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Le trésor de Khalidi

Federica Sasso
26 juin 2017
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Entrée de la bibliothèque Khalidi, surplombée de son enseigne, au cœur de la vieille ville de Jérusalem.

A la découverte de l'une des perles de la vieille Jérusalem : la bibliothèque de la famille Khalidi, renfermant son patrimoine de précieux volumes. Fermée depuis 1967, elle a récemment rouvert ses portes aux étudiants.


Dans le quartier arabe de la vieille ville de Jérusalem, à quelques pas du Mur des Lamentations et de l’Esplanade des Mosquées, se trouve un bâtiment de deux étages qui passe inaperçu. S’il n’y avait pas une plaque verte en arabe et en anglais, la bibliothèque Khalidi serait presque introuvable dans les ruelles et les escaliers de pierre.

Mais derrière le portail en fer forgé se trouve la plus importante collection privée de manuscrits de Palestine, l’une des plus grandes du monde arabe. La bibliothèque fondée par la famille Khalidi en 1900 compte plus de 2 000 textes manuscrits : des commentaires coraniques ou des manuels sur le droit musulman, mais aussi des traités de philosophie et de théologie.

« Certains manuscrits remontent au Xe siècle, d’autres ont été compilés à la fin de la période ottomane, mais nous avons aussi des textes écrits dans d’autres langues, comme les 25 volumes en persan. » Khader Salameh est le bibliothécaire responsable de la collection et souligne que l’une des caractéristiques de cette bibliothèque est qu’elle est la première à avoir été ouverte au public à Jérusalem. « Et c’est une femme, Khadija al-Khalidi, qui a donné la somme nécessaire pour rassembler en un seul endroit les textes recueillis par les membres de la famille au fil des siècles ». Grâce à elle, en 1899, son neveu Hajj Raghib al-Khalidi a créé un waqf, fiducie publique pour payer la tutelle des manuscrits à perpétuité. Ainsi, ils ne pourront jamais être vendus et resteront à la disposition de la communauté.

Hasem Khalidi est l’un des trois gardiens du waqf qui s’occupent des biens de la famille, parmi lesquels le bâtiment qui abrite la bibliothèque et ceux qui donnent sur la rue. Tout en égrenant un chapelet blanc, il retrace l’histoire de ses ancêtres. « Notre famille a toujours vécu dans cette région. Selon les sources que nous avons pu trouver, il semble que les Khalidi soient présents à Jérusalem depuis le VIIe siècle, sauf durant la période qui a suivi les invasions des Croisés, où ils ont été contraints de quitter la ville ».

Depuis des générations, les hommes de la famille ont été enseignants ou juges liés aux madrassas (écoles religieuses musulmanes – ndlr) de Jérusalem, et dans les siècles plus récents, il y a également eu des fonctionnaires de l’Empire ottoman. Il y a environ 300 ans, ils ont commencé à acheter des manuscrits de valeur, mais parmi les textes faisant partie de la collection, il y a aussi des lettres personnelles, écrites en arabe, en anglais et en français. Le Dr Salameh explique que grâce à cette correspondance « nous pouvons en apprendre davantage sur les dynamiques sociales au cours des empires ottoman et britannique ».

Les manuscrits les plus anciens, eux, sont une source précieuse pour se faire une idée du tissu socioculturel de Jérusalem au fil des siècles. « La bibliothèque conserve des manuscrits vieux de 1 000 ans, comme la version originale d’un poème écrit en l’honneur de Saladin. Ces textes nous permettent de comprendre comment les cultures sont entrées en contact grâce aux livres : par exemple avec un texte écrit en Inde puis traduit en Irak ».

D’après Khader Shihabi, un archiviste de Jérusalem qui a étudié la conservation à l’Institut d’Art et de Restauration de Florence, l’une des choses les plus précieuses de la bibliothèque est la diversité des sujets abordés dans les essais. « De nombreuses collections palestiniennes comprennent des interprétations coraniques ou des textes théologiques. Nous avons également de beaux volumes consacrés à la nature, à la musique ou à la médecine, des livres illustrés décrivant différentes espèces animales. La religion n’est pas tout ! »

Dans le patrimoine, il y a aussi des livres en or laminé, avec une calligraphie élaborée et qui sont ornés de géométries colorées. La famille Khalidi n’a pas les fonds nécessaires pour une véritable opération de restauration, mais elle prend soin de les préserver et d’éviter leur détérioration.

« Nous avons la chance d’être encore en possession de nos volumes », explique Hasem Khalidi. « Pendant les combats de 1948 (qui ont suivi la fondation d’Israël – ndlr), de nombreuses bibliothèques palestiniennes ont été perdues ou détruites. Depuis 1967, après la guerre des Six Jours, la bibliothèque est restée fermée. En 2015, elle a rouvert au public et maintenant la famille a décidé de restaurer les espaces pour offrir un service non seulement à la communauté des universitaires et des chercheurs, mais aussi à toute personne qui passe en vieille ville et souhaite en franchir le seuil. « Nous avons numérisé le catalogue et pour l’instant nous sommes ouverts à toute personne qui demande à consulter un texte », explique Khader Salameh. L’objectif est de revenir à un fonctionnement à plein régime le plus rapidement possible. Khader Shihabi pense avant tout aux jeunes Palestiniens, qui pourront ici « goûter un peu de l’histoire de Jérusalem ».

 

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