Ma nishtana ? Qu’est-ce qui est différent ?
Popopo… Vous vous souvenez de mon dernier billet d’humeur ? J’avais tergiversé pour savoir si le précédent numéro de TSM devait ou non porter le chiffre 666, avec cette conclusion : « Il ne faut pas être superstitieuse, ça porte malheur ».
En recevant le magazine durant le confinement, certains lecteurs m’ont écrit – non sans sourire – que de fait, j’aurais pu m’abstenir… Beaucoup d’autres ont vu dans sa lecture une belle respiration dans ce moment particulier.
Il n’y a pas que les chrétiens qui ont souffert du manque de célébrations pour les fêtes de Pâques. Les juifs aussi ont vécu leur plus grande fête de l’année et le repas pascal confinés. Lors du Seder, comme l’appelle l’hébreu, les juifs lisent le récit de la libération d’Égypte. La lecture de la Haggadah est précédée de quatre questions qui commencent toutes par ces mots : « Ma nishtana halaila hazeh mikol haleilot ? Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? » Comptez sur l’humour juif pour avoir, cette année, fait ses choux gras de cette question !
S’agissant de la Pâque qui célèbre la résurrection de Jésus, je me suis interrogée dans les mêmes termes le Samedi saint. Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? Mais était-elle cette année si différente, cette nuit ?
Bien sûr nous ne pouvons pas nous rendre à la messe, donc nous retrouver ce qui constitue l’essentiel de l’Église (ekklesia) qui signifie l’assemblée, ce qui est nécessaire à la communion, c’est-à-dire au fait d’être ensemble, ce qui par conséquent nous empêche de communier au même pain. Le jeûne eucharistique me travaille au point que j’en rêve. Mais j’aime ce que cela creuse en moi, même si cela m’arrache pas mal de certitudes.
J’ai regardé ces images que nous publions sur la basilique du Saint-Sépulcre vide, durant les célébrations. Ma nishtana ? Qu’est ce qui est différent ? Nous pourrions apporter des quantités de réponses.
Et à la fois, je ne peux m’empêcher de leur trouver une certaine beauté car elles traduisent aussi une forme de permanence rassurante. Mais surtout la permanence suprême. La Terre Sainte et ses habitants vont avoir bien des défis à saisir dans les mois et peut-être les années qui viennent pour se relever du rude coup qui vient de les frapper.
Mais le sépulcre est là et il est toujours vide. Un peu plus vide cette année, mais dans la basilique de la résurrection, depuis 1700 ans, ce vide nous provoque pour nous envoyer annoncer que le Christ a vaincu la mort et que lui « Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, (qu’)il l’est pour l’éternité » (Hé 13, 8).