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En Israël, peur sur les prix

Cécile Lemoine
8 février 2022
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Supermarché Rami Levy à Modi'in, le 1er février 2022 ©Yossi Aloni/Flash90

Le pays a enregistré une hausse des prix de 2,8 % en 2021. Une première en 13 ans qui créé un malaise dans une société où le coût de la vie est parmi les plus élevés au monde et où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté.


Essence, électricité, mais aussi ketchup, pâte, riz ou thon… La liste des produits qui voient leurs étiquettes gagner quelques shekels ces derniers mois continuent de s’allonger en Israël. Une augmentation des prix est sans précédent depuis 13 ans en Israël, a indiqué le bureau central des Statistique dans un communiqué publié le 14 janvier. L’indice des prix à la consommation (IPC) du pays a ainsi augmenté de 2,8 % en 2021, avant d’atteindre 2,9 % au 30 janvier. S’ils restent contenus dans l’intervalle d’acceptabilité fixé par la Banque d’Israël entre 1% et 3%, ces chiffres causent un malaise supplémentaire dans une société où le coût de la vie est l’un des plus élevés au monde.

Alors que l’inflation se généralise au niveau mondial (l’IPC des Etats-Unis a augmenté de 7% l’année dernière, une première depuis les années 1980, et celui de la zone euro de 5%), suite à des pénuries d’approvisionnement, la hausse des coûts des matières premières et la diminution de la disponibilité de la main-d’œuvre, en Israël, la hausse des prix est nature purement structurelle. « L’économie du pays est particulièrement concentrée, avec des monopoles et des cartels qui ont la tendance mondiale à la hausse comme prétexte pour relever leurs prix. C’est particulièrement vrai pour les géants de l’agroalimentaire« , explique Jacques Bendelac, économiste au Collège universitaire de Netanya.

Appels au boycott

Osem-Nestlé, l’un des plus grands fabricants de produits alimentaires d’Israël, a de fait annoncé en décembre 2021 qu’il augmenterait de 5% en moyenne les prix des produits de base tels que le ketchup, les pâtes, le riz et les produits d’entretien ménager, en février 2022, citant son incapacité à absorber la hausse du coût des matières premières et la lourdeur des impôts. Les pâtes fabriquées par Osem, originellement vendues à 5,90 shekels le paquet (1,61 euro), ont été augmentées à 6,90 shekels (1,88 euro) alors que d’autres concurrents vendent des pâtes similaires à 2,50 shekels (0,68 euro). « Les produits les plus élémentaires d’Osem sont affichés à plus du double de leur valeur réelle », expose Jacques Benillouche, journaliste franco-israélien dans une tribune sur le site de Times of Israel.

Les pâtes de la marque Osem ©Hadas Parush/Flash90

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Alors que le coût de la vie en Israël est le quatrième plus élevé des pays de l’OCDE (2020) et dépasse de 22 % la moyenne des pays membres de cette organisation, l’exaspération se fait croissante. Les appels au boycott se sont multiplés depuis janvier. Des militants ont été vus en train de placer des autocollants sur les produits Osem dans plusieurs supermarchés, appelant les consommateurs à ne pas les acheter. Un mouvement soutenu par quelques députés, dont Micheal Bitton, le président de la commission des Affaires économiques de la Knesset qui a appelé le gouvernement a mieux contrôler les prix. « Fidèle à sa doctrine libérale, l’Etat ne joue pas son rôle de régulateur de la concurrence« , souligne Jacques Bendelac avant de pointer que le mouvement de boycott « ne prendra pas dans une société israélienne qui a peut conscience de la force qu’elle a dans ses mains. »

Une classe moyenne qui rétrécit

Tout cela intervient dans un contexte de fragilisation de la population du pays, touchée par les conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19. « Le coût de la vie est un facteur décisif dans l’érosion de la classe moyenne et dans le fait que des familles qui s’en sortaient financièrement avant la crise glissent vers la pauvreté« , alerte Latet, plus grande organisation caritative du pays qui vient d’éditer son rapport alternatif annuel sur la pauvreté. L’édition 2021 recense près de 2,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en Israël. C’est plus d’un Israélien sur quatre.

Un sans-abri à l’extérieur d’une épicerie dans le centre ville de Jérusalem, le 15 décembre 2021. ©Olivier Fitoussi/Flash90

De même, près de 932,000 foyers (31.6%) connaissent des difficultés financières, soit 233 000 familles de plus qu’avant la pandémie. « Le pourcentage de ménages qui sont presque dans la pauvreté a augmenté de 16% pendant la crise, pour atteindre 23,6% actuellement. De plus, pendant la crise, la classe moyenne a diminué de 17,1%, passant de 58,3% de la société israélienne avant la crise, à 48,3% actuellement« , poursuit le rapport.

Si Israël a toujours brillé dans l’OCDE avec son taux de chômage quasi nul et une croissance vigoureuse tirée par un secteur technologique en pleine ébullition, la « start-up nation » fait figure de mauvaise élève en matière d’égalité sociale. « Il y aura toujours des pauvres, mais un bon programme national doit garantir que toute personne travaillant à temps plein puisse satisfaire ses besoins fondamentaux, et que toute personne à la retraite puisse vivre dans la dignité », souligne Eran Weintrob, dirigeant de Latet. Plusieurs leviers existent : l’augmentation des salaires, mais aussi la baisse des prix.

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« La solution à la cherté de la vie est d’abord, et surtout, entre les mains du gouvernement qui doit agir pour briser les monopoles, contrôler les prix et ouvrir le marché israélien à la concurrence des produits étrangers« , estime Jacques Bendelac pour qui la réforme du secteur de l’agriculture amorcée par le gouvernement actuel est une bonne nouvelle. « La baisse des droits de douane sur les fruits et légumes importés de l’étranger va permettre d’accroitre la concurrence et de mettre une gamme plus large de produits à la disposition des consommateurs israéliens. » Etalée sur cinq ans, la réforme devrait donner ses premiers résultats en 2022 a promis le gouvernement.

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