Un coup de feu, un lancer de pierre fatal, un coup de poignard mortel dans la poitrine. Et puis plus rien. Ainsi s’en vont les victimes du conflit israélo-palestinien : arrachées à la vie par la violence, ne laissant qu’une douleur aveuglante à leurs proches. Une douleur que de nombreux Israéliens et Palestiniens ont voulu partager lors de la quinzième édition de la cérémonie israélo-palestinienne du jour du Souvenir le soir du lundi 27 avril.
L’initiative a lieu depuis 15 ans à la date à laquelle Israël commémore Yom HaZikaron, le Jour du Souvenir des morts au combat et des victimes du terrorisme. Elle a pour but de raconter toutes les histoires des victimes du conflit, y compris celles des Palestiniens, « en partageant la douleur et en apportant l’espoir », comme le dit le slogan choisi pour cette année.
L’événement, qui a réuni en 2019 des milliers de personnes à Tel Aviv, s’est déroulé exclusivement en ligne cette année, en raison de l’état d’urgence sanitaire. Malgré les difficultés, les organisateurs ont enregistré un nombre record avec environ 170 000 connexions pour le direct sur Internet.
Douleur partagée
Cette édition a émané des deux organisations Combatants for Peace (Combattants pour la Paix) et The Parents Circle Families Forum (le Forum des familles israéliennes et palestiniennes unies par le deuil), composées d’ex-combattants et de familles ayant le même poids à porter : la mort d’un proche à cause du conflit.
Lors de l’événement en ligne, deux leaders, connectés depuis Tel Aviv et Ramallah, ont présenté des témoignages en arabe et en hébreu. Hagai Yoel, du kibboutz Ramat Rachel, a relaté le meurtre de son frère Eyal en 2002 à Jénine, lors de l’Opération Rempart. Tal Kfir, de Jérusalem, a parlé de la perte de sa sœur Yael en 2003 à la suite d’une attaque terroriste à Tsrifin. Yusra Mahfoud, du camp de réfugiés d’Al-Arroub près d’Hébron, a partagé l’histoire de la mort de son fils Ala’, 14 ans, tué par balle par des soldats israéliens en 2000. Yacoub al-Rabi, originaire du village de Bidya, a rapporté avec émotion les derniers moments de la vie de sa femme, Aïcha, abattue il y a deux ans par une pierre lancée par des colons israéliens.
Se rencontrer sur le web
Ce sont des histoires de désespoir, qui ont conduit chacun à affronter la colère puis à la nécessité d’aller de l’avant. « J’ai rencontré des gens qui partagent ma propre douleur », a déclaré Yusra. « La réconciliation vaut mieux que la vengeance », a déclaré Tal. « Je n’ai jamais été combattant, je n’ai jamais pris part à cette bataille, mais nous perdons tous des victimes de ce conflit », a expliqué Yacoub. Je crois alors que si ce sont les hommes qui l’ont lancé, ce sont les humains qui doivent l’arrêter. »
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Après la cérémonie, il a été possible d’avoir un dialogue plus étroit avec dix autres proches de victimes du conflit israélo-palestinien, par le biais de groupes sur l’application Zoom auxquels plus de 500 personnes se sont connectées en même temps. Parmi eux, Gili Meisler, un Israélien qui a perdu son frère Giora lors de la guerre de Yom Kippour en 1973.
« Beaucoup me demandent si je crois que la paix viendra un jour entre Israéliens et Palestiniens », a déclaré Gili. Je dis oui, car si nous regardons l’histoire, cela s’est déjà produit pour d’autres conflits. Cela arrivera. Et personne ne me convaincra que le conflit israélo-palestinien est quelque chose de différent. »
La cérémonie israélo-palestinienne du Jour du Souvenir a également été diffusée l’année dernière à Gaza par le militant Rami Aman, arrêté le 9 avril 2020 par le Hamas et emprisonné avec six autres militants, membres du Comité de la jeunesse de Gaza (Gaza Youth Comittee), une organisation qui a récemment rejoint l’Alliance pour la paix au Moyen-Orient – Allmep (Alliance for Middle East Peace).
Le jeune Gazaoui serait accusé d’avoir mené des activités de « normalisation » pour avoir participé à un appel vidéo au cours duquel il a raconté à certains Israéliens la vie à Gaza à l’heure du Covid-19. Pour Rami Aman et les six autres militants, Allmep a lancé un appel sur le Net, afin que la communauté internationale puisse intervenir en obtenant leur libération.
Du côté israélien
En Israël, les célébrations officielles de la Journée du Souvenir pour les victimes de la guerre et les victimes du terrorisme ont commencé le lundi 27 mars, lorsque les sirènes ont sonné pendant une minute à travers le pays à 20h. Une cérémonie a ensuite eu lieu sur la place devant le Mur occidental (Mur des Lamentations) à Jérusalem, habituellement très fréquentée, mais qui cette année n’a vu que la participation des autorités.
En raison des restrictions, de fait, les citoyens israéliens n’ont pas l’autorisation de quitter leur domicile sans raison valable et les cimetières ont également été fermés, pour empêcher les rassemblements et les déplacements. Prenant la parole, le président Reuven Rivlin a exprimé sa proximité avec les citoyens : « Cette année, nous ne pouvons pas pleurer ensemble, mais nous nous souviendrons des deux promesses qui sous-tendent l’alliance d’Israël : construire une vie acceptable, sereine et sûre pour nos enfants, mais aussi la promesse de les ramener à la maison à tout prix, même ceux qui ne sont pas rentrés du combat. »
Selon le ministère de la Défense, 23 816 personnes ont été tuées à la guerre (le décompte commence à partir de 1860) et 4 166 autres ont été victimes du terrorisme.
Les sirènes ont de nouveau sonné à 11h, mardi matin à travers le pays. Une autre cérémonie spéciale a eu lieu au cimetière du mont Herzl en l’honneur des morts tombés au combat. Au coucher du soleil, les Israéliens sont entrés dans une autre journée importante, Yom haAzmaut, en mémoire de mai 1948, lorsque David Ben Gourion a lu la déclaration d’indépendance d’Israël.