Si Benjamin Netanyahou est sur le point de retrouver son siège de Premier ministre, il doit sa victoire à la montée en force des idées d'une droite radicale, religieuse et ouvertement raciste, passée de l'ombre à la lumière en l'espace de deux ans.
Chassez Bibi, et il revient au grand galop. Après un an et demi sur les bancs de l’opposition, Benyamin Netanyahou s’apprête à retrouver son siège de Premier ministre, poste dont il détient le record de longévité en Israël, avec plus de 12 ans d’exercice du pouvoir. Jeudi, alors que la quasi totalité des bulletins ont été dépouillés, son parti, le Likoud, sécurise 32 sièges au parlement. Le bloc qu’il mène, composé de partis ultra-orthodoxes et d’extrême-droite, obtient la majorité, avec 64 sièges sur 120. Une première en 2 ans d’instabilité politique et 5 scrutins.
Lire aussi >> Netanyahou le retour: Israël à droite toute
Cette victoire, il la doit en grande partie à la percée de son allié issu de la droite radicale, le Parti sioniste religieux, mené par Bezalel Smotrich, et son colistier Itamar Ben Gvir, étoile montante de la politique israélienne à la tête du parti Otzma Yehudit (Force Juive). En doublant la mise des sièges obtenus en 2021 (il passe de 6 à 14 sièges), le mouvement s’impose désormais comme la troisième force politique du pays. « Le centre du spectre politique israélien s’est complètement déplacée vers la droite », observe Gideon Rahat, membre de l’Institut israélien pour la démocratie, qui s’inquiète d’une « dérive populiste et illibérale » de la démocratie israélienne.
Le chef du parti Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir,lors de l’annonce des résultats des élections israéliennes à Jérusalem, le 1er novembre 2022. ©Yonatan Sindel/Flash90
« Mort aux terroristes ! », scandaient les militants de Ben-Gvir lors de la soirée électorale organisée au QG du candidat, mardi 1er novembre. Une version plus politiquement correcte du « Mort aux arabes », qui rythme habituellement les manifestations de ce parti suprémaciste juif, dont les idées et le positionnement ouvertement racistes, sont tout droit hérités du kahanisme.
Admirateur de Baruch Goldstein
Ce courant, né dans les années 1980, tire son nom de celui qui en formulera les lignes directrices : le rabbin israélo-américain Meir Kahan. Fondateur de l’organisation terroriste « Ligue de la Défense juive », en 1968, il est partisan d’une théocratie juive et milite pour l’expulsion de tous les Palestiniens, qu’ils vivent dans les territoires occupés ou en Israël, hors du pays. Son parti, Kach, sera interdit en Israël pour cause de « racisme ».
Un membre de la Ligue de la Défense Juive, Baruch Goldstein, sera notamment à l’origine du massacre du caveau des Patriarche, à Hébron, en 1994. La fusillade, en pleine prière musulmane, fera 29 morts et 125 blessés avant que son auteur ne soit arrêté et battu à mort. Jusqu’en 2020, Itamar Ben-Gvir possédait une photo de Baruch Goldstein chez lui.
Rabbin Meir Kahane, rabbin orthodoxe américain, auteur, activiste politique et ancien membre de la Knesset israélienne, 1984 ©Yossi Zamir/Flash90
Issu d’une famille d’immigrants juifs irakiens, le jeune Itamar intègrera les jeunesses du parti Kach. En 1995, il menace, devant les caméras de télévision, le Premier ministre israélien de l’époque, Yitzhak Rabin : « Nous sommes arrivés à sa voiture, et nous l’atteindrons aussi« , clame-t-il en brandissant l’insigne de la Cadillac de Rabin, arraché un peu plus tôt. Le Premier ministre, impliqué dans les processus de paix d’Oslo, sera assassiné deux semaines plus tard, par un kahaniste.
De l’ombre à la lumière
L’accent mis par Ben Gvir sur la sécurité publique se nourrit du sentiment d’insécurité liée aux émeutes des villes mixtes arabo-juives, qui ont éclaté pendant le conflit de mai 2021, et d’une récente résurgence des tensions en Cisjordanie. La sécurité étant l’un des problème numéro un des israéliens, l’approche radicale défendue par cet avocat charismatique, séduit, notamment chez les plus jeunes.
Son parti, Otzma Yehudit, successeur idéologique du parti Kach, est longtemps resté à la marge de la politique israélienne. Il aura fallu seulement deux ans à Ben Gvir pour passer de l’ombre à la lumière, du partenaire honteux à celui à qui Benjamin Netanyahou a proposé une alliance, afin d’élargir son électorat.
Lire aussi >> Qui sont les ultra-nationalistes juifs qui vont entrer au Parlement israélien ?
En cours de route, Ben-Gvir a adouci sa rhétorique incendiaire, mais pas ses prises de position. Il a fait entrer dans le courant dominant sa vision extrémiste de ce que signifie être un État juif et démocratique pour Israël. A savoir un Etat uniquement pour les juifs. « Ces dernières années, Israël a vu grandir une campagne de délégitimisation constante menée par la droite, contre la gauche en générale, et contre les arabes en particulier, analyse Avraham Burg, ancien président de la Knesset. A la minute ou le génie de la haine sort de sa lampe, personne n’est meilleur que Ben-Gvir pour s’en saisir. Il hait les Arabes. »
« En 1984, quand l’extrémiste Kahane est monté à la tribune de la Knesset, tous les députés Likoud sont sortis. En 2021, c’est Netanyahou, chef du Likoud, qui fait entrer le kahaniste Ben-Gvir au Parlement, pointe Frédérique Schillo, historienne spécialiste d’Israël. En 2022, c’est ce même Netanyahou qui lui offre un ministère, probablement celui de la sécurité publique. » De quoi offrir à cette droite radicale, suprémaciste et ouvertement raciste, un accès sans précédent aux protocoles et au pouvoir israéliens.
