Le Patriarche latin de Jérusalem s’est montré pleinement soucieux quant aux informations russes faisant état de 16 000 volontaires du Moyen-Orient qui seraient prêts à combattre auprès des forces russes dans la guerre contre l’Ukraine dans le Donbass, c’est-à-dire aux côtés des républiques séparatistes autoproclamées de Donetsk et de Louhansk.
Beaucoup d’entre eux ont combattu aux côtés de la Russie dans le passé contre des combattants terroristes de l’Etat islamique. Et pour mémoire, la Russie a été un allié de choix pour le président syrien, Bachar al-Assad, dans la guerre civile qui a déchiré son pays.
Face aux échos russes, le Patriarche latin de Jérusalem a réagi dans une interview à la chaîne de télévision de la Conférence épiscopale italienne, TV 2000, le 11 mars dernier. « J’espère que ce n’est pas vrai », a-t-il déclaré. Admettant toutefois avec lucidité que « nous savons tous très bien que dans les zones de guerre, notamment en Irak et en Syrie, il y a encore de nombreux combattants qui attendent, stationnés là ».
« Une manipulation incompréhensible »
Pour le Patriarche, un tel développement qui verrait la participation de combattants du Moyen-Orient, donc des milices étrangères dans la guerre en Ukraine, serait véritablement « une escalade indésirable » qui aggraverait encore plus le conflit. Et le prélat catholique en Terre Sainte d’y voir « surtout une manipulation incompréhensible, ainsi qu’une tentative d’impliquer le Moyen-Orient » dans le conflit. Avant d’ajouter amèrement que « les gens essaient d’impliquer le Moyen-Orient pratiquement dans tout, directement ou indirectement ». Ce n’est donc malheureusement pas nouveau.
Vendredi dernier, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a en effet déclaré à la presse que les combattants de Syrie et du Moyen-Orient seraient autorisés à combattre aux côtés des troupes russes, après que le président Vladimir Poutine a annoncé vouloir soutenir un plan visant à envoyer des volontaires pour y combattre.
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Le 1er mars, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgu avait déjà fait une telle annonce dans laquelle il expliquait que des ressortissants syriens « pouvaient se porter volontaires pour aller combattre les forces ukrainiennes », affirmant que les Etats-Unis, de leur côté, soutenaient des mesures visant à envoyer des combattant étrangers se battre aux côtés de l’armée ukrainienne. Selon lui, ces combattants sont qualifiés de « mercenaires ».
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui dénoncé l’embauche « d’assassins syriens » venus détruire son pays.
Médiation israélienne : « La méfiance est désormais trop profonde »
Le chef de l’Eglise latine de Jérusalem est aussi revenu sur la situation « pas simple » d’Israël concernant la guerre en Ukraine, coincé entre son allié la Russie et son ami l’Ukraine et qui jusqu’à présent force le pays à la prudence et à la neutralité, une position délicate qui sera sans doute difficilement tenable à long terme.
Toujours est-il qu’au vu de relations étroites qu’entretient Israël avec les deux pays et de la présence de nombreux Russes et Ukrainiens en Israël – selon le quotidien israélien Haaretz plus d’un million d’Israéliens sont nés dans l’un des deux pays -, le Patriarche entend la tentative israélienne de médiation entre Moscou et Kiev.
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Le 5 mars, le Premier ministre israélien s’est en effet rendu à Moscou pour rencontrer trois heures durant le président russe Vladimir Poutine au Kremlin et proposer Israël comme médiateur dans le conflit, avant de s’entretenir au téléphone avec Volodymyr Zelensky, le président ukrainien. Le Premier ministre israélien a agi après que Kiev lui a demandé d’entamer un dialogue avec Moscou suite à l’invasion russe.
Mais le Patriarche pense cependant que les chances de réussir sont minimes : « Il est compréhensible que le Premier ministre israélien Naftali Bennett veuille se présenter comme un médiateur, même si je pense que ce ne sera pas facile car la méfiance est désormais trop profonde pour aboutir à quoi que ce soit. J’espère que la raison prévaudra même si cela ne semble pas être le cas ». Avant de conclure ses propos sur l’impact de la guerre dans la région : « Nous voyons les conséquences de cette situation ici au Moyen-Orient : un désastre total de confiance entre les peuples et la quasi-impossibilité de reconstruire les relations entre les communautés. »
Mgr Pizzaballa n’en est pas à sa première déclaration sur les répercussions du conflit dans les pays du Moyen-Orient. Au début de la guerre, il avait confié son « inquiétude » à Asia News, notant que Moscou avait « un rôle très important en Méditerranée et au Moyen-Orient ». Il avait également dénoncé cette guerre, y voyant une « conséquence du nationalisme idéologique alimenté également par un certain contenu religieux ».