
Tous les pèlerins entendent parler de lui au moins une fois. La Terre Sainte sait ce qu’elle lui doit : la basilique du Saint-Sépulcre, la première église de la Nativité et celle de l’Éléona au lieu de l’Ascension. Mais qui est Constantin Ier, le premier empereur d’Orient et d’Occident qui convoqua le Concile de Nicée en 325 ?
Dans le premier quart du IVe siècle, l’Empire romain se trouve à un carrefour crucial, miné par des rivalités internes. Un homme va prendre en main son avenir et redéfinir les contours de l’Église : Constantin Ier, dit le Grand. En 312, lors de la bataille du pont Milvius, il écrase l’usurpateur Maxence, s’emparant de l’Italie et consolidant sa position de maître de l’Occident. À l’est, Licinius défait Maximin II Daïa. Ensemble, ils scellent une alliance, symbolisée par le mariage de Licinius avec Flavia Julia Constantia, demi-sœur de Constantin. Leur premier acte commun, l’édit de Tolérance, connu aussi sous le nom d’édit de Milan, garantit la liberté de culte aux chrétiens, marquant un tournant décisif dans l’histoire impériale.
Cependant, l’harmonie entre les deux coempereurs est de courte durée. Accusé de persécuter les chrétiens, Licinius devient l’ennemi de Constantin. Après une série de batailles décisives – Andrinople et Chrysopolis en 324 – Licinius capitule, puis est exécuté, laissant Constantin seul à la tête d’un Empire enfin réuni sous une seule autorité après quatre décennies de divisions.

Constantin, l’homme de la vision, déplace alors le centre de gravité de l’Empire vers Byzance, une cité stratégiquement située entre l’Europe et l’Asie. En 330, après plusieurs années de travaux, il inaugure Constantinople, la “Nouvelle Rome”. Ce projet monumental, avec ses sept collines, son Sénat et son Capitole, rivalise directement avec l’antique Rome. Mais sa véritable ambition est d’en faire un bastion chrétien, où les temples païens cèdent la place à des églises imposantes, telles que Sainte-Sophie.
Constantinople se transforme ainsi en un carrefour culturel, un bastion militaire imprenable, destiné à repousser les invasions des Goths et des Sassanides. La ville, cœur de l’Empire, devient l’emblème d’une grandeur impériale que Constantin entend pérenniser.
Un réformateur au service de l’unité
Constantin n’est pas seulement un conquérant et un bâtisseur, il est aussi un réformateur. Dans les palais impériaux, l’administration est réorganisée, le Sénat renforcé, et une bureaucratie foisonnante prend forme. L’Empire adopte aussi un nouveau visage législatif christianisé : le repos dominical est instauré, les familles d’esclaves ne peuvent plus être séparées lors des ventes, et les plaideurs peuvent choisir la médiation d’un évêque plutôt qu’un tribunal civil. La monnaie, elle aussi, connaît une révolution. En 312, Constantin introduit le solidus, une pièce d’or stable qui relance le commerce et devient l’unité de référence pour les siècles à venir. Ce système assure une stabilité économique, mais accentue les inégalités sociales.
Sous son règne, Constantin parvient à transformer un Empire en déclin en une entité stable et unifiée. Il nomme ses enfants héritiers, consolidant ainsi la dynastie. L’Église, désormais favorisée, prend une place prépondérante dans la vie politique et sociale de l’Empire. À sa mort en 337, Constantin laisse un Empire pacifié et tourné vers l’avenir. Son nom reste associé à une vision audacieuse : celle d’un Empire chrétien, unifié par des réformes durables et fortifié par la capitale qu’il a fondée, Constantinople, qui perdure à travers les siècles.
“Par ce signe, tu vaincras”
En 312, alors qu’il se prépare à affronter Maxence, Constantin est marqué par une vision céleste avant la bataille du pont Milvius. Selon Eusèbe de Césarée, un signe flamboyant apparaît dans le ciel, suivi d’un songe dans lequel le Christ lui montre le chrisme, monogramme formé des lettres grecques chi et rhô (ΧΡ). “Par ce signe, tu vaincras”, lui aurait-il déclaré. Inspiré, Constantin fait arborer ce symbole sur les boucliers de ses troupes, et la victoire est décisive. Toutefois, cette légende soulève des débats : certains affirment que Constantin vénérait encore le Dieu solaire Sol invictus à ce moment.
En 313, Constantin et Licinius se rencontrent à Milan et signent l’édit qui redéfinit l’Empire, proclamant la tolérance religieuse et restituant les biens confisqués aux chrétiens. Cet acte audacieux marque un tournant décisif pour la chrétienté, qui trouve en Constantin un protecteur, renforçant ainsi son pouvoir.
