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Gestes anti-chrétiens : l’Eglise orthodoxe monte au créneau

Christophe Lafontaine
9 février 2021
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Le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem Théophilos III lors des célébrations de Noël. Bethléem, 6 janvier 2021. Photo Wisam Hashlamoun / FLASH90

L’église orthodoxe roumaine à Jérusalem a été prise pour cible la semaine dernière. Le patriarche grec-orthodoxe lance un appel à la communauté internationale afin de mettre fin aux attaques « d’extrémistes israéliens ».


Les dégâts sont en soi limités mais c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’église roumaine orthodoxe Saint-Georges, à 10 minutes à pied au nord de la vieille ville, dans le quartier de Musrara, a été victime la semaine dernière d’une tentative d’intrusion et de dégradations. Une séquence vidéo montre notamment un malfrat cognant sur l’une des portes d’entrée avec ce qui ressemble à un pavé de pierre ou une bûche de bois. Il a détruit au moins une caméra de vidéosurveillance qui l’a filmé et a fait sauter la serrure, et abîmé une croix sur la porte.

Le 5 février, Théophile III, patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, a condamné dans un communiqué « cette attaque commise par un extrémiste israélien ». Acte communément rangé dans la catégorie de ce qu’on appelle les « crimes de haine ».

L’église visée est la représentation à Jérusalem de l’Eglise orthodoxe roumaine dont le siège est à Bucarest en Roumanie. Le patriarche Théophile III l’a qualifiée dans son communiqué d’ « Eglise sœur ». Un terme qui n’est pas anodin quand on sait que le Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem avait rompu la communion eucharistique avec le Patriarcat de Roumanie en mai 2011 après que ce dernier ait construit une église et une guest-house à Jéricho sans la bénédiction du premier. Le problème a été résolu et la communion a été rétablie deux ans plus tard en 2013.

Cet incident intervient quelques semaines après qu’un incendie criminel a été déclenché en décembre dans l’église catholique de Gethsémani. L’église roumaine Saint-Georges, quant à elle, avait déjà été victime en mai 2014 de dommages. Ce sont loin d’être les premières attaques. Il s’agit d’une longue série de crimes commis depuis une bonne dizaine d’années.

« Une augmentation alarmante »

« Les attaques extrémistes israéliennes contre les églises et les mosquées [ndlr : cliquer ici et ] de Jérusalem sont en augmentation alarmante », a déclaré le patriarche Théophile III dans son communiqué de vendredi dernier. Pour lui il s’agit d’une attaque « qui reflète l’étendue de la haine des extrémistes israéliens pour la religion chrétienne en général. » Souvent les coupables ne sont pas retrouvés, et rarement traduits en justice. L’Eglise catholique s’en est souvent plainte et a plusieurs fois appelé les autorités civiles et de sécurité de l’Etat à assumer leurs responsabilités tant en matière d’éducation que de sécurité.

Le Patriarche grec-orthodoxe dans la même ligne a vivement pointé du doigt « l’incapacité des autorités officielles » à faire face à ces attaques et a dénoncé « leur tolérance » à l’égard de leurs auteurs. Ce qui conduira, selon Théophile III, à « alimenter d’autant plus le conflit dans la Ville Sainte, et l’éloignera davantage de la réalisation de la paix et de la stabilité ».

Un appel à la communauté internationale

Dans son communiqué, le chef de l’Eglise grecque-orthodoxe à Jérusalem a exhorté la communauté internationale à « intervenir » pour ouvrir « un dialogue » avec le gouvernement israélien. Avec un seul but, mettre un terme à ce type d’attaques ainsi qu’aux « tentatives continues des groupes extrémistes israéliens de changer le caractère pluriel de la ville de Jérusalem par la force en intimidant les fidèles chrétiens et musulmans, en attaquant les religieux, en écrivant des graffitis haineux sur les murs et les portes des églises et des mosquées ».

Il n’a ainsi pas manqué de faire référence aux « tentatives hideuses de contrôler les propriétés de l’Eglise comme en témoignent les initiatives des groupes radicaux israéliens de s’en prendre aux propriétés de l’Eglise orthodoxe à la porte de Jaffa à Jérusalem, en particulier l’Imperial Hotel et le Petra Hotel et d’autres biens immobiliers, en utilisant des méthodes tordues et des accords de corruption remplis de pots-de-vin, d’extorsion et de pressions illégitimes ».

Le Patriarcat est de fait plongé dans des batailles juridiques depuis plus de 15 ans pour protéger ses propriétés des appétits fonciers d’Ateret Cohanim, une organisation juive nationaliste désireuse, via le rachat de maisons palestiniennes, de « judaïser » la vieille ville de Jérusalem et d’en réduire la présence de non-juifs.

Quand la mémoire d’Amos Oz est convoquée

Le Patriarcat orthodoxe roumain par la voix de son porte-parole Vasile Bănescu a également réagi et condamné l’acte de vandalisme, et a appelé au dialogue, en tant que « signe de maturité et d’aristocratie morale », en reprenant les mots d’Amos Oz écrits dans « Comment guérir un fanatique. » L’écrivain laïc, classé à gauche, est décédé l’an dernier, laissant derrière lui une œuvre engagée dans laquelle il a notamment condamné le fanatisme des « Price Tags » (Prix à payer) contre les églises et les mosquées de Terre Sainte.

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