C’est une décision qui nuirait au processus de paix. Tout est dit. Dans une déclaration commune publiée hier, les patriarches et chefs des 13 Eglises chrétiennes de Terre Sainte ont déclaré ne pas vouloir entendre parler d’un quelconque projet de transfert de l’ambassade britannique en Israël, de Tel Aviv à Jérusalem. Ils ont exprimé « leur profonde inquiétude ». Expliquant que cela constituerait une violation du « statut spécial » et du « caractère sacré » de la Ville sainte en plus d’alimenter les tensions entre Israéliens et Palestiniens.
Reconsidérer l’emplacement actuel de l’ambassade britannique en Israël représenterait un « obstacle supplémentaire à l’avancement du processus de paix déjà moribond », ont ainsi alerté les Eglises après que l’examen d’un tel projet a été partagé le mois dernier par la nouvelle Première ministre britannique Liz Truss, lors d’un tête-à-tête avec son homologue israélien Yair Lapid en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 21 septembre dernier.
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Notons que lors d’une conférence le 2 octobre à Birmingham en Angleterre, organisée par « Conservative Friends of Israel » (les amis conservateurs d’Israël), la cheffe du gouvernement britannique et cheffe du parti conservateur, a déclaré qu’elle était « une grande sioniste et une grande partisane d’Israël » et a profité de l’occasion pour s’engager à « renforcer les relations entre le Royaume-Uni et Israël ». Pour l’heure, aucune décision de déménagement de l’ambassade n’a toutefois été prise par le Royaume-Uni.
Un transfert géographique d’ambassade n’est pas sans rappeler la décision controversée prise par l’ancien président américain Donald Trump de déplacer en 2018 à Jérusalem l’ambassade américaine. Déménagement qui n’a d’ailleurs pas été révoqué par son successeur, Joe Biden. Dans le sillage des Etats-Unis, seuls le Guatemala, le Honduras et le Kosovo ont ouvert une ambassade à Jérusalem. L’Australie, la Hongrie, la République tchèque et la Serbie quant à elles y ont ouvert des succursales officielles dédiées au commerce ou à la défense.
Déménagement vaut acceptation
Pour les Eglises à Jérusalem, « le fait même de revoir l’emplacement de l’ambassade britannique suggère non seulement que les accords négociés concernant Jérusalem et la Cisjordanie ont déjà résolu les différends en cours entre les parties concernées – alors qu’en fait ce n’est pas le cas – mais implique également qu’aucune de ces négociations sont nécessaires : que la poursuite de l’occupation militaire de ces territoires et l’annexion unilatérale de Jérusalem-Est sont toutes deux acceptables ». Et de signer : « nous ne pouvons pas croire que c’est le message que le gouvernement britannique souhaite envoyer au monde ».
Pour mémoire, Jérusalem-Est comprend la vieille ville qui abrite le site le plus sacré du judaïsme, le Saint-Sépulcre et le troisième site le plus saint de l’islam. Les Palestiniens espèrent faire de Jérusalem-Est, la capitale du futur Etat auquel ils aspirent quand Israël considère la ville sainte comme sa capitale indivise.
Cependant, pour les Nations unies, le statut de Jérusalem doit être convenu entre les Israéliens et les Palestiniens et un accord de paix doit être conclu entre les deux parties avant que les pays ne décident d’ouvrir leur ambassade en Israël à Jérusalem.
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« En tant que ville sainte des trois confessions abrahamiques représentant plus de la moitié de la population mondiale, Jérusalem est reconnue depuis longtemps par la communauté internationale, y compris le Royaume-Uni, comme ayant un statut spécial (Corpus Separatum), visant à sauvegarder la liberté de religion, le caractère sacré de Jérusalem en tant que ville sainte, le respect et la liberté d’accès à ses lieux saints (Rapport de l’ONU, « Le statut de Jérusalem », 1997) », ont détaillé les dirigeants chrétiens.
Rappelant que le statu quo religieux est important pour maintenir l’harmonie à Jérusalem et pour les bonnes relations entre les communautés religieuses du monde entier, et soulignant que « la reconnaissance implicite de ce statu quo est le Corpus Separatum ». Or,« le déplacement envisagé de l’ambassade britannique à Jérusalem, expliquent-ils, porterait gravement atteinte à ce principe clé du Corpus Separatum et aux négociations politiques qu’il cherche à faire avancer ». C’est pourquoi, les Eglises de Terre Sainte ont appelé le Royaume-Uni à « redoubler d’efforts diplomatiques » pour mettre fin au conflit israélo-palestinien plutôt que de déplacer leur ambassade.
La mise en garde des Eglises britanniques
L’intervention des patriarches et des chefs des Eglises de Terre Sainte a emboîté le pas à celles des plus hauts chefs religieux du Royaume-Uni qui se sont prononcés contre la proposition de Liz Truss.
Dans une déclaration vendredi dernier à Jewish News, basé au Royaume-Uni, un porte-parole de l’archevêque de Cantorbery, Justin Portal Welby, primat de toute l’Angleterre, et chef de la communion anglicane, a exprimé l’inquiétude du prélat quant aux effets possibles du déplacement de l’ambassade britannique en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem avant qu’un accord négocié entre les Palestiniens et les Israéliens ne soit conclu. Il a dit que l’archevêque continuait de prier pour la paix de Jérusalem et de maintenir le contact avec les chefs chrétiens de Terre Sainte.
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Le cardinal Vincent Nichols, archevêque de Westminster et chef de l’Eglise catholique en Angleterre et au Pays de Galles, a quant à lui annoncé avoir écrit à la Première ministre britannique pour l’appeler instamment à ne pas déplacer l’ambassade britannique de Tel-Aviv à Jérusalem. Jeudi dernier sur Twitter il résumait ses propos en exprimant sa « profonde préoccupation » par rapport à « un tel transfert » qui « serait gravement préjudiciable à toute possibilité de paix durable dans la région et à la réputation internationale du Royaume-Uni ».
Et d’ajouter : « le pape François et les chefs des Eglises de Terre Sainte demandent depuis longtemps que le statu quo international sur Jérusalem soit maintenu, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies. La ville doit être partagée comme un patrimoine commun, sans jamais devenir le monopole exclusif d’aucune partie ». Le cardinal a conclu : « je ne vois aucune raison valable pour laquelle un déménagement doit maintenant être envisagé. Je demande sincèrement au Premier ministre de reconsidérer l’intention qu’elle a exprimée et de concentrer tous les efforts sur la recherche d’une solution à deux Etats, dans laquelle Jérusalem aurait un statut spécial garanti ».