Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Un aqueduc prouverait que Pilate fut un grand urbaniste

Christophe Lafontaine
28 décembre 2021
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Intérieur de la section couverte de l’aqueduc © Azriel Yechezkel

Des chercheurs de l'Université hébraïque de Jérusalem et du club de spéléologie d'Israël, en étudiant l’aqueduc de Biar, ont mis en relief la politique urbanistique du 5e gouverneur de la province romaine de Judée.


L’aqueduc de Biar était le plus sophistiqué des aqueducs qui alimentaient Jérusalem en eau il y a 2 000 ans. Courant sur cinq kilomètres, il était pourtant le plus court. Il amenait l’eau depuis le sud de Bethléem jusqu’aux piscines de Salomon. Là, d’autres aqueducs prenaient le relais et transportaient ensuite l’or bleu jusqu’à Jérusalem.

La structure de l’aqueduc comprenait la source de Biar en tant que telle, un tunnel souterrain d’environ 3 km de long recueillant les eaux souterraines, un barrage, un canal de surface et un autre tunnel traversant une crête. Chacun des cinq éléments jouait un rôle dédié dans la collecte, la conduite et le contrôle de l’eau.

Une nouvelle étude publiée dans la dernière édition (nov-déc. 2021) de la revue Geoarchaeology relate les résultats de fouilles entreprises par Azriel Yechezkel de l’Université hébraïque de Jérusalem dans le cadre de ses études de doctorat, en collaboration avec Yoav Negev directeur du club de spéléologie d’Israël et ses collègues de l’Université hébraïque Amos Frumkin et Uzi Leibner.

Lire aussi==>> L’anneau retrouvé à l’Hérodion était-il bien à Pilate ?

L’étude archéologique, menée sur 1 200 mètres accessibles dans le tunnel souterrain, au milieu d’eaux fangeuses, attribue à Ponce Pilate la construction de l’aqueduc de Biar.

Jusque-là, l’aqueduc avait été daté entre la période hasmonéenne, au IIe siècle avant J.-C., et la fin de la période romaine du IIe siècle ap. J.C., en passant par l’époque de Hérode. Et c’est finalement en utilisant la datation au carbone 14 pour étudier des échantillons d’enduits de plâtre à l’intérieur du tunnel, que les chercheurs pensent que l’aqueduc de Biar a été construit dans la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. et qu’il a ensuite été rénové à l’époque d’Aelia Capitolina, le nom donné à Jérusalem après la défaite de la rébellion de Bar Kochba au IIe siècle ap. J.-C.

Une confirmation par Flavius Josèphe ?

Pour les chercheurs, l’aqueduc de Biar pourrait donc être le même que celui attribué par l’historien juif Flavius Josèphe à Ponce Pilate, gouverneur romain de la Judée de 26/27 ap. J.-C. à 36/37 ap. J.-C sous Tibère. Si d’un point de vue historique, Pilate est surtout connu pour son rôle dans le procès de Jésus, « d’un point de vue archéologique, il est clair que l’administration de Pilate s’est occupée du développement des infrastructures urbaines [comme] l’approvisionnement en eau et le réseau routier », a souligné dans les colonnes d’Haaretz, Orit Peleg-Barkat, de l’Institut d’archéologie de l’Université hébraïque.

Lire aussi==>> Les piscines de Salomon plongent dans le XXIe siècle

Dans les « Antiquités juives » au Livre XVIII (60-62), Flavius Josèphe a écrit que Pilate avait utilisé le trésor du Temple pour construire un aqueduc. « Pilate amena de l’eau à Jérusalem aux frais du trésor sacré, en captant la source des cours d’eau à deux cents stades de là. Les Juifs furent très mécontents des mesures prises au sujet de l’eau. Des milliers de gens se réunirent et lui crièrent de cesser de telles entreprises ; certains allèrent même jusqu’à l’injurier violemment, comme c’est la coutume de la foule ». Selon Flavius Josèphe, Pilate avait prédit la manifestation et avait ordonné à ses soldats de se cacher parmi la foule, déguisés sous des vêtements juifs, pour frapper quiconque criait contre lui. A son signal, les soldats frappèrent mais « bien plus violemment que Pilate le leur avait prescrit ». « Et comme le peuple n’était pas armé et était attrapé par des hommes préparés pour ce qu’il faisait, il y eut un grand nombre d’entre eux tués par ce moyen, et d’autres s’enfuirent blessés ; et ainsi fut réprimée la sédition ».

Un ouvrage de pointe

Par ailleurs, les archéologues ont jugé que l’aqueduc avait pu voir le jour grâce à « des compétences hydrogéologiques et d’ingénierie de pointe ». Bien que l’aqueduc ait pris l’eau directement de la source de Biar, sa conception a également permis de capter et de détourner les eaux souterraines et de surface, fournissant ainsi à Jérusalem plus de sept fois le débit annuel de la seule source d’origine !

De plus, la recherche a révélé que les 500 derniers mètres du tunnel présentaient des conceptions de toiture spécifiques qui étaient destinées à surmonter les charges physiques et/ou hydrauliques exercées sur le tunnel. Dans les sections où le substrat rocheux était stable, l’ensemble du tunnel était taillé directement dans la roche. Dans les zones où la roche était plus fragile, le tunnel a été construit comme une tranchée avec un système complexe de couverture en pierre de taille pour le protéger de tout effondrement. Cette technique moderne a été mentionnée pour la première fois dans les écrits de l’architecte romain Vitruve (80-70 av. J.-C. – 15 av. J.-C.).

Sur le même sujet
Le numéro en cours

La Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire

Cliquez ici
Les plus lus