Deux mois seulement se sont écoulés depuis une première proposition similaire. La plus haute juridiction israélienne a proposé le 4 octobre à quatre familles palestiniennes menacées d’expulsion au profit de colons israéliens à Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, de rester dans leurs maisons en tant que « locataires protégés » de sorte qu’elles ne pourront pas être expulsées avant les 15 prochaines années à venir.
Un tel compromis, choisi ou rejeté, déterminera l’avenir de 24 autres familles concernées par la même menace d’expulsion. Pour rappel, c’est ce motif qui a conduit à des émeutes à Jérusalem, en Cisjordanie et dans les villes mixtes d’Israël ainsi qu’à 11 jours de conflit entre Israël et le Hamas à Gaza en mai.
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Haaretz a détaillé les grandes lignes de la proposition soumise aux familles palestiniennes et à Nahalat Shimon International, une organisation de colons à l’origine des projets d’expulsion des riverains palestiniens. Selon l’esprit du compromis, « trois familles arabes recevront le statut de locataires protégés de première génération, ce qui signifie que deux autres générations de leur lignée pourront conserver ce statut et rester dans les maisons ; et l’une des familles sera reconnue comme locataires protégés de deuxième génération, ce qui s’appliquera alors à la prochaine génération. »
Un compromis fait-il un mauvais toit ?
En échange, ils devront payer, en plus des frais juridiques, un loyer, certes modique, à l’organisation Nahalat Shimon. Mais qui de fait serait la reconnaissance de la propriété du groupe de colons, jusqu’à ce qu’un règlement juridique soit rendu. Point important : les juges proposent que l’organisation de colons s’engage à « s’abstenir de prendre des mesures pour expulser les familles ou demander des permis de construire jusqu’à ce que la procédure légale soit terminée ou que 15 ans se soient écoulés depuis la signature d’un accord de compromis », explique Haaretz.
Les juges estimant par ailleurs, que sur cette période, la question de la propriété foncière pouvait être jugée. Pendant cette période, les familles palestiniennes auraient ainsi le droit de prouver leur droit de propriété ainsi que le droit de rénover, réparer et changer l’intérieur de leurs maisons quand elles le souhaitent, sans l’approbation de la société de colons.
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Les juges ont donné aux deux parties jusqu’au 2 novembre pour présenter leurs propres amendements à la proposition. Si le compromis était rejeté, ils trancheront et contraindront, a fait savoir la presse.
Les avocats des familles palestiniennes du quartier n’ont pas réagi. Cependant, il y a deux mois, en août, une proposition de compromis plus générale avait été rejetée par les résidents qui avaient refusé de reconnaître Nahalat Shimon comme propriétaire. L’expression « un compromis fait un mauvais toit » tombe sous le sens pour eux. « Une chose est claire : nous n’accepterons jamais que les colons (…) soient propriétaires de nos maisons », a tweeté le 5 octobre Mohammed al-Kurd, jeune écrivain et militant palestinien de 23 ans, originaire du quartier et appartenant à l’une des familles menacées d’expulsion. Avec sa sœur jumelle Muna, il est devenu l’icône de la lutte palestinienne contre les expulsions de Sheikh Jarrah.
Imbroglio juridique et politique au cœur du conflit israélo-palestinien
Le litige immobilier est un imbroglio juridique et politique de plus de 70 ans. Israël considère la ville entière comme sa capitale – ce qui n’est pas reconnu par la plupart de la communauté internationale. Les Palestiniens, eux, veulent que Jérusalem-Est soit la capitale d’un futur Etat palestinien.
En 1956, 28 familles palestiniennes se sont installées à Sheikh Jarrah, en vertu d’un accord avec le la Jordanie, qui contrôlait à l’époque Jérusalem-Est, avant son occupation par Israël en 1967, et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Les familles palestiniennes ont accepté de recevoir des maisons et en échange ont renoncé à leur statut de réfugiés. Mais les propriétés n’ont pas été enregistrées à leur nom, créant le vide qui a conduit à la situation actuelle.
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Nahalat Shimon prétend détenir des droits fonciers sur les propriétés de Sheikh Jarrah, acquises légalement avant 1948, année de l’indépendance de l’État d’Israël et qui appartenaient auparavant à deux organisations juives. Le groupe dit avoir renouvelé son inscription en tant que propriétaire en 1972.
De fait, une loi israélienne, votée en 1970, soit trois ans après la Guerre des Six jours et l’occupation de Jérusalem-Est, permet en effet aux descendants de juifs résidant dans la ville sainte avant 1948 de réclamer des biens dans la partie orientale de Jérusalem. Une règle qui ne s’applique pas aux Palestiniens…