« Avec le sang et l’esprit, nous te sauverons, Silwan », ont lancé mercredi, des manifestants devant le tribunal de district de Jérusalem. Ils étaient réunis à l’occasion de l’ouverture d’un procès en appel dans une affaire d’expulsion forcée concernant deux familles palestiniennes de Batn al-Hawa, un pâté de maisons dans le quartier palestinien occupé de Silwan, la Siloé biblique, au sud des remparts de la Vieille Ville, à Jérusalem-Est.
Les expulsions prévues à Batn al-Hawa font suite, moins de trois semaines après, à la décision très controversée d’expulser quatre familles palestiniennes dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est qui se trouve à moins de 5 kms de Silwan. Les émeutes ont débouché sur une flambée de violences, à Jérusalem, en Cisjordanie et surtout dans les villes mixtes d’Israël entre juifs israéliens et Palestiniens, citoyens d’Israël, concomitamment à 11 jours de tirs de roquettes et de raids aériens entre le Hamas au pouvoir à Gaza et l’Etat hébreu. Un cessez-le-feu négocié par l’Egypte est entré en vigueur le 21 mai et a été observé jusque-là. Mais les tensions au sein des villes mixtes judéo-arabes en Israël restent latentes.
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Les projets d’expulsion à Batn al-Hawa résultent de la stratégie d’Ateret Cohanim, une organisation juive nationaliste désireuse, via le rachat de maisons palestiniennes, de réduire la présence de non-juifs à Jérusalem.
L’organisation de colons soutient que le terrain de Batn al-Hawa appartenait de plein droit à un fonds juif – connu sous le nom de Benvenisti Trust, actif dans la zone depuis la fin du XIXe siècle. Des Juifs yéménites vivaient dans les maisons de cette zone administrée par la dotation en question, qui de fil en aiguille a été nommé « quartier yéménite ». Le terrain en question a été acheté au trust en 2002 par Ateret Cohanim.
Profitant d’une loi de 1970 qui stipule que les Juifs sont autorisés à récupérer les terres que leurs familles ont perdues lors de la guerre d’indépendance israélienne en 1948 et pour lesquelles ils peuvent prouver que leur famille vivait à Jérusalem-Est. L’inverse n’existe cependant pas pour les Palestiniens qui ont perdu des biens pendant la guerre dans notamment ce qui est maintenant Jérusalem-Ouest, et se voient refuser le même droit de réclamer leur « droit de propriété ».
Une décision la semaine prochaine ?
S’opposant au projet d’expulsion imminent et de démolition possible de maisons à Silwan, des habitants de ce quartier majoritairement arabe, des amis, des Palestiniens et des Israéliens pacifistes, des ONG locales sont venus soutenir devant le tribunal hier, les familles menacées.
En novembre 2020, sept avis d’expulsion ont été rendus par le tribunal de première instance de Jérusalem, ordonnant que sept familles palestiniennes de Batn al-Hawa soient expulsées de leur logement. Ces avis furent confirmés en mars 2021.
Un recours déposé par deux de ces familles devait être examiné par la justice hier. Finalement, le tribunal a reporté sa décision. Le temps d’étudier une demande des familles qui avaient précédemment demandé que le procureur général Avichai Mandelblit, procureur général de l’Etat hébreu, prenne l’affaire en main. Yazid Qawaar, un avocat représentant un certain nombre de familles a déclaré à l’AFP qu’ « une telle affaire publique [devait] inclure l’opinion du procureur général ». « Il est évident, a-t-il précisé, que le gouvernement soutenait le projet des colons et c’est donc au procureur général d’en prendre la responsabilité. » Selon l’homme de loi, les familles attendent une décision – peut-être la semaine prochaine.
86 familles pourraient subir le même sort
Ateret Cohnaim n’est pas la seule à s’intéresser à Silwan. La Fondation Ir David, plus connue sous le nom d’ Elad en est. L’association gère le complexe archéologique et touristique de la Cité de David, soutenant que le site se trouve sur l’ancienne cité du roi David. Elad n’hésite pas à se lancer dans des procédures judiciaires qui peuvent parfois durer des années afin d’obtenir l’expulsion de Palestiniens et d’étendre notamment les fouilles archéologiques in situ.
Environ 50 000 Palestiniens et Palestiniennes vivent à Sliwan ainsi que plusieurs centaines de colons juifs israéliens. 200 habitants palestiniens ont déjà été expulsés a fait savoir Saleh Higazi, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International. 86 familles, soit près de 700 personnes, pourraient subir le même sort, indique de son côté l’ONG israélienne Peace Now.
Sur la question des expulsions de Sheikh Jarrah, un appel est actuellement en cours devant la Cour Suprême d’Israël.