Une grande pierre à croix spécifique de l’art arménien, des mosaïques, des pièces de monnaie, ont été exhumées du « jardin arménien » de Jérusalem. Couvrant une période allant de l’ère byzantine à l’époque mamelouk.
« Lors de travaux de rénovation du jardin arménien, d’importantes antiquités ont été découvertes », a annoncé dans un communiqué le Patriarcat arménien de Jérusalem le 10 mars dernier, par la voix du père Baret Yeretzian chef du Département de l’immobilier du Patriarcat arménien de Jérusalem.
Le « jardin arménien », dans lequel se trouve un parking, se situe aux abords de la Porte de Sion, à l’intérieur des remparts de la vieille ville au sud-ouest du quartier arménien.
Les excavations, coordonnées par l’Autorité des Antiquités d’Israël, ont permis de mettre au jour des sols en mosaïque avec notamment des motifs géométriques en forme de rosace comprenant des tesselles blanches, bleues et rouges. Pour le père Baret Yeretzian, les mosaïques « à en juger le style » remonteraient à l’époque byzantine. Les mosaïques sont situées dans les ruines de bâtiments dont la datation n’est, pour le moment, pas encore claire.
[vidéo du chantier de fouilles – Commentaire en arménien]
Comble des recherches : un grand khatchkar du XIIe siècle
La découverte la plus importante est sans doute une grande croix arménienne gravée sur une stèle connue sous le nom de khatchkar. Les photos seront officiellement publiées dans le cadre d’une publication scientifique que prépare le Patriarcat arménien de Jérusalem.
Littéralement on parle de « pierre à croix » et non de croix en pierre. Le khatchkar « pourrait être du XIIe siècle ou même de plus tôt – nous ne pouvons pas encore le dire avec certitude », avance le père Baret Yeretzian. De forme rectangulaire, le khatchkar a une hauteur d’environ 1 mètre.
Les « pierre à croix » sont spécifiques de l’art arménien, et sont d’ailleurs inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco depuis 2010. Principalement, un khatchkar remplit une fonction votive pour le salut des âmes, souvent celle du donateur et/ou de sa famille. Ce qui semble être le cas de celui du « jardin arménien » à Jérusalem puisqu’il porte une inscription dans sa partie inférieure, où sont écrits en arménien les mots « Seigneur Jésus, souviens-toi… ». Plus rarement le khatchkar peut avoir une fonction commémorative ou être censé protéger du malheur.
La stèle du « jardin arménien » présente un riche ouvrage de dentelle de pierre sculptée. En son centre règne une croix arménienne fleurie sous laquelle se trouvent deux croix. Au-dessus de la croix centrale figurent, de manière finement ciselée, deux grappes de raisins. Le tout dans un entrelacement de frises géométriques en courbe ou volute. Selon les mots de Jean-Pierre Mahé, orientaliste français et spécialiste des études arméniennes : « La croix figure les arbres fabuleux du paradis, l’arbre de vie et l’arbre de science, à quoi voulut goûter Adam, mais aussi le trône très glorieux où le Christ, nouvel Adam, fut élevé et suspendu comme fruit de la connaissance du Père. Les racines de cet arbre ne sont pas figées dans la terre, elles remontent au contraire vers le ciel, elles se chargent de grappes de raisin et de grenades, fruit eucharistique et gage d’immortalité ».
« Davantage de lumière sur les églises et chapelles arméniennes du mont Sion »
A côté de la découverte du khatchkar et des mosaïques, « des pièces de monnaie en cuivre de la période byzantine et / ou mamelouke [ndlr : 1261-1517] ont également été découvertes ».
Pour le père Baret Yeretzian, la découverte dans son ensemble est d’autant plus précieuse que « le Vardapet [ndlr : un archimandrite érudit] Anestas, dans ses œuvres du VIIe siècle, a répertorié de nombreuses églises, chapelles et monastères arméniens en Terre Sainte, dont beaucoup nous sont inconnus ».
Entre les IVe et VIIIe siècles ap. J.-C., près de 70 monastères arméniens ont été édifiés en Terre Sainte par la communauté arménienne, qui s’est installée vers le VIe siècle autour du mont Sion à Jérusalem. Ce qui fait dire au père Baret Yeretzian qu’à ce titre « il n’est pas impossible que cette découverte jette davantage de lumière sur les églises et chapelles arméniennes du mont Sion ».
En attendant, patience, les experts vont prendre le temps d’étudier les photos et les croquis qui ont été réalisés pendant les fouilles.