage. Plus bas, les rives du Jourdain ont été aménagées suite à l’ouverture du site de manière permanente et sans coordination sécuritaire préalable en 2011.

Un site quasi abandonné

Le site et les installations qui permettent de célébrer des baptêmes directement dans l’eau du Jourdain, sont administrées par l’Administration civile israélienne (le site du baptême est en Cisjordanie occupée), et le ministère israélien du Tourisme dans le cadre d’un parc national. Faute de pèlerins, le site donne le sentiment d’être abandonné. Une partie du pont en bois qui permet habituellement aux fidèles de se glisser dans l’eau marronatre du Jourdain a été retiré, laissant apparaître la lie boueuse d’une rivière dont le niveau n’a cessé de diminuer ces dernières années. En décembre 2024, le ministère du Tourisme a annoncé qu’il était sur une liste de sites à améliorer.

Les planches en bois qui permettaient aux pèlerins d’accéder à la rivières ont été enlevées ©MAB

Malgré des débuts chaotiques, la célébration s’est déroulée dans la joie pour les participants venus aussi bien des paroisses de Bethléem que celles de Jérusalem et du nord du d’Israël. Comme un pied de nez subtil aux généraux israéliens présents dans l’assistance, Ibrahim Faltas, le vicaire de la Custodie de Terre Sainte, a tenu a souligné, dans son homélie les 800 ans de présence franciscaine en Terre Sainte et la pérennité du pèlerinage organisé annuel depuis 1641.

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