Symbolique et significatif. « Ceux qui ont planifié et exécuté un génocide n’ont pas leur place dans les noms de rue », a déclaré le 19 janvier un porte-parole de la municipalité chypriote de Paphos, au Cyprus Mail.
De fait, le conseil municipal de cette ville située sur la côte occidentale de Chypre a décidé le même jour, à l’unanimité, de retirer le nom de « Talaat Pacha » comme nom de rue et a décidé à la majorité de renommer la voie en question « rue de la Justice ».
Mehmed Talaat (1874-1921), connu sous le nom de Talaat Pacha, est considéré comme ayant été le principal organisateur du génocide arménien. Comme ministre de l’Intérieur de l’Empire ottoman jusqu’en 1918, il a ordonné la déportation et le massacre des minorités, principalement des Arméniens (1,2 à 1,5 millions de morts), des Assyriens (entre 500 000 à 750 000 morts) et des Grecs pontiques (350 000 morts). Ces derniers sont les populations hellénophones originaires du pourtour de la mer Noire, le Pont-Euxin dans l’Antiquité. La République de Chypre a officiellement reconnu ce génocide et a déclaré en 1994, le 19 mai comme date commémorative.
« La lutte que nous menons pour la justice à Chypre est un élément qui doit unir les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs à ce stade historique. Il est à noter que de nombreux intellectuels et progressistes chypriotes turcs et Turcs [ndlr : de Turquie] décrivent également Talaat Pacha comme un homme politique horrible et un homme impitoyable », lit-on sur la page Facebook de la municipalité.
Un message fort à la communauté internationale
« Grâce à l’étude des faits historiques, le rôle de premier plan de Talaat Pacha dans la planification et l’exécution de ces génocides est documenté », a déclaré la municipalité dans son communiqué. Et par le changement de nom – les panneaux de signalisation devraient bientôt être modifiés – le conseil municipal qui s’est dit « conscient du poids de sa responsabilité devant les générations présentes et futures », a déclaré vouloir ainsi « envoyer un message fort à la communauté locale et à la communauté internationale ». Prenant sa décision après avoir examiné une demande de membres des Communautés arméniennes et des Grecs pontiques de Paphos.
Le Comité national arménien de Chypre n’a pas manqué de remercier le maire, Feton Fetonos, et le Conseil municipal de Paphos. « Notre Comité, pour la première fois, a examiné la question du changement de nom de la rue lors de sa session du 14 juillet 2020, où il a jugé humiliant que le nom de l’organisateur du génocide arménien ait été honoré ». A noter d’autre part, qu’à l’occasion du 100e anniversaire du génocide arménien, le Parlement chypriote avait ratifié un projet de loi criminalisant la négation du génocide.