« Soyez une présence cordiale ». C’est sous cette impulsion de Dom Paul Grammont, alors père abbé de l’abbaye du Bec-Hellouin dans l’Eure (France), que furent envoyés en 1976 trois moines en Terre Sainte. Précisément à Abu Gosh, « l’Emmaüs des Croisés », aujourd’hui village arabe musulman en Israël, à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Jacques, en religion frère Charles Galichet, en était. Et c’est le 1er mai de cette même année que les trois frères de la congrégation du Mont-Olivet célébraient leur première messe dans les vieux murs de l’église Sainte Marie de la Résurrection.
Les trois moines reprenaient les lieux, domaine national français depuis 1873, 23 ans après que les premiers bénédictins qui s’y étaient installés au début du XXe siècle les eurent laissés aux Lazaristes qui investirent les lieux, avant qu’eux-mêmes ne passent le relais aux olivétains. En 1977, ils furent suivis de trois moniales en provenance également de Bec-Hellouin.
Dom Paul Grammont désirait des frères en ce lieu « comme présence d’accueil cordial à l’écoute de l’Israël biblique en son histoire juive, se poursuivant dans l’Israël contemporain », indique le site de l’abbaye. « Notre présence en ce village musulman et israélien d’Abu Gosh comble cette vue prophétique qui place notre communauté d’abord au creux d’un mystère, le mystère du salut. En ce lieu d’Abu Gosh, en effet, nous sommes placés au cœur de la réalité bien charnelle de ce pays en sa diversité. » Ainsi, l’ouverture « cordiale » est à tous sans exclusivité : Palestiniens et Israéliens, juifs, musulmans et chrétiens de diverses confessions, touristes et pèlerins. « Nous n’avons que l’amour à opposer aux diverses forces du mal qui nous habitent, et que la bonté à proposer à nos hôtes et amis de tous horizons. » Par sa chaleur et son humour, frère Charles incarnait cette cordialité. Lui qui sur la page d’accueil du site de l’abbaye signait en mot de bienvenue « Ensemble, allons vers Celui qui est le TOUT. »
Un but atteint le 6 juillet dernier par le père Charles, à l’âge de 74 ans, 43 ans après son arrivée en Terre Sainte, des suites d’une longue maladie. Ses obsèques sont célébrées ce lundi. Elu père abbé le 29 septembre 2005, il est le dernier du trio fraternel des débuts de l’aventure olivétaine en Terre Sainte avec Alain Mercier et Jean-Baptiste Gourion, à avoir quitté ce monde pour rejoindre la maison du Père.
Succédant à Jean-Baptiste Gourion (décédé le 23 juin 2005), il fut ainsi le deuxième père abbé du monastère qui fut canoniquement érigé en abbaye autonome en 1999. L’ancienne église franque est l’église abbatiale de la communauté.
Né à Anneau en Eure-et-Loir (France), ce beauceron d’origine arriva en Terre Sainte après 12 ans de vie religieuse. « Début 1990, il devra pourtant quitter Israël de force pour soigner une dépression nerveuse faisant suite au décès de Frère Alain, un des compagnons d’Abu Gosh. A Paris, il reprend son métier d’infirmier psychiatrique aux urgences de l’hôpital Sainte-Anne. Une lumineuse « nuit de Pâques » le fera renaître en 1997. Il sera ensuite appelé en milieu pénitentiaire, devenant aumônier à la prison de la Santé, à Paris », rendait compte La Croix lors de son élection à l’abbatiat qui expliqua en ce temps-là que le père Charles « revint quelques semaines avant le décès de Mgr Gourion (en juin 2005) appelé pour accompagner l’abbé d’Abu Gosh dans ses derniers jours. » Le père Charles élu à son tour père abbé de l’abbaye ne prendra pas la succession épiscopale de Mgr Gourion qui était devenu en 2003 évêque auxiliaire du patriarche latin Mgr Michel Sabbah, pour la communauté catholique hébréophone.
Le père Charles Galichet avait reçu le 18 août 2009 au Consulat général de France à Jérusalem les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur avec ses 42 ans d’activités professionnelles, de vie religieuse et de services militaires. Selon le Consulat, « le nombre et la variété de ceux qui [étaient] venus assister à la cérémonie de remise reflétaient bien le rayonnement exercé par la communauté d’Abu Gosh dans son ensemble, et notamment du père abbé ».