« Nous restons fermes dans notre refus de faire des compromis sur nos droits ». Et ce, « malgré l’absence de garanties institutionnelles qui protégeraient notre présence en tant que Palestiniens dans Jérusalem occupée ». C’est ce qu’a déclaré le 2 novembre, lors d’une conférence de presse, la jeune militante palestinienne de 23 ans, Muna el-Kurd.
Avec le slogan « no fear » sur son blouson noir, elle s’est exprimée dans la rue principale du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est où sa famille est menacée d’expulsion. Avec son frère jumeau, Mohammed, elle est le fer de lance de la lutte palestinienne contre les expulsions de Sheikh Jarrah. Ce dernier a relayé sur son compte Twitter un communiqué signé par les familles du quartier palestinien qui reprend en partie la déclaration de sa sœur.
Pour mémoire, le groupe de colons juifs israéliens Nahalat Shimon cherche à expulser les résidents palestiniens de ce quartier, qui vivent sur des terres qui appartenaient à deux trusts juifs avant l’indépendance de l’Etat hébreu. Ces derniers ont été expulsés par les Jordaniens en 1948 qui ont construit dans les années 50 des maisons pour les réfugiés palestiniens.
Lire aussi >> Margalit : Diviser Jérusalem maintenant, pour l’unir plus tard
Après la conquête de Jérusalem-Est par Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967, une loi israélienne de 1970 permet aux propriétaires fonciers de récupérer certaines propriétés à Jérusalem-Est prises par la Jordanie. Les terrains ont été rendus aux trusts juifs, qui les ont ensuite vendus à divers groupes de colons, à comme Nahalat Shimon, qui s’appuient sur la loi de 1970 pour demander l’expulsion de palestiniens dans plusieurs quartiers de Jérusalem-Est. Les expulsions prévues à Sheikh Jarrah ont été l’un des facteurs du conflit qui a opposé pendant 11 jours en mai Israël et le Hamas au pouvoir à Gaza.
Un compromis vu comme une « illusion »
Après une première solution présentée cet été pour trouver un terrain d’entente et qui a fait chou blanc, la plus haute juridiction israélienne était revenue à la charge une seconde fois en proposant un autre compromis le 4 octobre à quatre familles palestiniennes concernées par la menace toute proche d’être expulsées. Les deux parties, Nahalat Shimon et les habitants de Sheikh Jarrah devaient rendre leur avis et proposer éventuellement leurs amendements avant le 2 novembre.
Acheter >> Le numéro de Terre Sainte Magazine qui revient sur la problématique de Sheikh Jarrah
Les familles palestiniennes au cœur de l’affaire ont donc rejeté le dernier compromis. Cette décision résulte de « notre foi en la justice de notre cause et de notre droit à nos maisons et à notre patrie » ont fait savoir les familles dans leur communiqué. « La justice israélienne contourne son obligation de rendre une décision finale et nous fait choisir entre la dépossession et la soumission à un accord injuste », indique le communiqué. La justice israélienne se voit reprochée d’avoir ainsi créé « l’illusion de la balle dans notre camp », estiment les signataires.
Le Times of Israel a rapporté que « des documents accessibles au public indiquaient que le groupe [Nahalat Shimon] avait aussi soumis une réponse à la Cour, bien que son contenu n’ait pas été publié ».
Vers une décision contraignante ?
Il n’y a pas encore eu de réaction de la Haute Cour, mais les juges avaient prévenu que si leur proposition était rejetée, ils rendraient une décision contraignante.
Le compromis de la Cour suprême d’Israël aurait fait des familles palestiniennes des « locataires protégés ». Mais Nahalat Shimon aurait été provisoirement reconnu comme propriétaire du terrain sur lequel les maisons avaient été construites. Ainsi, les Palestiniens auraient payé un loyer annuel à Nahalat Shimon et auraient dû également payer une partie des frais juridiques de Nahalat Shimon pour cette affaire.
Lire aussi >> Jérusalem-Est : grand projet foncier pour l’Eglise orthodoxe
L’organisation de colons pour sa part, ne devait pas engager de poursuites judiciaires visant à expulser les résidents palestiniens pendant au moins 15 ans, ou jusqu’à ce que la bataille juridique ait été résolue. Si elles avaient accepté le compromis, les familles ont souligné que « [leur] dépossession serait toujours imminente et [leurs] maisons seraient toujours considérées comme celles de quelqu’un d’autre ».
Vingt-quatre autres familles de Sheikh Jarrah sont concernées par la même menace d’expulsion. Et 86 familles du quartier de Silwan, soit près de 700 personnes, pourraient subir le même sort, indique de son côté l’ONG israélienne PeaceNow.