C‘est Byzance au Louvre ! Le célèbre musée parisien comprend désormais neuf départements de conservation. Le petit dernier, qui occupera tout de même 3 000 m2, ouvrira au public d’ici 2026. Le 4 octobre 2022, est paru au Journal Officiel de la République Française le décret portant création de ce « département des Arts de Byzance et des Chrétientés en Orient ».
C’est un vieux projet qui remonte au mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et qui a mis du temps à sortir des tiroirs pour être finalement officiellement annoncé par la nouvelle présidente-directrice de l’établissement, Laurence des Cars en mai 2021, lors de sa nomination.
Plus de 12 000 œuvres dispersées actuellement dans sept départements du musée seront rassemblés dans ce département dédié, identifié et cohérent. Un tel projet avait été recommandé dans le rapport au Président de la République de Charles Personnaz, alors rapporteur à la Cour des Comptes et chargé de mission bénévole à l’Œuvre d’Orient. Intitulé « renforcer l’action de la France dans la protection du patrimoine du Moyen-Orient et le soutien au réseau éducatif des communautés chrétiennes de la région », le rapport comportait plusieurs propositions. La numéro 6 (page 13 du rapport et détails dans les pages 48-49), préconisait cette valorisation des collections chrétiennes orientales à l’heure où l’héritage culturel des chrétientés en Orient est menacé.
Artisanat de luxe à Bethléem au XVIIe siècle
Parmi les œuvres majeures figurant dans le nouveau département, on retrouvera notamment une maquette du Saint-Sépulcre de Jérusalem (22 x 41 x 35 cm), de la seconde moitié du XVIIe siècle, qui vient d’être acquise le 6 octobre, par préemption lors d’une vente aux enchères à Nice, adjugée à 80 000 euros. La pièce, qui n’avait jamais été présentée sur le marché, est accompagnée d’une maquette de l’édicule du Saint-Sépulcre, de leur boîte d’origine et d’une maquette de la chapelle du Calvaire.
Seule une trentaine de maquettes similaires est connue à ce jour. La plupart se trouvant dans des musées ou institutions privées. Un modèle de ce type était connu dans les collections du roi Louis XIV. En France, on peut également en voir au Mucem de Marseille et au musée de la ville de Poitiers. La basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem est depuis des siècles le point culminant des pèlerinages en Terre Sainte pour les chrétiens. Beaucoup de pèlerins, catholiques comme orthodoxes, ont rapporté des souvenirs de leur séjour sur les Lieux saints.
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Pour les plus fortunés, se développa au XVII et XVIIIe une luxueuse production d’objets de dévotion à vertu décorative ou mémorielle, parmi lesquels des maquettes des Lieux saints réalisées par des artisans de Bethléem. Ce type d’objet est attesté dès 1462, dans le récit de voyage d’un Anglais, William Ney, qui décrit une maquette de la chapelle du Calvaire. Ces maquettes de dévotion, d’une très grande finesse d’exécution, en marqueterie de nacre et d’os de chameaux (et parfois d’ivoire) ont été fabriquées dans du bois d’olivier.
Cette technique de marqueterie s’inscrit dans la tradition du décor du mobilier de la région syro-libanaise, en usage depuis le XIIe siècle. Depuis le XIVe siècle et la création de la custodie de la Terre sainte, les franciscains ont fortement poussé au développement de cet artisanat dans la région pour lequel une salle du Terra Sancta Museum à Jérusalem sera dédiée.
Comme un jeu de construction ou une maison de poupée
La maquette acquise par le Louvre est fixée sur un plateau de bois. Comme un jeu de construction ou une maison de poupée, la pièce miniaturisée est constituée d’éléments amovibles qui s’emboîtent et/ou s’empilent et qui permettent quand ils sont désolidarisés de dévoiler l’intérieur avec chapelles et autres éléments cachés sous les coupoles, dont l’édicule de l’Anastasis, absent de certains exemplaires de la même époque.
La réduction du complexe du Saint-Sépulcre était« un objet invitant à méditer, par la manipulation de ses différents éléments, sur les épisodes de la Passion et sur la Résurrection », a fait savoir un communiqué du Louvre qui explique en outre que « cette maquette permettra de tenir un discours sur l’architecture de Terre Sainte, sur les relations entre l’Occident et l’Orient et sur les pratiques dévotionnelles du XVIIe siècle, tout en illustrant les techniques employées dans les objets d’arts décoratifs des temps modernes en Orient ». Les fleurs de lys, qui accompagne les armes de France depuis 1147 et qui apparaissent sur la maquette laissent penser que le commanditaire initial était un français de très haut rang.