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Les enfants de Gaza font face à la Covid

Giulia Ceccutti
3 février 2021
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Deux enfants dans une aire de jeux du village d’Um Al Nasser. ©Vento di Terra

Le Fonds des Nations unies pour l'enfance photographie la détérioration de la situation des enfants dans la bande de Gaza aux prises avec le coronavirus. De timides signes d'espoir issus des efforts d'ONG telles que Vento di Terra et Caritas.


Quelles conséquences la pandémie de coronavirus SRAS Cov-2 a-t-elle eu sur la bande de Gaza ? Un récent rapport de l’Unicef prend en considération les répercussions sur les citoyens les plus jeunes.

Selon ce document, le travail des mineurs a connu une augmentation significative, en raison des conditions économiques de plus en plus précaires des familles et de la difficulté pour les élèves de suivre des cours à distance (proposés par des écoles fermées pour enrayer la contagion) ; cela, à cause des fréquentes coupures de courant dans les foyers et de l’accès limité aux équipements informatiques. La demande de services d’aide aux mineurs engagés dans diverses formes de travail a augmenté de 52%.

Fragiles, vulnérables, exposés

L’impact sur le bien-être psychologique des enfants et des jeunes est également profond, comme en témoigne l’augmentation de 56% des conseils et des services fournis par les spécialistes de la santé mentale. Au cours des sept premiers mois de 2020, on a également constaté une augmentation des cas de violence et d’abus au sein du foyer contre les enfants, en particulier ceux qui sont porteurs de handicap : on en a recensé 9 051, contre 6 477 cas pour la même période en 2019. Chez les filles, on constate une forte augmentation des tentatives de suicide : 38 entre janvier et juillet (5 à la même période en 2019).

Les enfants de Gaza – déjà mis à rude épreuve en ayant grandi dans un contexte de conflit et de fragilité – paient donc un lourd tribut à cause de la pandémie. Les causes sont multiples et interconnectées.

Les restrictions de mouvement, l’accès limité aux services de santé, combinés à l’insécurité à tous les niveaux (social, politique et économique), perpétuent les cycles de tension au sein des familles – pendant des années très tendues et confinées dans des espaces relativement réduits – et augmentent le risque de violence et d’abus.

Toujours selon l’Unicef, il existe une catégorie d’enfants qui, aujourd’hui, dans la bande de Gaza, souffrent plus que d’autres : ce sont les détenus. Le rapport souligne d’une part la difficulté de trouver des données exhaustives (en raison du nombre limité d’organisations sur le terrain capables d’entrer en contact direct avec ces jeunes), et d’autre part l’extrême vulnérabilité de ces jeunes. « Ils sont souvent exclus des services, en particulier ceux de l’assistance et des conseils juridiques, et sont donc davantage exposés aux abus », souligne-t-on.

L’engagement de Caritas Jérusalem

« 20% de la population de la bande de Gaza sont des enfants de moins de cinq ans. Avant même la propagation de la Covid-19, ils souffraient de malnutrition chronique. Il faut considérer que 75% des enfants de moins d’un an sont anémiques. L’anémie est le résultat d’une grave insécurité alimentaire : la malnutrition réduit l’immunité des jeunes enfants, les rendant vulnérables à l’infection par la Covid-19 ». C’est le point de départ du Dr Jehad Elhissi, consultant pour Caritas Jérusalem, que nous avons contacté à Gaza.

Le médecin ajoute que, selon les estimations officielles, fin janvier, 16 548 enfants étaient en quarantaine dans la bande de Gaza parce qu’au moins un membre de leur famille était contaminé. Parmi les conséquences directes de la pandémie, le médecin cite la perte de l’un des parents (souvent le principal soutien de famille) et les cas où un membre de la famille, touché par des complications du virus, reste handicapé, ce qui complique encore l’équilibre familial.

