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Quid des quotas chrétiens aux élections palestiniennes ?

Christophe Lafontaine
8 mars 2021
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Législateurs palestiniens au Conseil législatif de Ramallah, un an après les dernières élections législatives de 2006 © Ahmad Gharabli / FLASH90

Pas moins de 7 sièges sur 132 seront attribués à des chrétiens dans le futur parlement monocaméral palestinien, a annoncé il y a 15 jours Mahmoud Abbas. Mais cette question des quotas divise les concernés.



Le président palestinien Mahmoud Abbas a promulgué le 20 février dernier un décret précisant les modalités des prochaines élections législatives palestiniennes. Il y est notamment stipulé, a relayé l’agence de presse palestinienne Wafa, que soit attribué « un minimum de sept sièges aux chrétiens palestiniens dans le prochain Conseil législatif palestinien. » Soit au moins deux de plus qu’actuellement.

Les élections législatives palestiniennes sont prévues le 22 mai prochain. Ce n’était pas arrivé depuis 15 ans. Elles interviennent après la reprise des rapports entre les deux principales organisations palestiniennes, le Fatah en Cisjordanie – le parti laïc d’Abbas – et le Hamas – mouvement islamiste – qui contrôle la bande Gaza. Le successeur de Mahmoud Abbas sera quant à lui désigné à l’issue des élections présidentielles du 31 juillet prochain.

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Les premières élections législatives palestiniennes ont eu lieu en 1996. C’est pendant les négociations des Accords d’Oslo qu’Israël et l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) se sont entendus sur la mise en place d’un parlement à une chambre. 

En choisissant d’instaurer des quotas, Mahmoud Abbas suit « une tradition établie par le dirigeant palestinien Yasser Arafat », explique Al-Monitor. Lors des élections de 1996, le nombre total de parlementaires était de 88 et les chrétiens palestiniens avaient reçu la garantie de six sièges, soit 7%. En 2006, lorsque la taille du Conseil législatif palestinien a été réhaussée à 132 sièges, le quota de chrétiens n’a cependant pas changé, ramenant le pourcentage à 4,5%.

La décision récente de Mahmoud Abbas d’augmenter le quota à sept sièges au minimum pour les chrétiens signifie qu’ils représenteront 5% du Conseil. Ce qui n’est pas rien quand on sait que les chrétiens vivant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza représentent une minorité d’un peu plus de 1% de la population palestinienne. Chiffres issus d’un rapport publié en février 2018 par le Bureau central palestinien des statistiques. Mais face aux quotas, les Palestiniens de confession chrétienne sont partagés.

Mérite versus quotas, pour les uns…

Dans un article du Religion News Service (RNS), Hanan Ashrawi (74 ans), chrétienne et figure emblématique et encore récente de la vie politique palestinienne – elle a dernièrement démissionné de l’OLP -, a déclaré qu’elle pensait qu’il ne devrait pas y avoir de quota pour des communautés spécifiques. Et pas seulement chrétiennes. Pour mémoire, en 1996, un siège avait été, par exemple, réservé aux Samaritains.

« Quand il s’agit des chrétiens, je ne vois pas qu’ils sont exclus ou marginalisés. Ils sont extrêmement actifs dans la vie politique, sociale, culturelle et économique, et nombre d’entre eux seraient en mesure d’obtenir des sièges au mérite sans le quota », a déclaré Hanan Ashrawi. Et selon celle qui ne se représentera pas à l’un des sept sièges réservés aux chrétiens dans le prochain Conseil législatif palestinien, le moyen de lutter contre l’émigration ne passe pas par la représentation politique mais par l’incitation à rester sur le territoire.

Auprès de la même agence, Bernard Sabella, ancien membre du Conseil législatif palestinien, a défendu l’idée selon laquelle l’électorat palestinien devrait voter sur la base de la géographie. « Nous devons avoir une nouvelle vision et un plan holistique qui répondent à nos besoins. Nous avons besoin de nos représentants pour représenter leur nation et non une religion ».

… une nécessité pour les autres

A contrario, l’ancienne maire de Bethléem, Vera Baboun, a déclaré à Arab News que « le prochain Conseil élu doit refléter l’expérience nationale la plus large et la représentation de l’ensemble de notre société, y compris les femmes et les chrétiens palestiniens ». Bassem Khoury, un ancien ministre de l’économie, a soutenu auprès de RNS que sans la mise en place de ce quota, il n’y aurait probablement pas de représentation chrétienne au Conseil. « Il est difficile de gagner sans un effort sérieux de la part des factions pour mettre un Palestinien chrétien dans un endroit sûr, et par conséquent, le quota est important et nécessaire ».

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Allant encore plus loin, Hazem Kawasmi, chef de l’Observatoire du monde arabe sur la démocratie et les élections, a confié à l’agence de presse américaine qu’il aimerait voir une représentation plus élevée au Conseil, souhaitant au minimum neuf sièges pour les chrétiens au nom de leurs « contributions importantes dans la vie palestinienne ». Faisant remarquer, comme dit plus haut, que lors des premières élections législatives de 1996, 7% des sièges avaient été réservés aux chrétiens contre 5% cette année. Mais c’est un minimum rappelle dans les colonnes d’Arab News Ramzi Khoury, chef du Comité présidentiel supérieur pour les affaires des Eglises. En précisant que c’est la première fois qu’un quota non limité est prévu.

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