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A Chypre, les Latins une nouvelle fois mis à l’honneur

Christophe Lafontaine
18 octobre 2019
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L’exposition « Les Latins de Chypre » a retracé plus de 800 ans de présence latine sur l’île d’Aphrodite © Courtesy of CyprusPress and Information Office

L’exposition « Les Latins à Chypre » s’est tenue du 10 au 16 octobre, à Nicosie. Il y a deux ans, jour pour jour, le Président chypriote inaugurait un « Centre Latin », en l’honneur des catholiques romains de l’île.


La présence huit fois centenaires des catholiques de rite latin à Chypre valait bien une exposition à Nicosie, la capitale de l’île. Si elle fut de trop courte durée (du 10 au 16 octobre), son objectif était large. Il s’agissait de « mettre en lumière la contribution historique de la communauté latine au patrimoine culturel, à l’éducation, aux arts, à la musique et au dialecte chypriotes, ainsi que sa contribution actuelle par le biais de ses écoles, de ses œuvres de bienfaisance et de ses institutions philanthropiques », indiquait un communiqué rédigé par Antonella Mantovani, la représentante officielle de la communauté latine au Parlement chypriote. Il faut savoir que sur l’île, après la création de la République de Chypre en 1960 (et membre de l’Union européenne depuis 2004), la communauté latine, ainsi que les communautés arménienne et maronite, ont été officiellement reconnues comme « groupe religieux », avec le droit d’avoir un représentant au Parlement. Il convient cependant de souligner que les trois représentants de ces « groupes religieux » ne représentent pas leurs communautés respectives sur le plan politique, mais agissent simplement comme un lien entre le gouvernement et leur communauté, promouvant leurs revendications et besoins, tout en collaborant avec le gouvernement pour la préservation de leurs coutumes, traditions et religion.

C’est dans ce cadre que l’exposition sobrement intitulée « Les Latins à Chypre » a été organisée par Demetris Syllouris, le président de la Chambre des Représentants, « pour soutenir le groupe latin de Chypre », indique le communiqué précité.

Il y a deux ans, à la même époque, pratiquement jour pour jour, le 12 octobre 2017, eut lieu l’inauguration du « Centre Latin » à Nicosie sous les auspices du président de la République de Chypre, Nicos Anastasiades. Le chef de l’Etat, dans une allocution, avait alors déclaré qu’il s’agissait « d’une demande de longue date et tout à fait juste de la part de la communauté latine que le gouvernement actuel [avait] réussi à satisfaire ». Le centre est situé près de la porte Famagouste et des remparts vénitiens de Nicosie, deux exemples de la présence historique des Latins à Chypre, avait tenu à souligner Antonella Mantovani. Ce lieu culturel a, depuis, vocation à offrir aux peintres, auteurs, poètes, historiens et autres artistes latins un espace pour présenter leurs œuvres. Le centre accueille également des expositions et des événements culturels pour promouvoir la visibilité de la communauté catholique latine sur l’île, ainsi que des événements organisés par ses associations et organismes de bienfaisance.

Un riche héritage

Si l’exposition de ces derniers jours « Les Latins à Chypre » ne s’est pas tenue au « Centre Latin », mais dans la salle gothique de la Castelliotissa à Nicosie,il n’en reste pas moins qu’elle a proposé un riche parcours jalonné de tableaux, de photos et d’objets, à la hauteur de l’héritage de la communauté latine sur l’île. Et ce n’est pas un hasard, si pour l’événement, l’Administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem a fait le déplacement sur l’île, placée sous la juridiction de son diocèse. De même, étaient présents Mgr Girelli, nonce apostolique en Israël et délégué apostolique à Jérusalem et en Palestine, mais aussi nonce apostolique à Chypre, ainsi que Mgr Youssef Soueif, archevêque des maronites sur l’île et du frère franciscain JerzyKraj, vicaire patriarcal latin à Chypre.

L’histoire des Latins à Chypre commence officiellement en 1196 au début de l’établissement du Royaume de Lusignan (1192-1489) quand le roi franc de Chypre, Amaury II, demanda au pape Célestin III d’établir une Eglise catholique de rite latin sur l’île. Naquit alors un archevêché à Nicosie et trois évêchés à Famagouste, Limassol et Paphos. Un certain nombre d’ordres religieux latins s’installèrent, laissant derrière eux une grande empreinte dans l’architecture de l’île : augustins, bénédictins, carmélites, chartreux, cisterciens, croisés, dominicains, franciscains, prémontrés, ainsi que les ordres religieux-militaires. Mais à la fin de la domination de Venise sur l’île (à partir de 1489), l’invasion ottomane en 1571 aboutit à la dissolution formelle de l’Eglise latine à Chypre.  En 1593, les franciscains de Terre Sainte obtinrent cependant du Sultan de la Sublime Porte le droit de retourner à Chypre. Un couvent franciscain dédié à saint Lazare fut donc fondé à Larnaca en 1593. Sous l’impulsion de la Congrégation pour la Propagande de la Foi (département de l’administration pontificale),le XVIIème siècle vit le rétablissement du clergé séculier latin sur l’île et l’installation en 1629, d’un évêché catholique à Paphos avec juridiction sur les églises latines et maronites. Les franciscains fondent à cette époque le Terra Sancta College en 1646.  A la fin du XVIIIème siècle, les capucins quittent l’île et au XIXe siècle, les sœurs françaises de l’ordre catholique romain Saint-Joseph de l’Apparition fondent un petit hôpital, une pharmacie et une école de filles (1844). Sous la période britannique (1878-1960), la petite communauté latine profite d’une certaine prospérité. L’école Saint-Joseph voit le jour à Nicosie en 1884, puis les écoles Terra Santa à Limassol (1923), Kormakitis (1936) et Famagouste (1952). L’indépendance de 1960 a ouvert une nouvelle ère pour les Latins de Chypre qui ont été reconnus, comme on l’a vu, en tant que « groupe religieux » dans la Constitution. La communauté latine a été impactée au moment de l’invasion militaire de la Turquie en 1974 où les membres de 30 familles de Nicosie, Famagouste, Kyrenia et Xeros (Denizli) sont devenues réfugiés. La célèbre abbaye de Bellapais, les écoles et couvents de Famagouste, Kormakitis, l’église Sainte-Elisabeth de Kyrenia, l’église Saint-Antoine à Kontea et la chapelle Sainte-Barbara de Xeros(Denizli) ont été saisies, tandis que le cimetière latin de Nicosie est depuis 1974 inaccessible, car adjacent à la ligne de cessez-le-feu.

Une publication datant de 2017 « The Latin of Cyprus » éditée par le Bureau de Presse et d’Information de la République de Chypre indiquait que la communauté des latins chypriotes compte actuellement quelque 2 300 personnes, dont environ 50% vivent à Nicosie, 35% à Limassol, 10% à Larnaka et 5% à Paphos et dans certains villages. En outre, la communauté compterait près de 8 500 citoyens de l’Union européenne résidant de manière permanente à Chypre, ainsi qu’environ 15 000 citoyens d’autres pays résidant à Chypre de manière temporaires, notamment beaucoup de migrants venant d’Asie, en particulier des Philippines, du Sri Lanka, de l’Inde.

Le Vicariat patriarcal latin de Chypre compte quatre paroisses : la paroisse Sainte-Croix à Nicosie, la paroisse Sainte-Marie des Grâces à Larnaca, la paroisse Sainte-Catherine de Limassol et la paroisse Saint-Paul à Pafos.

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