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Patriarche Pizzaballa, le pape François et la Terre Sainte

Rédaction
25 avril 2025
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Cardinal Pizzaballa durant la conférence de presse à l'occasion de la mort du pape François, Jérusalem 22 avril 2025 ©Mahmoud Illean

Le cardinal Pierbattista Pizzaballa est arrivé à Rome pour participer aux funérailles du pape François et au conclave qui élira son successeur. Il livre ses réflexions sur l’héritage spirituel de Bergoglio et les défis à venir pour l’Église.


Le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, est arrivé à Rome dans la soirée du 23 avril, afin de participer aux funérailles du pape François samedi 26 avril, aux congrégations générales des cardinaux en cours, ainsi qu’au conclave qui élira le nouveau pape.

Il a quitté sa résidence dans l’après-midi, après avoir présidé dans la matinée une messe solennelle en hommage au défunt pontife dans la basilique du Saint-Sépulcre. La veille au matin, cédant aux sollicitations insistantes de plusieurs journalistes, il les a rencontrés de manière informelle dans le palais patriarcal de la vieille ville. La conversation, en anglais et en italien, n’a duré qu’une trentaine de minutes.

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Avant d’aborder l’héritage du pape François pour l’Église, le patriarche a tenu à remercier publiquement les chefs des autres Églises de Terre Sainte, les diplomates, les autorités religieuses et politiques israéliennes et palestiniennes, ainsi que les nombreux amis qui, depuis la matinée du 21 avril, ont exprimé leurs condoléances et leur peine à l’annonce de la mort du pape.

« Nous avons reçu des appels de tout l’éventail des autorités politiques et religieuses, musulmanes et juives, et pas seulement », a-t-il indiqué. Il a cité nommément le président Isaac Herzog, le président palestinien Mahmoud Abbas (Abou Mazen), le ministre israélien de l’Intérieur Moshe Arbel (également en charge des communautés religieuses en Israël) et Ramzi Khoury, chargé des relations avec les communautés religieuses en Palestine.

Remplis d’espérance

La mort soudaine du pape a surpris tout le monde, « mais elle nous laisse aussi pleins d’espérance », a insisté Pizzaballa. « En tant que croyants, nous voyons un signe dans la date de sa disparition : elle intervient durant l’Octave de Pâques, considérée comme un seul grand jour liturgique. Le pape a donc été appelé à rencontrer le visage du Père au jour même de Pâques, ce qui est très significatif. »

Service commémoratif pour le défunt pape François à la basilique du Saint-Sépulcre, le 23 avril 2025. ©Jamal Awad/FLASH90

« On peut se souvenir du pape François pour de nombreuses choses », a poursuivi le patriarche. « Il a toujours voulu réaffirmer les valeurs évangéliques, à commencer par l’écoute – il insistait beaucoup, au point que l’on se demandait parfois pourquoi. Cela lui tenait profondément à cœur. Ensuite, l’ouverture. Il n’était pas un homme rigide, attaché au protocole. Il aimait penser différemment, “hors des cadres”.

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«Il voulait construire des ponts entre les personnes, les cultures, les religions, les Églises, continue encore Mgr Pizzaballa. Sa visite en Terre Sainte en 2014 a été marquante pour souligner la réconciliation entre l’Église catholique et les Églises d’Orient. Je pense aussi à l’encyclique Fratelli tutti, au dialogue entre cultures, au Document sur la fraternité humaine signé à Abou Dhabi en 2019… »

Le pape François et Gaza

Selon le cardinal Pizzaballa, l’attention du pape à l’égard de la Terre Sainte s’est encore intensifiée depuis le début de la guerre le 7 octobre 2023. « Tout le monde connaît sa proximité avec les fidèles de Gaza, qu’il appelait chaque soir au téléphone, à 19h. C’était devenu un rendez-vous régulier, réconfortant. Il était aussi très proche de nous à Jérusalem. Il voulait être informé de tout : les évolutions, les dialogues, les canaux de communication. Mais il s’intéressait aussi à l’aide concrète : envois d’argent, de nourriture… Quand il apprenait que nous envoyions des biens essentiels à Gaza, il voulait contribuer. »

« Gaza, en quelque sorte, concentrait les traits de son pontificat : la proximité avec les pauvres, la défense de la paix, le refus absolu de la guerre comme solution. Pour lui, on ne pouvait être véritablement religieux sans s’engager pour la paix, la réconciliation et le dialogue. » – Patriarche Pizzaballa

Les leçons apprises

« De ce pape, la Terre Sainte a appris plusieurs choses : la solidarité en temps de guerre, la proximité – un mot qu’il employait souvent –, et l’importance de rester engagé pour la justice sans prendre part au conflit. Être dans le conflit, mais ne pas y participer : c’était clair pour lui », affirme Pizzaballa.

Après l’enterrement du pape, les cardinaux auront pour mission d’élire son successeur : « Les défis restent les mêmes : évangéliser, témoigner du Christ dans le monde tel qu’il est. La vraie question n’est pas “quoi”, mais “comment” : comment transmettre ce message dans une réalité aussi diverse entre l’Asie, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique… Le message reste le même, mais il doit être adapté aux cultures. » « L’unité est essentielle dans l’Église, mais aussi dans le monde. Nous assistons à une fragmentation excessive. »

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C’est un événement rare, voire unique, que le patriarche latin de Jérusalem participe à une élection papale. Le cardinal Pizzaballa est conscient de la lourde tâche confiée au collège électoral. Il y représentera une petite Église, minoritaire comme dans une grande partie de l’Asie.

« Être minoritaire n’est pas un drame, dit-il. Ce qui compte, c’est d’être présent, de parler librement. Être petit, sans pouvoir, permet une liberté que le pouvoir n’offre pas toujours – surtout dans un monde polarisé. Le dialogue œcuménique est aussi crucial : on ne peut rien faire seul. Travailler ensemble est difficile, mais bien plus fécond. Il en va de même pour le dialogue interreligieux. »

« Dans une région comme celle-ci, on apprend beaucoup les uns des autres, poursuit le prélât. Il n’y a pas de murs, mais des frontières franchissables. Chacun reste soi-même tout en apprenant de l’autre. Il faut savoir ouvrir des dialogues, des canaux de solidarité. C’est ce que la guerre a montré : même dans l’obscurité, il est possible de bâtir l’unité en agissant ensemble pour ceux qui souffrent. »

Alors que l’entretien avec les journalistes touche à sa fin, l’un d’eux demande : « Maintenant que le pape François n’est plus, qui appellera Gaza chaque soir ? » Le cardinal sourit : « Nous qui avons la foi, nous croyons en un autre langage, que les caméras ne captent pas : celui de la prière. Désormais, le pape François priera de là-haut pour ses amis de Gaza, encore plus intensément. Et ils ne seront jamais seuls. Une chose est sûre : nous ne les abandonnerons jamais. »

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