Cisjordanie : l’Autorité palestinienne impose le couvre-feu pour freiner l’épidémie
“Tous les citoyens sont désormais interdits de sortir de leur domicile après 22h”, a annoncé dimanche 22 mars le Premier ministre de l'Autorité palestinienne. Des mesures sanitaires strictes qui, bien que particulièrement contraignantes, ont suscité un regain de confiance des palestiniens envers leur Etat ces jours-ci.
Ce n’était qu’une question de jours, avant qu’il soit annoncé. Et au vu des circonstances sanitaires mondiales, il n’a pas dû surprendre grand monde. Le couvre-feu généralisé n’en demeure pas moins contraignant pour les habitants de Cisjordanie (zone des territoires palestiniens occupés), habitués depuis des années à être entravés dans leur liberté de mouvement.
“Tous les citoyens sont désormais interdits de sortir de leur domicile après 22h”, a déclaré dimanche soir Mohammad Shtayyeh, premier ministre de l’Autorité palestinienne (AP), dans une allocution télévisée donnée dans la ville de Ramallah.
Le couvre-feu a pris effet dès le 22 mars au soir, et s’étend sur une durée de deux semaines. Il doit permettre de freiner au maximum le développement de l’infection du coronavirus, qui, a rappelé le ministre, a déjà coûté la vie à des milliers de personnes à travers le monde.
Le 5 mars dernier, les autorités palestiniennes ont découvert les premiers cas d’infection à Bethléem, à 10 km au sud de Jérusalem. Le pays a rapidement tiré la sonnette d’alarme et annoncé l’État d’urgence sur l’ensemble du territoire. Depuis, les écoles, universités, théâtres, restaurants et centres commerciaux, ainsi que les salles de sport et tous les lieux de rassemblement, ont été fermés jusqu’à nouvel ordre, et les rues et places se sont vidées peu à peu.
L’Autorité palestinienne confirme à ce jour 59 cas de coronavirus, dont 2 dans la bande de Gaza – des palestiniens rentrés chez eux après avoir été victimes d’une infection au Pakistan.
Renforcement des mesures de sécurité
Indépendamment du couvre-feu, le premier ministre a également annoncé le déploiement des forces de sécurité à l’entrée et dans toutes les villes du territoire, ainsi que la mise en quarantaine, pour 14 jours et dans des installations prévues à cet effet, de toute personne revenant de l’étranger. Par ailleurs, une liste des lieux exemptés de quarantaine a été mise à jour, autorisant par exemple les établissements de santé, les pharmacies, les boulangeries et les supermarchés à rester ouverts.
Collaboration avec Israël
Enfin, le premier ministre de l’autorité palestinienne a appelé l’Etat d’Israël à fournir les conditions humanitaires nécessaire aux travailleurs palestiniens obligés de passer la nuit sur leur lieu de travail, en territoire israélien. L’occasion pour l’AP de rappeler les devoirs d’Israël “Nous appelons Israël, en tant que puissance occupante, à assumer ses responsabilités envers nos citoyens dans la ville de Jérusalem. De notre côté nous assumerons nos responsabilités envers nos citoyens là-bas. Nous tenons la puissance occupante responsable de la protection des prisonniers et nous demandons la libération immédiate des malades, des enfants et des femmes.
Compte tenu de la demande que nous avons adressée à nos citoyens de rester chez eux, nous demandons à nos familles vivant dans les terres de 1948 de ne pas se déplacer entre les territoires palestiniens et/ou dans leur lieu de résidence à l’intérieur des terres de 1948”.
Le porte-parole du gouvernement de l’AP, Ibrahim Milhem, a également expliqué qu’Israël et les Palestiniens « se coordonnaient à un haut niveau pour [éloigner la pandémie] de nous, d’eux et du monde entier ».
Une réaction inattendue
De manière surprenante, la gestion de la crise du coronavirus par les autorités palestiniennes a suscité de nombreuses réactions positives, ces dernières semaines, au sein de la communauté palestinienne. De nombreux palestiniens soulignent ainsi leur fierté à l’égard de l’engagement et de la compétence de l’AP, qui, en temps normal, est d’avantage pointée du doigt pour son inaction. Ainsi de George Zeidan, jérusalemite et co-fondateur de l’organisation sportive Right to Movement, qui écrit dans une colonne du journal Haaretz :
« Comme la plupart des Palestiniens, je suis généralement sceptique, voire dubitatif, sur la façon dont l’Autorité palestinienne gère notre vie quotidienne en Cisjordanie, notamment nos besoins courants. Mes attentes n’étaient pas vraiment différentes en ce qui concerne le coronavirus. Mais – jusqu’à présent – l’AP et ses fonctionnaires nous offrent un exemple différent, bien plus capable, qui pourrait même contribuer à restaurer la confiance des Palestiniens en eux ».
Il conclut : « J’espère que l’Autorité palestinienne ira plus loin dans ce vote de confiance provisoire : elle doit comprendre que lorsqu’elle est transparente avec le public et qu’elle agit pour le bien commun, nous nous rallierons à elle ».