En difficulté financière, le musée d’art islamique de Jérusalem vend une partie de sa collection
Le musée a mis aux enchères plus de 200 pièces d’une collection unique pour combler les trous de sa trésorerie. Annulée précipitamment fin octobre, la vente qui devait de tenir le 25 novembre, a de nouveau été suspendue par la Cour Suprême israélienne qui cherche à protéger un important capital culturel.
Aux grands maux, les grands remèdes ? Alors qu’il se dit pris à la gorge financièrement, le musée L.A Mayer d’art islamique de Jérusalem, qui héberge l’une des plus importantes collections d’art islamique au monde, a mis aux enchères, fin octobre, une partie des trésors dont il recèle. Parmi les 268 objets précieux présentés chez Sotheby’s à Londres, on retrouve par exemple une page issue d’un Coran presque millénaire, un splendide tapis turc, ou encore une rare horloge Breguet en or.
Les enchères, controversées, devaient initialement se dérouler les 27 et 28 octobre. Mais craignant de voir une partie de son patrimoine culturel dilapidée, le gouvernement israélien a bloqué la vente, contraignant ses organisateurs à la déprogrammer à la dernière minute. Grand connaisseur de la culture islamique, le président d’Israël Reuven Rivlin a estimé que la « valeur et l’importance de la collection dépassaient sa valeur monétaire », et appelé à éviter «la vente de ce capital culturel» israélien, relate Times of Israel.
Éviter la faillite
Reportée au 25 novembre, la vente a de nouveau été suspendue, cette fois par la Cour Suprême israélienne. Saisie la semaine dernière par l’association Hashava, qui s’occupe de la récupération des œuvres d’art spoliées pendant la Shoah, la Cour recommande au musée, à Sotheby’s et au ministère de la culture de négocier la tenue d’une vente plus limitée.
La mise aux enchères de ces chefs d’œuvres doit, selon les estimations, rapporter entre 4,13 millions et 6,1 millions de dollars à un musée sous pression financière depuis plusieurs années. La situation s’est aggravée avec la crise sanitaire. La vente, planifiée il y a deux ans, est cruciale pour éviter la faillite.
« Si nous n’agissons pas maintenant, nous devrons fermer dans cinq à sept ans. Objectivement, je sais que cette vente c’est la bonne chose à faire. Mais je le vis comme si je donnais mes enfants quelqu’un d’autre », confiait Nadim Sheiban, le directeur du musée, au Financial Times. Il plaise que les objets destinés à la vente étaient conservés en réserve depuis longtemps, ou similaires à d’autres pièces de la collection.
Tolérance et dialogue interculturel
Les montants récoltés permettraient une « survie à long terme et le maintien des programmes éducatifs », ajoute le directeur. Le musée propose notamment des cours d’arabe, qui attire une foule de gens, et Nadim Sheiban a encouragé son personnel à apprendre la langue de l’autre, pour aider à faire tomber les barrières.
Les principes de tolérance de Nadim Sheiban sont fidèles à la fondatrice du musée, Vera Bryce Salomons. Descendante d’une riche famille juive britannique, Vera Salomons était une femme d’art et de vision. Passionnée d’art islamique, elle entreprend, dans les années 1960, la constitution de sa propre collection. Elle a fait appel à l’historien de l’art Richard Ettinghausen, qui l’aide à acheter des pièces importantes, notamment des textiles, des manuscrits, des céramiques et des armures. Elle parvient à réunir plus de 5 500 objets qui couvrent le monde musulman du VIIe au XIXe siècle dans un musée qui est toujours financé par son legs original.
Le musée ouvre ses portes en 1974, cinq ans après la mort de Vera Salomons, dans la partie juive de Jérusalem. Soucieuse de construire des ponts entre Juifs et Palestiniens à Jérusalem, « elle a œuvré pour la paix et la propagation d’une compréhension mutuelle et de la tolérance dans la région », souligne Heidemarie Wawrzyn, auteure d’une biographie à son sujet. Un dialogue interculturel qu’Israël cherche aujourd’hui à préserver.