Unités de soins à domicile

Nous avons demandé au Dr Elhissi de nous parler du dernier projet, lancé début janvier par Caritas Jérusalem (active depuis mai dernier à Gaza en première ligne contre le virus) en collaboration avec le ministère local de la santé. L’intervention fait appel à sept équipes médicales mobiles. Chaque équipe est composée d’un médecin, d’une infirmière et d’un chauffeur, et peut compter sur le soutien du personnel du centre de santé Caritas. « Nous nous occupons – explique le Dr Elhissi – des soins à domicile pour les patients atteints de Covid-19, afin de soulager la pression sur les hôpitaux et d’endiguer la propagation du virus. Nous assurons une couverture 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous œuvrons dans tout le gouvernorat de Gaza, où vit environ un tiers de la population (deux millions de personnes réparties sur 360 km² et cinq gouvernorats – ndlr). Parfois, nous répondons également aux appels d’autres gouvernorats ».

Les équipes visitent les foyers, évaluent dans quelle mesure les personnes contaminées peuvent être maintenues isolées ou orientées vers les centres de quarantaine du ministère de la Santé, administrent des médicaments, surveillent le niveau d’oxygène des malades et, si nécessaire, procèdent à leur hospitalisation. En cas d’aide aux familles non contaminées, ils fournissent des kits d’hygiène et facilitent la distribution de tests antigéniques.

« Le personnel de ces équipes – conclut le Dr Elhissi – travaille en première ligne dans des situations très risquées. Grâce à une bonne formation et au professionnalisme du personnel lui-même, jusqu’à présent, heureusement, aucun d’entre nous n’a été contaminé ».

Des lueurs d’espoir depuis Um Al Nasser

Une autre voix qui représente un exemple vertueux, vient du village d’Um Al Nasser, la seule municipalité bédouine de Gaza, dans la zone nord de la bande, près du passage d’Erez. « La région se trouve dans une zone tampon exposée à un risque constant de bombardements (israéliens – ndlr) et avec un passé de nombreuses démolitions de bâtiments », explique au téléphone Francesca Forte, contact de l’ONG Vento di Terra pour les activités avec les enfants et les femmes à Gaza. « La santé psychophysique des enfants dans cette région est mise à rude épreuve par le contexte de pauvreté, de chômage, de crise prolongée et de violence structurelle, auquel s’ajoutent les difficultés de la pandémie ».

Dans le village, il n’y a qu’un seul centre capable d’offrir un soutien psychologique et social aux mères et aux familles, ainsi que des services éducatifs : le Centre des femmes de Zeina, une petite ONG locale qui, grâce au soutien de Vento di Terra, a distribué des kits d’hygiène et de santé pour contenir le virus. Un matériel très précieux pour les familles les plus vulnérables d’Um Al Nasser.

Zeina est la directrice de l’école maternelle Terra dei Bambini. La coordinatrice Fatima Abu Rashed a décrit les derniers mois du point de vue des enfants : « La fermeture de la maternelle n’a pas été facile pour la plupart des enfants. Ils n’étaient pas prêts à rester à la maison si soudainement. Personne n’était préparé à cette crise. Il leur était difficile de se séparer de leurs camarades de classe et de leurs maîtresses. De nombreuses mères nous ont dit qu’elles pleuraient souvent. Malheureusement, rester chez soi, ici, signifie aussi devoir faire face à un manque de ressources et de matériel pour les activités éducatives à domicile ».

La crise sanitaire, cependant, « a également été l’occasion de nouvelles stimulations et idées », souligne Fatima. Les enseignants du jardin d’enfants et les assistantes sociales de Zeina ont développé un petit projet – intitulé « Apprenons à la maison » – qui a impliqué certaines mères de la communauté « pour les soutenir dans le développement d’activités éducatives à la maison et les accompagner vers la réouverture du jardin d’enfants ».

Autant de petits signes d’espoir, en attendant que la situation – au moins en partie – s’améliore.

 

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