La conversion de Constantin reste sujette à débat. Baptisé sur son lit de mort en 337, il semble osciller entre christianisme et paganisme, mais son soutien aux décisions du concile de Nicée, sa lutte contre l’arianisme, et ses interventions théologiques témoignent de son engagement en faveur de l’orthodoxie chrétienne. Il impose une foi commune, et devient un acteur majeur de la réorganisation religieuse de l’Empire. Le christianisme devient également un instrument politique. Constantin s’implique activement dans les affaires religieuses pour garantir l’unité de l’Empire. Il intervient dans des querelles théologiques, comme le donatisme en Afrique et l’arianisme en Orient. En 325 il convoque et préside le concile de Nicée, qui établit un dogme commun. Même sans être baptisé, il impose ses décisions, renforçant ainsi l’idée d’un césaropapisme, où l’empereur dirige à la fois l’État et l’Église.
Constantin entretient une relation ambiguë avec les évêques, qu’il place au cœur de son administration. S’ils bénéficient de privilèges, ils sont aussi soumis à la volonté impériale. L’exil de figures comme Athanase d’Alexandrie témoigne de sa volonté d’imposer l’unité religieuse de l’Empire, même au prix de conflits internes.
De son point de vue, il met tout en œuvre pour faire de la religion chrétienne un facteur d’unité dans son Empire. Il poursuivra ce but jusqu’à sa mort en 337.
La marque constantinienne sur Jérusalem
En 325 à Nicée, à la faveur de la rencontre pendant le concile de l’empereur Constantin et de l’évêque de Jérusalem Macaire, naît l’idée “de rendre le lieu où le Sauveur ressuscita dans Jérusalem le plus célèbre et le plus vénérable au monde”(1). Celui de la naissance de Jésus, de sa Passion-Résurrection, et de son Ascension. À son retour à Ælia, et avec l’aval de l’empereur, Macaire entreprend de démonter le temple capitolin pour retrouver le tombeau du Christ. À cet endroit, Constantin veut ériger une série de bâtiments destinés à glorifier la Passion, la mort et la Résurrection du Christ. Un architecte nommé Zénobie est envoyé à Jérusalem pour ériger un monument dédié à la mémoire du Christ.
Au centre de ce complexe, un ciborium (édifice en forme de petit compartiment) est censé abriter le tombeau. Bien que l’on ne puisse pas vérifier avec certitude son existence, des représentations anciennes, comme celles des ampoules de Monza, suggèrent qu’il s’agissait d’un édifice préexistant. Dans les années suivantes, la construction progresse et dessine un chemin initiatique pour les pèlerins, les guidant à travers les étapes majeures de la vie du Christ. Le 13 septembre 335, le site est solennellement consacré sous les noms d’Anastasis et Martyrium, marquant le début d’une nouvelle ère pour les chrétiens en Terre Sainte.
L’empereur et sa mère Hélène feront construire à la même époque deux autres basiliques, celle de la Nativité à Bethléem consacrée en 339 en présence de l’impératrice elle-même, et celle de l’Ascension au sommet du mont des Oliviers. L’une et l’autre entièrement détruites plus tard.
Héritage impérial et spirituel
L’héritage de Constantin est considérable. Par son soutien au christianisme, il prépare l’Empire à sa christianisation officielle sous Théodose Ier. Jérusalem, à travers ses basiliques, devient un centre spirituel majeur. Constantin inscrit la ville dans l’histoire chrétienne universelle, jetant un pont entre le passé biblique et l’avenir de l’empire chrétien.
Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, Livre III, chap. 28


Bibliographie
L’empereur sujet des historiens
La vie et l’œuvre de Constantin sont d’une grande richesse mais les avis que portent sur lui les historiens sont contrastés. “En juxtaposant nos sources, on pourrait constituer toute une galerie de portraits de Constantin si dissemblables qu’on aurait grand-peine à supposer qu’il s’agisse du même personnage”, écrivait A. Piganiol, in L’Empire chrétien rappelle Maraval au moment de faire un bilan de la vie de Constantin. Saint ou cynique, l’empereur “Phénix” comme le qualifiait J. Vogt ? À l’occasion du 1700e anniversaire de son accession au pouvoir en 312, deux ouvrages sont sortis en langue française.
Constantin le Grand, de Pierre Maraval,
Tallandier, 396 pages, 23,90 €.
Constantin, le premier empereur chrétien, de Vincent Puech,
Ellipses, 408 pages, 23 €.
Terre Sainte Magazine s’est basé sur le premier parce que c’est celui que nous avions en bibliothèque !
À noter aussi du même auteur La Véritable Histoire de Constantin, Textes réunis et commentés par Pierre Maraval, Les Belles Lettres, 206 pages.
Sous forme romanesque, on pourra lire de Max Gallo Constantin le Grand : L’Empire du Christ, le tome 5 de la série Les Romains.
Dernière mise à jour: 15/03/2025 21:32