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Comment le Noël catholique a été fixé au 25 décembre

Alberto Elli
23 décembre 2022
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Le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa avec la statue de Jésus lors de la messe de minuit, le 24 décembre au soir ©Cécile Lemoine/Montage TSM

De la fixation de la date de Noël en Occident, ou comment une fête païenne romaine a été christianisée


Chez les chrétiens de Terre Sainte, Noël se fête à trois dates différentes : 25 décembre, 7 janvier et 18 janvier. Pendant l’Avent, Terre Sainte Magazine vous invite à comprendre la disparité de ces dates et découvrir comment se célèbrent ces autres Noël dans les Églises orientales à Bethléem. Les articles sont extraits du dossier du numéro 664 (Novembre-Décembre 2019).


Dans un empire romain devenu chrétien, on ne pouvait plus compter les années depuis la création de Rome. Vers 525, Denys le Petit (Dionysius Exiguus), moine qui vivait à Rome, fut invité par le chancelier du pape Jean Ier (523-526) à élaborer une méthode mathématique pour calculer la date de Pâques selon la règle adoptée par le concile de Nicée.

Alors que jusque-là on dénombrait les années en les comptant soit depuis la fondation de Rome (ab urbe condita 753 av. J.-C.), soit depuis le début du règne de Dioclétien (284 ap. J.-C.), ou encore, depuis les « premiers temps », Denys, lui, choisit de les compter selon un tout nouveau critère : ab Incarnatione Domini nostri Iesu Christi, c’est-à-dire «depuis l’Incarnation de notre Seigneur Jésus Christ», autrement dit dès sa conception (fête de l’Annonciation).

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Avec un calcul basé sur les Évangiles de Luc et Matthieu, sur les documents historiques dont il disposait, et sur la Tradition, Denys établit que la naissance de Jésus avait eu lieu le 25 décembre de l’an 753 depuis la fondation de Rome (l’Incarnation aurait donc eu lieu neuf mois avant, le 25 mars de la même année 753), établissant ainsi comme année 1 celle qui commençait la semaine suivant cette date, et fixant de fait l’égalité suivante : «Année 1 de l’ère chrétienne = année 754 depuis la fondation de Rome». 

Jésus est né plus tard que calculé

Les calculs de Denys étaient très probablement faux. On suppose en effet qu’Hérode le Grand, règne sous lequel Jésus naquit, mourut en l’an 750 depuis la fondation de Rome (= an 4 av. J.-C.), année à partir de laquelle ses fils et successeurs Archélaos, Hérode Antipas et Philippe entamèrent le début de leurs règnes.

Durant la messe de minuit à la basilique de la Nativité, la statue du petit Jésus est déposé dans la chapelle de la Mangeoire ©Cécile Lemoine/TSM

Dans ce cas l’année de la naissance de Jésus était probablement l’an 747 à partir de la fondation de Rome, soit l’an 7 av. J.-C., bien que d’autres retardent cette date jusqu’en l’an 5 ou 4 av. J.-C.

On assiste cependant actuellement à une réévaluation des calculs de Denys. En fait il a été suggéré qu’en l’an 4 av. J.-C. Hérode avait associé ses enfants au trône, une pratique courante à l’époque, avant sa mort, celle-ci ayant alors eu lieu en l’an 757 depuis la fondation de Rome, c’est-à-dire en l’an 4 ap. J.-C.

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Enfin, des études très récentes des textes d’un calendrier liturgique trouvé à Qumran, concernant les rotations sacerdotales, et du Livre des Jubilés, également trouvé à Qumran, confirmeraient l’hypothèse que Jésus soit effectivement né dans la période du 25 décembre précédant l’an 1.

Le premier document daté avec certitude et attestant la date traditionnelle du 25 décembre pour la naissance du Christ, remonte à 336. Comme l’écrivit Jean Chrysostome en 390, c’est le pape Jules Ier (337-352) qui, vers le milieu du IVe siècle, officialisa la date de Noël dans l’Église catholique.

Le 25 décembre, une décision politique

Pour de nombreux érudits, le choix de ce jour ne dériverait pas d’une ancienne tradition relative au jour même de la naissance de Jésus, mais de la décision «politique» de remplacer les éléments allégoriques païens, en particulier le désir de christianiser la fête païenne de Sol invictus, le «soleil invaincu», célébrée le huitième jour des calendes de janvier, soit justement le 25 décembre.

Défilé de pèlerins catholiques dans la grotte de la Nativité, après la messe de minuit, célébrée le 24 décembre ©Cécile Lemoine/TSM

Cette hypothèse, qui semble avoir été avancée pour la première fois vers la fin du XIIe siècle par un commentateur syriaque anonyme sur un texte de Denys Bar Salibi, fait aujourd’hui l’objet de discussions parmi les chercheurs.

L’origine de l’antique fête de Sol invictus est généralement liée au règne d’Aurélien (270-275) qui, probablement vers la fin de l’an 274, a construit à Rome un temple dédié au Soleil (dont il importa le culte de Palmyre et dont il fit la divinité principale de l’empire), en organisant aussi un clergé spécifique.

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En fait le culte du Soleil à Rome semble être beaucoup plus ancien, précédant probablement l’ère chrétienne. Quant à l’épithète invictus appliquée au Soleil, elle est attestée par une plaque datant de 158 ap. J.-C. et d’autres découvertes archéologiques du IIe siècle.

La date du 25 décembre suivait de quelques jours le solstice d’hiver, une récurrence astronomique extrêmement symbolique : en effet, le soleil atteint à midi la hauteur minimale du ciel, puis revient grandir les jours suivants, s’avérant «non vaincu».

Ce remplacement de la fête païenne par une fête chrétienne est parfois qualifié d’usurpation abusive et illégitime de l’Église, visant à «tromper» le peuple. En réalité, dans toute rencontre entre cultures, différents phénomènes d’assimilation et de substitution sont usuels, et l’inculturation de la foi est un phénomène normal, commun et légitime de la vie de l’Église (pensons, par exemple, à la fête de saint Joseph artisan qui se trouve depuis 1955 superposée à la fête socialiste des travailleurs du 1er mai).


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