Si Macaire et Eusèbe sont montés dans le même chariot en partance pour Nicée, ce doit être un peu la soupe à la grimace. Il n’y a que quelques semaines qu’ils ont reçu la convocation, il faut embarquer dans les voitures de la poste impériale mises à leur disposition. On ne peut rien refuser à l’empereur qui a signé la paix de l’Église.
Le concile devait se tenir à Ancyre de Galatie1. Constantin l’a finalement relocalisé à Nicée, une cité balnéaire. Depuis Constantinople, où il réside, il gagne 500 km. Avec ce rapprochement, il espère attirer plus d’évêques occidentaux. Vu de Palestine, le voyage est presque un tiers plus long avec près de 1500 km à parcourir.
Au moins, le temps de trajet va donner l’occasion à Macaire de fourbir ses arguments. Quand même, c’est lui l’évêque de Jérusalem pourquoi faut-il qu’Eusèbe, évêque de Césarée, ait la préséance ? Césarée, Jésus n’y a jamais posé le bout d’un orteil, tandis que Jérusalem… Jérusalem quoi !
Ça fait 30 ans, au bas mot, que les deux sièges épiscopaux se chicanent, depuis en tous cas que Dioclétien (284-305) a remanié les circonscriptions provinciales. Il a créé des diocèses. En Palestine, les Romains ont délaissé Ælia, c’est Césarée la métropole et la règle c’est que l’évêque métropolite a la préséance sur tous les autres évêques de l’éparchie.
Macaire ne le digère pas. Ce n’est pas qu’il ait de l’ambition, il s’en défend, non, c’est juste qu’il y a des traditions et que dans la tradition, Jérusalem c’est la ville du Salut et “si le Christ n’est pas ressuscité [à Jérusalem] vaine est notre foi” comme l’a dit Paul.

date supposée de sa mort. Portrait dans la galerie des évêques au patriarcat latin de Jérusalem.
Et d’ailleurs au concile de 196, est-ce que Théophile et Narcisse, respectivement évêques de Césarée et de Jérusalem, n’ont pas présidé ensemble ? A minima, on doit au siège de Jérusalem une égalité avec Césarée, cette ville de nouveaux riches et d’intellectuels pédants.
Il ne l’a peut-être pas formulé comme ça à Nicée, reste que Macaire a fait entendre sa voix. Sur 20 canons du concile, un, le septième, est consacré à la question qui le préoccupait : “De l’évêque d’Ælia. Comme la coutume et l’ancienne tradition portent que l’évêque d’Ælia doit être honoré, qu’il obtienne la préséance d’honneur, sans préjudice cependant de l’autorité qui revient à la métropole.”
Ah c’était chouette Nicée ! Il est content Macaire. Il a obtenu ce qu’il était venu chercher. Il a même pu parler à l’empereur en tête à tête. Et justement, il s’est entretenu avec lui de Jérusalem et de son importance. Constantin a vu midi à sa porte. S’il veut asseoir la foi chrétienne dans l’Empire afin de l’unifier, il doit donner à voir et à toucher ce qu’il appelle “les lieux saints”. Macaire trouve l’expression géniale, que dis-je, impériale ! Quand l’empereur lui a ordonné de retrouver le lieu de la Passion et de la Résurrection, il lui a répondu que c’était tout trouvé parce qu’il était enseveli sous le temple d’Hadrien. Donc si l’empereur lui donnait l’autorisation, il pouvait le démonter, mais il lui fallait un rescrit, sinon ça ferait jaser. Dans l’empire romain, on ne démonte pas sans risque un capitole !
Macaire n’avait pas ménagé ses efforts pour séduire l’empereur. Il avait même travaillé son credo, histoire aussi de montrer qu’il n’était pas moins théologien qu’un césaréen. On dit que lors des débats au concile, il aurait fait entendre sa voix sur deux points : pour défendre l’homoousia, la consubstantialité du Père et du Fils, alors qu’Eusèbe n’était pas franc du collier sur le sujet, et pour que l’on inscrive “descendu aux enfers”. Sans succès sur ce point ce qui ne l’a pas empêché de se présenter le premier pour ratifier le texte.
De retour à Jérusalem, et pour consolider ses liens avec l’empereur, il commença à démonter le temple dédié à Jupiter et entreprit les fouilles pour identifier le tombeau de Jésus. Eusèbe rapporte lui-même, en avalant sa salive, que Macaire ne s’était pas trompé : “On n’eut pas plus tôt creusé jusqu’à l’ancienne hauteur de la terre qu’on vit, contre toute attente, le très saint et très auguste tombeau d’où le Sauveur était autrefois ressuscité.” La bonne nouvelle valut à Macaire deux lettres de Constantin. La première pour ordonner de bâtir une basilique, la seconde pour lui attribuer un chef décorateur et autres artisans en lui disant de ne pas lésiner à la dépense.
La joie et l’excitation à Constantinople était telles qu’Hélène, la mère de l’empereur, se rendit aussitôt à Jérusalem. Les fouilles étaient encore en cours à son arrivée. Son truc à elle, c’était de retrouver la Croix. On fouilla donc aux abords du calvaire et lorsqu’on trouva trois croix, c’est Macaire qui eut l’idée de faire venir des malades, sûr que la vraie croix serait en mesure de les guérir.
Après quoi, Macaire supervisa les travaux de construction de la basilique, à commencer par le martyrium. Mais il mourut avant de la voir achevée. Requiescat in Pace.
- Aujourd’hui Ankara en Turquie. ↩︎
Dernière mise à jour: 15/03/2025 14:20