Dans le contexte de la Terre Sainte, où de multiples rites et traditions ecclésiales ont toujours coexisté, les mariages mixtes en sont un parfait exemple faisant partie intégrante de la vie familiale. Comme conséquence de cette réalité, les fidèles ont tendance à ne pas accorder trop d’importance aux frontières confessionnelles entre une communauté ecclésiale et une autre, dans la vie et les activités des Eglises, et même jusque dans la vie liturgique et sacramentelle. Au risque de créer de la confusion en allant jusqu’à dire qu’ils sont en pleine communion, et que les histoires de division ne concernent que le clergé.
Les baptisés « s’identifient spontanément comme chrétiens, tandis que les prêtres tendent à se définir selon des normes confessionnelles », constate l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) – évêques et vicaires épiscopaux catholiques de rite latin et oriental – dans un long document intitulé « directives pastorales œcuméniques ». Un document approuvé le 5 octobre par ladite assemblée et publié le 4 novembre sur le site du Patriarcat latin de Jérusalem.
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« Si nous voulons travailler pour plus d’unité et une meilleure collaboration, nous devons d’abord promouvoir une vision commune entre nous, ainsi qu’un mode commun de relation avec les autres Eglises », a écrit Mgr Pizzaballa, président de l’AOCTS, dans une lettre accompagnant le document qui entend contribuer « à un sain discernement en offrant aux pasteurs et aux fidèles quelques orientations et directives, inspirées et fondées sur les enseignements officiels de l’Eglise catholique ». Ces directives « ne visent pas à les remplacer mais à adapter l’application de ces enseignements au contexte ecclésial local », précise dans son document l’AOCTS.
Chemin synodal
Les directives entreront en vigueur le 28 novembre et s’appliqueront à toutes les Eglises catholiques présentes en Terre Sainte, c’est-à dire en Israël-Palestine, en Jordanie, et à Chypre. Sont ainsi concernés, les évêques, les prêtres, les religieux, les fidèles arabophones, hébréophones et d’autres langues, appartenant au Patriarcat latin de Jérusalem, à l’Eglise grecque-melkite catholique, à l’Eglise maronite, à l’Eglise syriaque-catholique, à l’Eglise catholique arménienne, et à l’Eglise catholique chaldéenne.
Lorsque les circonstances locales dans les différentes parties du diocèse de Terre Sainte le nécessiteront, des orientations plus spécifiques seront élaborées sous l’autorité des évêques et vicaires épiscopaux locaux. Mgr Pizzaballa encourage les prêtres et les fidèles à étudier en petits groupe les directives en question. La démarche s’inscrivant parfaitement dans le « chemin synodal » du diocèse de Terre Sainte, entamé le 30 octobre dernier dans le cadre du Synode général dans l’Eglise, voulu par le pape François autour des trois mots clefs « communion, participation et mission ».
Pénitence, eucharistie, onction des malades
Les recommandations touchent essentiellement à la question du partage de la vie sacramentelle avec les baptisés d’autres confessions chrétiennes. La participation aux célébrations liturgiques est aussi abondamment expliquée et illustrée. En revanche, les questions telles que la formation œcuménique, les écoles, l’apostolat des jeunes et les initiatives caritatives partagées entre les communautés ecclésiales catholiques et non catholiques, seront abordées dans de futures déclarations de l’AOCTS.
Dans un catalogue à la Prévert, l’AOCTS fournit une sorte de « guide de bonnes pratiques » avec les repères à suivre et des lignes à ne pas franchir.
D’abord, le document encourage les croyants à prioritairement « pratiquer leur foi et leur vie sacramentelle dans leur propre Eglise » et à éviter tout ce qui pourrait être interprété comme du prosélytisme.
Ensuite, explicitement, et c’est le point principal à retenir, les prêtres catholiques sont autorisés à accorder les sacrements de la pénitence, de l’eucharistie – dans ce cas on parle d’ « hospitalité eucharistique » aux non-catholiques -, et enfin de l’onction des malades aux fidèles des Eglises orthodoxes, à condition qu’ils en fassent la demande de leur propre initiative et qu’ils soient « correctement disposés » à les recevoir.
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En retour, ils sont tenus de respecter la discipline avec lesquelles les sacrements sont administrés dans l’Eglise catholique. Inversement, « chaque fois que la nécessité l’exige ou qu’un véritable avantage spirituel le suggère », il est « licite » pour tout catholique pour lequel il est physiquement ou moralement impossible de s’adresser à un ministre catholique, de recevoir les sacrements de pénitence, d’eucharistie et d’onction des malades d’un ministre d’une Eglise orthodoxe.
Et si un catholique désire légitimement recevoir la communion dans une telle Eglise, il doit autant que possible respecter sa discipline et « s’abstenir d’y prendre part si cette Église réserve la communion sacramentelle à ses propres fidèles à l’exclusion de tous les autres », est-il précisé.
Quid des Eglises et communautés ecclésiales anglicanes et évangéliques ?
Le document souligne avec vigueur l’importance d’opérer « une distinction claire » entre les relations qui peuvent être entretenues avec les Eglises orthodoxes de celles qui peuvent être expérimentées avec les Eglises et Communautés ecclésiales issues de la Réforme au XVIe siècle.
Le document rappelle en effet que même si l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes ne sont pas en pleine communion, « ces Eglises possèdent encore les vrais sacrements, surtout – par succession apostolique – celui du sacerdoce et de l’Eucharistie… ». Selon la conception de l’Eglise catholique, ces principes permettent « un certain partage du culte liturgique, et même de l’Eucharistie », avec ces Eglises, « dans des circonstances appropriées et avec l’approbation des autorités ecclésiastiques ».
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A contrario, même si dans la plupart des cas, l’Eglise catholique reconnaît la validité du baptême conféré dans les Eglises et communautés ecclésiales anglicanes et évangéliques, « il n’y a pas de reconnaissance générale de la validité des sacrements et en particulier du ministère ordonné par succession apostolique. Cela a des conséquences importantes sur la possibilité ou l’impossibilité de partager les ressources spirituelles et liturgiques », conclut le document en mentionnant cependant des exceptions particulières, notamment en cas d’urgence.