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À l’époque byzantine, les religieuses aussi pratiquaient l’ascèse

Rédaction
10 mars 2025
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Les directeurs des fouilles Zubair ʼAdawi et Kfir Arbiv examinent la tombe de la moniale © Yoli Schwartz/IAA

Si les pratiques ascétiques des premiers moines chrétiens sont connues grâce à des sources historiques, il existe, depuis février 2025, une preuve archéologique de ce phénomène. Et, surprise, l'ascèse ne concernait pas seulement les hommes.


C’est une découverte fascinante. En 2021, alors que des archéologues de l’Autorité israélienne des Antiquité fouillent le site de Khirbat el-Masani’, à 3 km au nord-ouest de la vieille ville de Jérusalem, ils mettent au jour un monastère byzantin (350-650 après J.-C). Rien d’anormal jusque-là, la région regorge de ces édifices religieux, preuves de l’expansion du christianisme quand celui-ci est devenu religion d’État de l’Empire romain en 380 après J.-C.

À l’emplacement de l’autel, les archéologues ont découvert une tombe contenant les restes d’un squelette dont les bras, les jambes et le cou étaient recouverts d’anneaux de fer, tandis que des plaques de métal reposaient sur son ventre. « À cette époque, une pratique courante de l’ascétisme consistait à enrouler de lourdes chaînes métalliques autour du corps afin de limiter la mobilité », expliquent les chercheurs dans un article paru dans le Journal of Archaeological Science.

Les anneaux qui étreignaient le corps de la moniale © Yoli Schwartz/IAA

Discipliner le corps pour renforcer l’âme

Le phénomène est surtout connu chez les moines byzantins. Or une analyse menées sur l’émail d’une dent retrouvée dans la tombe par des chercheurs de l’Institut Weizmann ont permis d’identifier que le squelette était celui d’une femme. « Il s’agit de la première preuve montrant que le rituel byzantin d’auto-tourment était pratiqué par des femmes et non exclusivement par des hommes », détaillent les chercheurs dans leur article.

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Après 380, le monachisme a prospéré et ses adeptes ont cherché des moyens de discipliner le corps pour renforcer l’âme. « Parmi les formes d’affliction décrites dans les sources, les moins se prêtaient à des jeûnes prolongés, s’enroulaient des chaînes de fer autour du corps, s’attachaient à des rochers, se chargeaient de poids, s’obligeaient à rester debout au sommet de piliers, refusaient de dormir… », listent Zubair ʼAdawi et Kfir Arbiv, directeurs de fouilles pour l’Autorité israélienne des antiquités qui ont étudié le sujet, et parlent d’un « extrémisme excessif ».

Localisation du site archéologique de Khirbat el-Masani’ près de Ramat Shlomo, Jérusalem ©Matan Chocron, IAA.

Contribution des figures féminines religieuses

L’ascétisme chez les femmes de l’Empire romain est connu depuis le 4e siècle après J.-C. Ce processus spirituel aurait commencé avec la noblesse, l’aristocratie romaine cherchant à quitter son style de vie somptueux pour plus de simplicité et le désir de se connecter aux lieux saints de Jérusalem.

Théodoret de Cyrrhus, dans son ouvrage du Ve siècle, « Historia Religiosa », cite l’histoire de deux femmes, Marana et Cyra, qui se seraient attachées des chaînes sur le corps pendant 42 ans : autour du cou, autour de la taille comme une ceinture, ainsi qu’aux mains et aux pieds.

Les plus célèbres de ces religieuses ascétiques étaient Mélanie l’Ancienne et sa petite-fille, Mélanie la Jeune, qui ont établi des couvents dans la vallée du Cédron et sur le mont des Oliviers, à Jérusalem. « Mélanie la Jeune est connue pour son style de vie ascétique extrême : elle s’est enfermée dans une boîte en bois qui ne lui permettait aucun mouvement », relatent les chercheurs, qui soulignent « l’importance de reconnaître la contribution des figures religieuses féminines à cette époque ».

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