Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

À Gethsémani, l’histoire de la grotte oubliée

Guillaume Genet
24 juillet 2019
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De l’agonie de Jésus à Gethsémani jusqu’à sa condamnation à mort, on peut suivre à Jérusalem la mémoire des étapes qui ont jalonné sa Passion. Mais parmi ces récits, celui de la trahison du Christ par Judas et de son arrestation prend place dans un lieu assez méconnu.


Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva et avec lui une foule armée d’épées et de bâtons (…). À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : ‘Rabbi’ et il l’embrassa. Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent.” Mc 14, 43-46. C’est par ces mots que saint Marc nous raconte dans son Évangile le récit de la trahison et de l’arrestation du Christ par Judas Iscariote. Alors que Jésus est revenu vers ses apôtres pour les tirer une troisième fois de leur torpeur, il fait face à celui qui le livre aux mains des soldats. Si aujourd’hui à Jérusalem la tradition situe le lieu de son agonie sur le rocher visible dans la basilique de l’Agonie, il existe un autre endroit qui vient rappeler sa capture par une milice du sanhédrin après l’acte de dénonciation de Judas. Pour cela il faut regarder du côté du tombeau de la Vierge Marie. Face à l’édifice on distingue sur la droite une petite galerie menant au lieu-dit de la grotte de la Trahison, aussi connue sous le nom de grotte de Gethsémani. À l’époque du Christ, le paysage du mont des Oliviers présentait de nombreuses grottes naturelles comme celle-ci. On peut imaginer, en reconstituant la nuit de veille de Jésus, qu’elle fut le lieu où se posèrent les apôtres avant de s’assoupir, dans la mesure où la température extérieure peut être très fraîche au moment de la Pâque juive. Une tradition du IVe siècle fixa l’épisode dans cette grotte, les pèlerins la visitant en premier avant de vénérer l’agonie de Jésus dans le jardin et d’entreprendre à pied l’ascension du mont des Oliviers. Elle fut aménagée en chapelle au cours de ce même siècle.

D’après Jean de Würzburg pèlerin au XIIe siècle les fresques représentaient trois scènes : la prière du Christ dans le jardin, le Christ avec les apôtres et l’ange consolant le Sauveur.

 

Succession de strates historiques

En 1361 les franciscains firent l’acquisition du lieu, mais n’obtiendront qu’en 1903 l’accord du sultan Selim III pour placer une porte à l’entrée et en posséder la clé. À la suite de violentes inondations en novembre 1955, la custodie de Terre Sainte décide d’entamer des travaux de restauration de la grotte, sous la direction du père Virgilio Corbo ofm. Les résultats de ces recherches mettront en lumière toute une suite de transformations subies par la grotte au cours des siècles. À l’intérieur de cet espace d’environ 19m sur 10m, ils découvriront qu’elle incluait une citerne ainsi qu’un pressoir à huile, témoin de la vocation agricole du mont des Oliviers à l’époque du Christ. Plus tard, à partir du IVe siècle, la grotte fut probablement transformée en église rupestre et prit rapidement la fonction de cimetière. À droite de l’entrée, on peut aujourd’hui encore lire sur un caveau funéraire une inscription grecque Ke anapus (on)…, que l’on peut traduire par “Donne-leur, Seigneur, le repos éternel”. La grotte fut ensuite embellie par des peintures réalisées sur la voûte durant la période croisée. De cette époque, on peut retrouver sur les murs la représentation de trois scènes : la prière du Christ dans le jardin, le Christ avec ses apôtres et l’ange consolant le Sauveur.

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Tombée dans l’oubli

Aujourd’hui la grotte reste assez méconnue aux côtés de la basilique de Gethsémani et de la tombe de Marie. La faute à une inversion des lieux. Car à partir du XIVe siècle, la grotte fera mémoire de la trahison de Judas, mais aussi de l’agonie de Jésus en étant rebaptisée par la plupart des pèlerins “grotte de l’Agonie”. Après la construction de la basilique de Gethsémani, la mémoire de l’agonie du Christ retourna dans l’édifice nouvellement bâti, laissant la grotte presque vierge de tout épisode biblique, à l’exception de la trahison de Judas et de l’arrestation du Christ. S’il n’existe pas de célébration spécifique à cet événement dans la grotte, il reste possible d’y célébrer. La liturgie latine continue d’ailleurs d’honorer le lieu, notamment lors de l’Assomption de la Vierge le 15 août. Les secondes vêpres de la fête y sont ainsi célébrées par les franciscains, avant qu’ils ne descendent en procession dans la tombe de Marie régie par les orthodoxes (voir page 12sq). Malgré son peu de notoriété, cette grotte reste un lieu majeur de la Passion du Seigneur : cet endroit où le Christ s’est librement livré à l’humanité.♦