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Pâques au Liban : pour les catholiques, les fêtes sont moroses

Ines Gil
6 avril 2021
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L'Eglise avec l'ONG Hot Pot Meal organise la distribution de repas ©HotPotMeal

Durement frappés par la crise financière et le Covid-19, les Libanais ont limité les célébrations. Durant le weekend de Pâques, un confinement a été imposé dans le pays.


Au cœur de Sin-el-Fil, dans les faubourgs de Beyrouth, les fidèles s’installent dans l’église Saint-Antoine de Padoue. Ils attendent le vicaire apostolique de Beyrouth, Mgr Essayan, pour suivre le Chemin de croix en ce Vendredi saint. Malgré la pluie, certains s’assoient à l’extérieur : « Il n’y a plus de place dans l’église » assure Nabil, un fidèle, « les lieux de culte accueillent seulement 30% de leur capacité à cause du Corona. »

Le Covid-19 remplace les œufs

Dans un coin de l’église, Louis feuillette ses partitions. Il accompagne les chants religieux au piano : « Cette année, les fêtes se font en petit comité. » Le virus circule activement dans le pays : « Les déplacements en voiture sont interdits[1] et on évite de voir nos grands-parents, par peur de les contaminer. » Depuis le début de l’année 2021, les cas de Covid-19 ont explosé au Liban. Au total, près de 6500 personnes sont décédées à cause du virus.

Derrière un pupitre, une chanteuse de la chorale intervient : « La tristesse est immense cette année » assure Sandra, « ce Vendredi saint est plus pesant, car on ne pourra pas profiter des célébrations à partir de dimanche. A cause de la covid-19, mais surtout à cause de la crise financière. »

Pas de maamoul pour Pâques

Dimanche de Pâques, bientôt 10 heures. Les fidèles se pressent sur le parvis de l’église Sainte-Takla. Le lieu de culte est situé à Baouchriye, un quartier populaire à majorité chrétien, dans la banlieue Est de Beyrouth. Sur un banc, une famille attend l’office, en silence. La mère, Maria, regarde sa fille : « Cette année, elle n’aura pas de chocolat. Nous n’avons plus les moyens » dit-elle, les yeux humides. Depuis deux ans, le Liban s’enfonce dans une violente crise financière. Le pouvoir d’achat s’est effondré[2] : « Mon mari gagne 120 dollars » soupire-t-elle, « Pour la première fois, on ne pourra pas manger de maamouls. » Ces gâteaux fourrés aux noix, aux dattes ou aux pistaches, sont servis à chaque Pâques dans le pays. Mais avec l’explosion des prix, la plupart des Libanais ne peuvent plus s’offrir ce luxe : « La demi-douzaine coutait 40 000 livres. Aujourd’hui, elle s’élève à plus de 100 000 » assure Leila, une fidèle âgée de 73 ans, « mon fils n’a pas de travail à cause de la crise. Nous vivons dans la misère. Sans l’aide de l’Église, on ne pourrait pas manger pour ces fêtes. »

Dans son bureau, le père Joseph Soueid déplore la situation : « On n’est pas loin de la famine. » Pour soutenir les plus pauvres, « l’Église envoie des colis alimentaires, on distribue 450 repas par jour » assure le prêtre qui officie depuis 24 ans à Sainte-Takla, « c’est terrible. Mais les fêtes de Pâques redonnent espoir. »

Un apaisement provisoire

Dans la maison familiale à Adma, dans le Mont-Liban, Omar et sa sœur Yasmine préparent la table : « On sera en petit comité, notre père, notre oncle et notre cousin » assure Yasmine. Omar dépose des assiettes de Baba Ghanouj et de Shanklish, des spécialités libanaises : « Les repas sont maigres cette année, mais l’essentiel est de préserver l’esprit de Pâques » lance-t-il avec assurance, « c’est la fête de la résurrection. C’est symbolique, on espère que le pays ressuscitera. » Un espoir ravivé, le temps de quelques jours. Mais après les fêtes, le catholiques du Liban retrouveront le quotidien amer : « J’aimerais rester » assure Omar, « mais la situation est dramatique. A la rentrée, je déménage en France. »

[1] Pour ces fêtes de Pâques, le pays est confiné. Les autorités libanaises veulent éviter la catastrophe post-Noël. En janvier, suite aux fêtes de fin d’année, les cas de Covid-19 avaient explosé.

[2] A la mi-mars, un dollar équivalait à 15 000 livres libanaises sur le marché noir. Au taux officiel, la livre libanaise équivaut à 1 500 livres pour 1 dollar.

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