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Des traces de l’époque du Sanhédrin découvertes à Yavné

Christophe Lafontaine
30 novembre 2021
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Les fioles de verre trouvées sur les tombes (Ier - IIIe siècles) à Yavné © Yaniv Berman, Autorité des Antiquités d'Israël

C’est la première fois que des vestiges de l'époque de l'assemblée législative traditionnelle juive ont été découverts à Yavné, a annoncé hier l'Autorité des antiquités d’Israël. Yavné était le centre de la vie juive à la fin de la période du Second Temple.


Yavné n’en finit pas de faire sortir de terre des restes du passé. Après qu’un site vinicole de l’époque byzantine, connu comme le plus grand au monde, a été découvert récemment, de nouvelles fouilles effectuées par l’Autorité des antiquités en Israël (AAI) ont révélé les restes d’un bâtiment industriel que les archéologues datent d’entre les Ier et IIIe siècles. C’est « la première fois », indique le communiqué de l’AAI, qu’une telle découverte liée à la période du Sanhédrin est faite à Yavné.

Le Sanhédrin – l’assemblée législative traditionnelle juive et tribunal suprême – s’est exilé à Yavné, sur la plaine côtière au centre de l’actuel Israël, à la fin de la période du Second Temple,au moment de la Grande révolte, la première insurrection des Juifs de la province de Judée contre l’Empire romain (66 ap. J.-C. et 73 ap. J.-C.) Et ce, jusqu’à la Grande révolte de Bar Kochba (132-135 ap. J.-C), la seconde guerre judéo-romaine.

Les fouilles à l’intérieur du bâtiment ont révélé parmi une série de poteries et de récipients en verre, des morceaux de coupes en calcaire connus sous le nom de « gobeletsdoseurs ». Il s’agissait de récipients en pierre qui contrairement à la céramique ne pouvaient pas retenir les impuretés rituelles. Ces coupes sont clairement identifiées par les archéologues comme appartenant à une population juive, et notamment celle de la fin de la période du Second Temple et du IIe siècle ap. J.-C. Pour mémoire, l’évangile de Jean au chapitre II, verset VI, mentionnait déjà les propriétés de ce matériau même si la taille des contenants diffère: « Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres). »

Un des fragments de « tasse à mesurer » retrouvé à Yavné ©Pablo Betzer, Autorité des Antiquités d’Israël

Selon l’AAI, les coupes en calcaire retrouvés à Yavné sont donc « une preuve claire » que les occupants du bâtiment mis au jour « respectaient les lois juives de pureté rituelle ». Clairement, pour Daniel Varga, l’un des directeurs des fouilles de Yavné pour l’AAI, s’exprimant dans une vidéo de l’institution, « cela nous donne une identification ethnique avec une population juive qui a vécu ici, qui a travaillé ici. »

Le judaïsme rabbinique est né à Yavné

Selon la tradition juive, avant que le Temple ne soit détruit à Jérusalem en 70 ap. J.-C., Rabban Yoḥanan ben Zakkaï a fui Jérusalem assiégée par les Romains et a obtenu d’eux le consentement d’installer le Sanhédrin à Yavné. Yoḥanan ben Zakkaï aurait alors formulé à Vespasien son plaidoyer ainsi : « Donnez-moi Yavné et ses sages ». Les sages étaient les chefs du peuple juif et les experts de la Loi juive. Dans les décennies qui ont suivi la destruction du Temple, Yavné est alors devenu un centre spirituel majeur, ajustant la vie juive à la réalité d’une nation sans son lieu saint central, le Temple. C’est en effet à Yavné que le travail de préservation de la Torah orale a été commencé, transformant le judaïsme en une nouvelle réalité –le « judaïsme rabbinique » -, en préservant les lois, le calendrier et la liturgie, pour devenir le judaïsme moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui.

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Un « impressionnant cimetière, de la même époque », a également été découvert à 70 mètres du bâtiment et de ses coupes en calcaire, rapporte l’AAI. A cette distance, il est probable que le cimetière se trouvait en dehors des limites de la ville de l’époque, conformément aux lois juive et romaine, ont déclaré les chercheurs. Par ailleurs, l’agencement ordonné des dizaines de tombes retrouvées sur le site indiquequ’il existait possiblement sur place, estiment les archéologues, un organisme officiel responsable des enterrements. A noter que la plupart des sarcophages sont en pierre, qu’un seul est en plomb et que plus de150 fioles de verrerecouvraient les tombes, apparemmentplacées comme offrandes funéraires pour stocker des liquides précieux, tels que des huiles parfumées.

Le premier bâtiment jamais découvert à Yavné datant de l’époque du Sanhédrin. Il contenait des fragments de « tasses à mesurer » identifiées à une population juive ©Emil Aladjem, Autorité des Antiquités d’Israël

Un cimetière était-il juif ou païen ?

On sait que vers la fin de la période du Second Temple, la population mixte de Yavné comptait une majorité de résidents juifs. Mais à cause du manque de symboles ethniques sur les tombes, les archéologues n’ont pas encore déterminé si les personnes enterrées étaient des juifs ou des païens. Cela étant, « les découvertes archéologiques laissent à penser qu’il s’agit des tombes de la communauté juive de la ville », écrit l’AAI dans son communiqué. « Si cette hypothèse est correcte, alors au moins certaines des tombes, peut-être les plus élaborées, pourraient appartenir aux sages de Yavné ».

De fait, certaines tombes ont un « couvercle »à double pente comme un toit et avec quatre acrotères aux angles en forme de corne. « Il est possible de dire que c’était, peut-être la section dans laquelle les membres de la haute classe étaient enterrés », affirme Pablo Betzer, qui dirige aussi les fouilles. Et le communiqué de l’AAI de citer trois contemporains considérés comme les fondateurs du judaïsme rabbinique : Rabban Yohanan ben Zakkaï, Rabbi Akiva ben Yosseph et Gamaliel II qui succéda à Yohanan ben Zakkaï à la tête de l’assemblée de Yavné.

Tombes de l’époque du Sanhédrin à Yavné ©Yaniv Berman/ Autorité des Antiquités d’Israël

Bien qu’au centre du pays, le site de Yavné sera-t-il un jour inscrit comme première étape sur le « Sanhédrin Trail » ?Ce chemin de randonnée interactif, long de 70 km environ, traverse la Basse Galilée d’ouest en est, de Beit Shéarim à Tibériade, en passant par plusieurs sites antiques associés au Sanhédrin qui changea plusieurs fois de lieux aux époques romaine et byzantine. Le Talmud de Babylone décrit en effet les dix déplacements du Sanhédrin, notamment à Oucha, Shfaram, Beit Shéarim, Tsippori (Séphoris) et Tibériade.

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