
Pour la population du sud du Liban, la situation humanitaire reste difficile, raconte le franciscain Fra Toufic Bou Merhi. « Nous marchons avec le Christ jusqu’au Golgotha, dit le frère, mais la croix ne sera pas la fin de notre chemin. »
« Nous avons réussi à réparer tant bien que mal l’église de Deir Mimas, dont les portes et fenêtres avaient été soufflées par les bombardements israéliens d’octobre 2024. Nous voulons que les familles chrétiennes restées dans les villages frontaliers entre le Liban et Israël puissent célébrer dignement Pâques. Cela me semble le minimum après toutes les souffrances qu’elles ont endurées… »
Fra Toufic Bou Merhi, franciscain de la Custodie de Terre Sainte, supérieur du couvent de Tyr et responsable de la pastorale des catholiques de rite latin dans le sud du Liban, choisit ses mots avec soin quand on l’interroge sur la vie entre le fleuve Litani et la frontière avec les « voisins » (les Israéliens, ndlr).
« La situation, explique-t-il, n’a jamais été calme. Le cessez-le-feu est continuellement violé sous des prétextes futiles. La stratégie, c’est de continuer à frapper les “jaunes”, comme nous appelons les militants du Hezbollah (dont l’étendard est jaune – ndlr), pour les anéantir. Ils vont jusqu’à traquer ceux qui n’ont aucune importance, aucune responsabilité. Tous les prétextes sont bons pour lancer des bombes, continuer à détruire. Quand on visite les villages de la bande frontalière, on a l’impression d’être à Gaza… Des villages entiers rasés. Je ne suis pas un homme politique, mais il faut appeler les choses par leur nom : les “voisins” ne veulent pas la paix. Ils veulent que le Liban se soumette. »
Nous sommes dans la Semaine Sainte, et cette année, la concomitance de Pâques entre catholiques et orthodoxes est un signe d’unité et d’espérance.
« Nous célébrerons le Triduum pascal à Tyr comme à Deir Mimas. Dimanche dernier, pour les Rameaux, nous avons pu, catholiques latins, melkites et maronites, faire la procession avec les chrétiens orthodoxes locaux. Ce fut un moment de grande joie, même si beaucoup n’ont pas pu atteindre l’église à cause des restrictions de déplacement toujours en vigueur, à cause du risque de frappes aériennes et des barrages militaires. Dans la zone entre le Litani et la frontière, il reste cinq postes de l’armée israélienne. »

La participation des militaires italiens du contingent de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), présents dans la région, a été précieuse, raconte Fra Toufic. Ces dernières semaines, neuf médecins de la FINUL ont offert deux journées entières de consultations médicales au couvent de Tyr, au bénéfice de la population, pas seulement chrétienne, et ont distribué des médicaments.
Fra Toufic poursuit : « Le nonce apostolique au Liban, Mgr Paolo Borgia, se rendra le lundi de Pâques, jour de la fête de l’Ange, au village de Jaroun pour célébrer une messe parmi les ruines de l’église Saint-Georges. Tout le quartier chrétien autour de cette église est détruit. Presque tous sont déplacés, mais en ces fêtes, certains essaient de revenir dans leurs villages d’origine, ne serait-ce que pour prier sur les ruines de leurs maisons. »
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La population du sud du Liban continue de vivre une crise humanitaire aiguë. « Les difficultés sont énormes. Les gens vivent de promesses. Il n’y a plus de travail, les ressources manquent. La majorité des habitants touchés par les bombardements israéliens vivent normalement de l’agriculture. Ceux qui ont perdu leur récolte d’olives ont perdu une année entière de revenus. Les cultivateurs de légumes ont du mal à accéder à leurs champs, et encore plus à les travailler. »
Personne ne le dit ouvertement, mais la pollution des nappes phréatiques et des sols, causée par l’usage de bombes « sales » (engins incendiaires au phosphore), est également un problème.
« Le Liban souffre depuis des décennies des conséquences de la guerre. Le 13 avril dernier, nous avons commémoré les cinquante ans du déclenchement de la guerre civile (1975–1990). Et puis, régulièrement, les affrontements entre le Hezbollah et Israël… J’ai lu récemment un rapport qui indique que le taux de cancer au Liban est très élevé. Moi-même, j’ai un cas dans ma famille. »

Que direz-vous, en tant que religieux franciscains, aux fidèles pour cette Pâque de douleur et d’épreuve ? La voix, à l’autre bout du fil, se fait plus ferme.
« Nous marchons avec le Christ jusqu’au Golgotha, jusqu’à la croix. Mais la croix ne sera jamais la fin de notre chemin. Nous vivons d’espérance, mais aussi de la certitude que la croix l’emporte toujours, qu’elle devient l’arbre de vie. Ce ne sont pas que des mots à proclamer, ni de la poésie. C’est notre foi. Nous ne sommes pas seuls. Si nous restons unis, nous parviendrons à vivre ce souhait que nous échangeons mutuellement à Pâques : avec Jésus ressuscité, devenons dans la vie des témoins de sa résurrection. »